Indications et modalités de la chimiothérapie métronomique - La Semaine Vétérinaire n° 1766 du 01/06/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1766 du 01/06/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS  

La stratégie anticancéreuse offre différents axes : les agents cytotoxiques (peu spécifiques, toxicité générale), les thérapies ciblées sur une protéine importante pour la multiplication des cellules et la chimiothérapie métronomique qui vise le microenvironnement tumoral.

La chimiothérapie métronomique se définit comme l’administration fréquente de faibles doses d’agent de chimiothérapie conventionnelle dans le but, non de tuer directement les cellules tumorales, mais d’agir sur la croissance tumorale par le biais de son microenvironnement. C’est une prise en charge du cancer en tant que maladie chronique sans chercher une guérison, intéressante en médecine vétérinaire par sa faible toxicité et son coût limité. Elle s’associe généralement à d’autres traitements, notamment en phase de consolidation.

Action sur le microenvironnement tumoral

La tumeur (primitive ou ses métastases) croit dans un microenvironnement particulier, constitué de cellules du tissu de soutien (fibroblastes, adipocytes, ostéoblastes), de cellules de l’immunité et de cellules endothéliales à l’origine de la néoangiogénèse tumorale. Ces dernières participent à la progression cancéreuse in situ (apport en nutriments et en oxygène aux cellules tumorales) et à distance (dissémination des cellules par les vaisseaux). Alors que le système immunitaire est normalement capable d’identifier et de détruire les cellules anormales, le microenvironnement tumoral est immunotolérant, constitué de lymphocytes T régulateurs participant à l’échappement immunitaire et à la progression tumorale. La chimiothérapie métronomique vise ces deux axes.

Molécule

Le cyclophosphamide1 est un agent alkylant, le plus utilisé dans la chimiothérapie métronomique. À faible dose, il a montré, en médecine humaine et animale, son efficacité dans l’inhibition en nombre et en fonctionnalité des lymphocytes T régulateurs, et dans la modulation des cytokines immunomodulatrices. Il a également des propriétés antiangiogéniques : élévation de la thrombospondine 1 (cytokine antiangiogénique) et diminution du nombre des cellules progénitrices responsables de la néoangiogenèse tumorale.

Toxicité

À forte dose, le cyclophosphamide est responsable de toxicité hématologique, gastro-intestinale et de cystite hémorragique (toxicité spécifique). En schéma métronomique (10 mg/m²/j), les troubles gastro-intestinaux peuvent être modérément rencontrés (environ 15 % des cas), la toxicité hématologique n’est pas rapportée et les cystites hémorragiques sont décrites dans 25 % des cas (l’utilisation conjointe du furosémide semble réduire ce risque à 4 %).

Coût

Une chimiothérapie conventionnelle est coûteuse : matériel, hospitalisation, gestion des déchets, produits, personnel de surveillance, etc. La chimiothérapie métronomique ne présente pas ces inconvénients : administration per os, à la maison, de médicament peu cher, aux effets secondaires moindres.

Indications et résultats

La chimiothérapie métronomique a montré son efficacité pour le traitement :

- des sarcomes ayant bénéficié d’un traitement chirurgical et d’un traitement adjuvant en chimiothérapie et/ou radiothérapie (hémangiosarcome splénique et sarcome des tissus mous),

- des sarcomes, au risque élevé de récidive ou de progression métastasique, qui ont bénéficié d’un traitement chirurgical mais pour lesquels les traitements conventionnels ne sont pas envisageables pour des raisons de toxicité ou de coût,

- des cancers solides inopérables ou métastasés pour en ralentir la progression.

Après splénectomie, la chimiothérapie métronomique (cyclophosphamide + piroxicam1), seule ou en approche combinatoire (après utilisation de la doxorubicine), a montré une meilleure efficacité sur la prévention des métastases lors d’hémangiosarcome que la chimiothérapie classique (doxorubicine).

Elle apporte un net bénéfice dans le contrôle de la récidive locale lors de sarcome des tissus mous, en approche combinatoire (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie et chimiothérapie métronomique).

Pour les ostéosarcomes, le bénéfice n’est pour l’instant pas montré.

Dans les cancers métastasés, une stabilisation de la maladie, voire des rémissions partielles sont objectivement obtenues.

Une étude a utilisé le chlorambucil1 et la piroxicam dans le carcinome transitionnel vésical : la réponse clinique semble bonne, même si ces résultats doivent être confirmés.

Protocole

La chimiothérapie métronomique utilise le plus souvent des agents alkylants (cyclophosphamide 10 à 15 mg/m²/j, chlorambucil 4 mg/m²/j, lomustine1 2,84 mg/m²/j). D’autres agents peuvent être utilisés en association : les anti-Cox 2 (piroxicam, méloxicam, célécoxib1, avec une toxicité digestive), inhibiteurs des tyrosines kinases (tocéranib, mastinib : coût, toxicité), le thalidomide1 (à l’essai thérapeutique chez le chien, pas encore utilisé en France).

1 Pharmacopée humaine.

Stéphanie Beurlet Vétérinaire au laboratoire Vebio (Arcueil, Val-de-Marne). Article rédigé d’après une présentation faite au congrès de l’Afvac à Nantes (Loire-Atlantique), en novembre 2017.

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