Quel traitement lors de maladie rénale chronique féline ? - La Semaine Vétérinaire n° 1765 du 25/05/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1765 du 25/05/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : LAURENT MASSON  

La maladie rénale chronique (MRC) est évolutive. La moitié des animaux atteints meurent dans les 3 ans qui suivent le diagnostic chez le chat (et dans l’année chez le chien), quelle qu’en soit l’origine. Son traitement a fait l’objet de recommandations consensuelles à partir de la classification Iris basée sur les résultats des examens sanguins (créatinine, diméthylarginine symétrique [SDMA]), urinaires (protéinurie) et de la pression artérielle systolique. La prise en charge thérapeutique a pour objectif de ralentir l’évolution de la maladie et d’en limiter l’expression clinique.

Alimentation

L’alimentation thérapeutique est la seule mesure thérapeutique ayant démontré un effet sur la durée de vie du chat atteint de MRC à partir du stade 2. La littérature fait état d’une espérance de vie multipliée environ par trois entre les groupes d’animaux insuffisants rénaux nourris ou non avec un aliment thérapeutique (médiane de vie de 188 jours versus 600 jours chez le chien et 264 jours versus 633 jours chez le chat)1. Les principales particularités nutritionnelles recherchées sont une restriction protéique qualitative et quantitative, une diminution de l’apport en phosphore, un apport en potassium et une restriction en sodium (lutte contre l’hypertension), un apport en oméga 3 plus important (propriétés néphroprotectrices). Au stade 1 sans protéinurie, une étude2 a montré une diminution significative de la SDMA sous alimentation thérapeutique dans l’année qui suit son instauration.

Traitement étiologique

Aux stades Iris 1 et 2, sur des animaux jeunes, il est intéressant de déterminer la cause sous-jacente d’une maladie rénale chronique, ou au minimum de s’interroger sur celle-ci, car les lésions peuvent être réversibles à ces stades (comme lors de [tubulo-]néphrite, de glomérulonéphrite immunitaire, de pyélonéphrite précoce, de lymphome rénal, de néphrotoxicité médicamenteuse ou d’obstruction urétérale). En revanche, la détermination de la cause est souvent moins intéressante à partir du stade 3, car les lésions sont généralement irréversibles. La biopsie rénale permet une analyse histologique conventionnelle et surtout immunohistochimique et microscopique électronique.

Traitement hypotenseur

L’hypertension artérielle systémique est susceptible d’apparaître chez les chats insuffisants rénaux à n’importe quel stade de la maladie, avec des conséquences rénales (protéinurie), oculaires (hémorragies et décollements rétiniens), cérébrales (encéphalopathie hypertensive), cardiaques (hypertrophie myocardique). Il convient donc de réaliser une mesure systématique de la pression artérielle (PA). Une valeur inférieure à 150 mmHg en systole correspond à un animal normotendu. Un suivi régulier est recommandé entre 150 et 160 mmHg en systole et impose un traitement en cas de persistance pendant 1 à 2 mois. Si la PA systolique dépasse 160 mmHg de façon durable (1 à 2 semaines), une prise en charge thérapeutique (amlodipine, 0,125 à 0,25 mg/kg/j) est indiquée compte tenu du risque d’atteinte des organes cibles. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) sont prescrits en seconde intention ou seulement lors de faible hypertension.

L’hypertension glomérulaire peut provoquer une protéinurie, qui est un facteur péjoratif de la MRC, car elle est corrélée à l’espérance de vie des animaux. Chez les chats avec un ratio protéinurie/créatininurie supérieur à 0,4, le bénazépril permet de diminuer la protéinurie, mais ses effets sur l’espérance de vie ne sont pas démontrés. Le telmisartan a fait la preuve de sa non-infériorité par rapport au bénazépril.

En raison d’une diminution de la pression de filtration glomérulaire, une augmentation temporaire de la créatininémie à la suite de la mise en place d’un traitement à base d’IECA ou d’un inhibiteur de l’angiotensine II est prévisible. Il convient donc de réserver l’instauration d’un traitement reposant sur un IECA aux animaux cliniquement stables, non déshydratés, asymptomatiques et susceptibles de vivre suffisamment longtemps pour bénéficier d’un impact favorable éventuel (stades 1 à 3 avec protéinurie, mais jamais au stade 4). Enfin, il ne faut pas s’attendre à un effet biologique favorable, mais à un ralentissement éventuel de la progression de la maladie.

Traitement de soutien

La préservation de la qualité de vie est à rechercher. La stimulation de l’appétit, la réduction des vomissements et l’augmentation de l’activité sont attendus grâce à la mirtazapine3 (un huitième de comprimé de 15 mg toutes les 48 heures ou un quart de comprimé tous les 3 jours). L’anémie est traitée jusqu’à l’obtention d’un hématocrite supérieur à 20 %. Le sucralfate permet de contrer les saignements digestifs. La réhydratation (possible à domicile par voie sous-cutanée) améliore l’état clinique et augmente la longévité. Les infections urinaires sont à rechercher et à traiter.

1 Elliott J., Rawlings J. M., Markwell P. J. et coll. Survival of cats with naturally occurring chronic renal failure : effect of dietary management. J. Small. Anim. Pract. 2000;41(6):235-242 ;

Jacob F., Polzin D. J., Osborne C. A. et coll. Clinical evaluation of dietary modification for treatment of spontaneous chronic renal failure in dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2002;220(8):1163-1170.

2 Hall J. A., Fritsch D. A., Yerramilli M. et coll. A longitudinal study on the acceptance and effects of a therapeutic renal food in pet dogs with Iris - stage 1 chronic kidney disease. J. Anim. Physiol. Anim. Nutr. (Berl.). 2018;102(1):297-307.

3 Pharmacopée humaine.

Juan Hernandez Diplomate Acvim et Ecvim, chef du service de médecine interne à Oniris, à Nantes (Loire-Atlantique). Article rédigé d’après une présentation faite au congrès de l’Afvac à Nantes, en novembre 2017.

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