L’OIE au cœur de la stratégie sanitaire internationale - La Semaine Vétérinaire n° 1765 du 25/05/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1765 du 25/05/2018

MISE EN ŒUVRE DE NORMES

ACTU

Auteur(s) : MARINE NEVEUX 

L’Organisation mondiale de la santé animale achève tout juste sa 86 e session générale, après plusieurs journées d’échanges, notamment sur les zoonoses et l’adoption de normes internationales.

La 86e session générale de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), qui s’est tenue du 20 au 25 mai, a mis en avant de grands enjeux de santé à travers la planète. Notre consœur Monique Eloit, directrice de l’organisation, a pointé l’augmentation de la faim dans le monde, en raison des changements climatiques et des conflits, mais aussi des maladies animales. Les zoonoses demeurent une cause importante de décès. « L’OIE s’engage pour que vous soyez mieux armés pour répondre aux enjeux, en s’appuyant sur le trépied : définition des normes, transparence sur les informations sanitaires, et renforcement des capacités des services vétérinaires », a-t-elle expliqué aux pays membres. L’OIE est, en 2018, a mi_parcours de son 6e plan stratégique 2016-2020.

Assurer la santé et le bien-être animal par une gestion adaptée des risques

Quatre commissions spécialisées et des groupes ad hoc planchent sur le sujet. Est en germe aussi le projet de création d’un observatoire pour évaluer l’application des normes. Le recueil des informations collectées par le laboratoire servira aussi à l’adaptation des ateliers de formation de l’OIE.

Des programmes de lutte contre les maladies prioritaires

Le plan d’action mondial de lutte contre la rage a été finalisé. Lancé en septembre 2017, il a pour objectif zéro décès de la rage en 2030.

La fièvre aphteuse reste une des trois maladies les plus fréquemment notifiées sur la liste de l’OIE en 2017 et début 2018. Elle est rapportée sous cinq sérotypes dans presque 35 % des pays.

Concernant la peste des petits ruminants, un programme d’information et de lutte a été finalisé.

Pour la peste bovine, il convient de préparer un stock de vaccins en cas de réémergence de la maladie. « Nous maintenons la communication et la sensibilisation », a expliqué Monique Eloit.

Dans les prochains mois suivront des lignes directrices pour les paraprofessionnels travaillant dans des laboratoires de diagnostic.

« Nous avons un engagement pour un usage raisonné des médicaments vétérinaires en raison de résistances possibles. » L’OIE encourage à traduire la stratégie internationale en stratégie nationale. « Je vous demande d’être actifs, d’interpeller vos ministres. Les travaux sont techniques, mais les enjeux sont politiques. »

L’alliance de l’OIE avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) doit s’appuyer sur une base consolidée.

Une roadmap va être réalisée pour la tuberculose bovine, qui est encore une zoonose (12 000 décès dans le monde chez l’homme en 2016). Cette maladie a été rapportée dans 40 % des régions en 2017 et début 2018.

Une maladie émergente pour les animaux aquatiques génère aussi des inquiétudes : Tilapia lake virus disease provoque des taux de mortalité de 70 %.

Le bioterrorisme et l’usage à des fins délibérées des agents pathogènes sont toujours un objet de préoccupation.

À l’occasion de cette 86e session générale, les délégués de l’OIE ont adopté et revu des standards internationaux. Plusieurs chapitres sont complétés ou ajoutés pour les maladies animales. Par exemple, celui se rapportant au zonage et au cloisonnement, pour la santé et le bien-être des animaux terrestres, est révisé. Un nouveau chapitre sur la vaccination est développé, ainsi que sur le bien-être des animaux dans les systèmes de production (adoptés pour les porcs et complétant ceux existant pour les bovins et les troupeaux laitiers, comme les volailles).

Confiance, transparence et communication : c’est aussi un pilier essentiel. « Nous devons favoriser la diffusion de l’information et encourager son utilisation à bon escient », poursuit Monique Eloit, qui insiste aussi sur le renforcement de la capacité et de la durabilité des services vétérinaires.

ÉVALUER LES COÛTS DE LA RÉGLEMENTATION

Face aux enjeux sanitaires dans le monde, l’OCDE préconise d’évaluer les instruments normatifs des organisations internationales et de cartographier les coûts par secteur. Le projet d’observatoire de l’OIE sur le suivi de la mise en œuvre de ses normes par les états membres va dans ce sens. La deuxième session plénière de l’OIE a permis de faire le point sur l’adoption des normes internationales par les pays et de rappeler que celles du Codex – financé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) – reposent sur des éléments scientifiques et des organisations indépendantes. Elles servent notamment de base pour la législation régionale, en matière d’équité et de commerce international.
Toutefois, il y a encore du chemin à parcourir pour faire adopter ces normes internationales au niveau local, et pour évaluer les moyens mis en œuvre, ainsi que les coûts inhérents.
La transparence des mesures sanitaires, la confiance et l’équité entre les pays sont bien les préoccupations actuelles des membres de l’OIE et des organisations internationales, telles que l’OMS, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou la FAO, et des délégations invitées à cette session. Si des progrès sont tangibles, la vigilance reste toutefois de mise. La FAO dit ne pas surestimer ni sous-estimer la gestion de l’accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), en tout cas nécessaire en matière de sécurité alimentaire dans le monde et de prévention des urgences sanitaires.


DAVANTAGE DE TRANSPARENCE

Quant à l’OMS, la mise en œuvre de ces normes internationales doit s’appuyer sur davantage de transparence, avec un partage des informations, gratuites pour tous les pays. Le réseau constitué entre la FAO et l’OMS, ainsi que sa base de données sont essentiels pour prendre des mesures de santé publique et instaurer la confiance entre les pays.
Pour autant, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) met en garde sur l’évaluation des actions : « Il existe une concentration sur le développement des normes, sur la législation et la mise en œuvre des meilleures pratiques, mais peu s’intéressent à ce qui se passe en aval pour regarder si cela s’applique vraiment au niveau régional ». Pour Céline Kauffmann, de l’OCDE, « les organisations internationales sont peu avancées quand il s’agit d’évaluer leurs instruments normatifs ; si on n’a pas connaissance de ce qui se passe concernant les instruments régionaux, on prend du retard sur la mise en œuvre des règles internationales. Il existe parfois trop de règles à appréhender, on ne sait plus où on en est », prévient-elle.
Il est également utile d’évaluer les coûts liés à la mise en place de la réglementation. « Nous mesurons l’impact de la divergence réglementaire. Trois principaux coûts ont été évalués au-delà des frontières : ceux liés à l’information, aux spécifications (ajustement des produits) et aux conformités. Il faut cartographier ces coûts au niveau de chaque secteur », ajoute-t-elle. L’OIE travaille avec l’OCDE pour collecter, analyser et mettre en œuvre la bonne stratégie. Le projet d’observatoire de l’OIE visant à adopter les standards de l’organisation en est à ses débuts. Cela demandera du temps de tout décrypter et d’identifier notamment les difficultés et les contraintes des États membres. Il convient, par exemple, de tenir compte du niveau de développement d’un pays et de ses difficultés de mise en œuvre des normes internationales. Pour l’OIE, qui encourage les pays à de la transparence en matière de standards de sécurité sanitaire, « cela favorisera une baisse des coûts, des avantages commerciaux ».

Clarisse Burger
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