L’Ifaw dévoile le trafic en ligne des espèces menacées - La Semaine Vétérinaire n° 1766 du 01/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1766 du 01/06/2018

FAUNE SAUVAGE

ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON  

Le Fonds international pour la protection des animaux a publié un nouveau rapport sur le commerce en ligne des animaux sauvages, morts ou vivants, de quatre pays, dont la France. Sur une période de six semaines, 11 772 spécimens d’espèces sauvages menacées ont été comptabilisés sur 106 sites de vente en ligne et quatre réseaux sociaux. Les reptiles étaient le groupe le plus représenté dans les annonces.

Une grande partie des espèces visées par les criminels sont proches du point de rupture au-delà duquel leurs effectifs ne seront plus suffisants pour maintenir les populations. » La mise en garde de Rikkert Reijnen, directeur du programme Criminalité contre les espèces sauvages du Fonds international pour la protection des animaux (Ifaw), introduit le dernier rapport1 de l’organisation non gouvernementale sur le commerce en ligne des animaux sauvages, Faune sauvage et cybercriminalité : briser la chaîne. Quatrième enquête internationale menée par l’association2, elle visait à « identifier les plateformes utilisées par les vendeurs », afin d’épauler celles-ci dans la lutte contre le trafic animal, et à « aider les agences de lutte contre la fraude en repérant des informations sur des trafiquants présumés ». Pour ce faire, les enquêteurs ont analysé les annonces et les messages de 106 sites de vente en ligne et de quatre réseaux sociaux, pendant six semaines, en Allemagne, en France, au Royaume-Uni et en Russie. De plus, ils se sont focalisés sur les espèces menacées d’extinction, à savoir celles inscrites en annexe I de la Cites3 ou en annexe A de la Commission européenne (CE). Au total, 11 772 spécimens d’animaux protégés ont été recensés, dont 80 % d’animaux vivants et 20 % de parties du corps et de produits dérivés, via 5 381 annonces, correspondant à une valeur de 3 200 000 €.

Les reptiles, groupe le plus vendu

Avec 6 460 spécimens vendus, les reptiles sont le groupe le plus représenté dans les annonces. 45 % d’entre eux sont des tortues marines et terrestres. Le trafic concerne surtout l’Allemagne et le Royaume-Uni, en particulier s’agissant des reptiles vivants. Dans ces deux pays, les tortues (animaux vivants et produits dérivés) représentent respectivement 64,69 % et 31,68 % des spécimens identifiés dans ce trafic.En France, les tortues se placent en troisième position, à raison de 17,96 % des spécimens identifiés, mais en seconde position en matière de commerce d’animaux vivants, après les perroquets (22,66 % des spécimens). Les oiseaux constituent le second groupe qui apparaît le plus dans les annonces, avec 2 881 spécimens recensés. Il s’agit surtout de ventes de perroquets (1 775 animaux vivants répertoriés). En troisième place, l’ivoire continue de faire l’objet de nombreuses annonces, surtout en France (738), loin devant le Royaume-Uni (248), l’Allemagne (211) et la Russie (91). C’est d’ailleurs le trafic numéro un en France, avec l’ivoire authentique ou présumé qui représente 38,54 % des spécimens recensés. Les annonces répertoriées portaient sur des sculptures, des bijoux et des netsukes, mais aussi sur des pianos à touches en ivoire et de la coutellerie. Près de 40 % d’entre elles disaient être légales4.

Une sous-estimation des résultats

Malgré certains progrès pointés du doigt par le rapport, en comparaison avec l’enquête de 2014, le nombre de spécimens recensés pourrait être sous-estimé. En cas de doute sur le nombre dans une annonce, seul un spécimen était comptabilisé. De plus, lorsque les spécimens n’étaient pas identifiables comme espèces menacées (produits en cuir de reptiles, par exemple), les annonces étaient exclues de l’enquête. Dans les cas où le spécimen n’était pas précisé, les enquêteurs utilisaient des indicateurs pour identifier « les annonces et messages susceptibles d’être en infraction à la législation, ou de présenter un intérêt pour les autorités nationales de lutte contre la fraude ». Enfin, seul l’accès aux zones publiques des réseaux sociaux a été possible. Ces derniers représentaient 6,2 % du volume de commerce, notamment Facebook (165) et Instagram (110), le Royaume-Uni totalisant le plus grand nombre de messages (125). Pour autant, vu le non-accès aux groupes fermés, ce pourcentage est probablement sous-estimé. De plus, les précédentes enquêtes avaient montré une hausse de la participation de ces réseaux dans le commerce en ligne des espèces protégés, avec un record en Chine, dans le rapport de 2014, où plus de la moitié du commerce en ligne se déroulait sur les réseaux sociaux et les forums.

1 https://g.ifaw.org/2rXL0HR.

2 Trois précédents rapports ont été publiés en 2008 (8 pays), 2014 (16 pays) et 2017 (7 pays d’Afrique uniquement).

3 Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction.

4 L’ivoire “antique”, c’est-à-dire sculpté/travaillé avant le 3 mars 1947, peut être mis librement à la vente. La vente d’ivoire travaillé après 1947, ou de défenses brutes ou morceaux de défense (plus ou moins polis), doit être accompagnée d’un certificat pour le commerce intra-Union européenne de spécimens des espèces inscrites à l’annexe A du règlement (CE) n° 338/97, qui prouve la régularité de la détention (bit.ly/2sclO0i).

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