Vente de chats : avec ou sans inscription au Loof ? - La Semaine Vétérinaire n° 1764 du 17/05/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1764 du 17/05/2018

JURISPRUDENCE

ÉCO GESTION

Auteur(s) : CÉLINE PECCAVY  

Le juge du tribunal d’instance de Bourges (Cher) a condamné reconventionnellement une acheteuse à indemniser une éleveuse de chats d’une somme de 300 € représentant la différence entre un chat de race et un chat de type. Explications.

Voilà une affaire judiciaire1 qui peut paraître classique au premier abord, dans la mesure où elle concerne une vente, mais où les revendications de l’acheteur sortent réellement de l’ordinaire. Elle mérite donc véritablement que l’on s’y attarde.

Les faits : Mme B. est éleveuse de chats sibériens. Ses principes d’élevage la conduisent à refuser de faire stériliser les chatons avant leur cession. Elle demande cependant aux acquéreurs de le faire par la suite s’ils souhaitent obtenir le Loof2. Les chatons sont ainsi cédés Loof ou non Loof, selon les cas. Toutes les informations sont données à ce sujet, préalablement à la vente.

Le 12 juillet 2016, Mme B. va ainsi céder une jeune femelle à Mme K. Oui, mais voilà : Mme B. va commettre une erreur dans les contrats qu’elle va faire signer à Mme K. Le contrat de réservation va en effet mentionner que le chaton est vendu Loof, mais aussi qu’il est stérilisé, alors que le contrat de vente, lui, spécifie que le chaton est cédé non stérilisé et qu’il est non doté d’un pedigree.

Les pourparlers : Mme K. va naturellement venir très rapidement réclamer à Mme B. le pedigree de son chaton, en indiquant – fait nouveau – qu’elle souhaite plus tard le faire reproduire. Tenant sa position, Mme B. indiquera qu’elle a clairement et longuement expliqué à Mme K. sa politique d’élevage et que celle-ci ne se verra donc pas remettre le pedigree, le chaton acquis n’étant pas stérilisé.

Mais Mme K. n’en démord pas. Elle va de ce fait prendre conseil auprès d’un avocat, qui va alors menacer Mme B. de procédure si celle-ci ne délivre pas le fameux pedigree.

Conseillée par son propre avocat, Mme B. va remettre le pedigree.

Classique, me direz-vous ? Non, car Mme K. n’est pas décidée à en rester là. Elle veut le remboursement de tous ses frais d’avocat. Un refus lui est opposé. Il faut effectivement savoir qu’à l’amiable, l’usage veut que lorsque chacune des parties a un avocat, chacune garde à sa charge ses propres frais. Mme K. ne l’entend cependant pas ainsi.

Le temps judiciaire : Mme K. va ainsi saisir le tribunal d’instance de Bourges et gonfler la note de près de dix fois. Outre le remboursement de ses frais d’avocat en négociation, elle sollicite désormais une indemnisation en remboursement de frais vétérinaires car son chat aurait présenté des troubles digestifs pendant quelques jours, une autre indemnisation pour “fort préjudice moral” car ces troubles lui ont occasionné beaucoup de stress, et une autre pour “important préjudice moral” car le fait de devoir négocier pour l’obtention du pedigree a également fait l’objet d’un stress.

On comprend dès lors la particularité de cette affaire : un acheteur qui a obtenu ce qu’il souhaitait dans le cadre amiable ne saisit jamais la justice pour rentrer dans ses frais. Mme K. a osé. Mais a-t-elle bien fait ?

La position judiciaire face à une telle démarche

Cela était prévisible et n’a donc pas manqué de se produire : le magistrat s’est fortement étonné d’avoir sur son audience une telle affaire alors que Mme K. avait obtenu le pedigree du chat. Le jugement en fait clairement état : « Le tribunal note que M me K. a finalement obtenu que le chat acquis auprès de M me B. ne soit pas stérilisé et qu’il soit inscrit au Loof, à l’issue des négociations entre leurs conseils respectifs menées fin 2016-début 2017. »

Le ton est donné et ce qui suit sera sans surprise : Mme K. n’obtiendra aucune indemnité d’aucune sorte. Mais bien mieux ! Le juge va condamner reconventionnellement Mme K. à indemniser Mme B. de la somme de 300 €, représentant la différence entre un chat de race et un chat de type. Mme K. a finalement un chat de race en n’en ayant pas payé le prix corrélatif. Qu’à cela ne tienne : Mme K. devra indemniser Mme B. de la différence.

Au final, l’acheteuse n’a non seulement pas obtenu le remboursement des honoraires de négociation, mais son entêtement l’a aussi amenée à débourser des frais d’avocat supplémentaires et à verser plus de 1 000 € à l’éleveur. Comme le disait très justement Hyacinthe de Charencey, « le caprice et l’entêtement sont la volonté des sots ».

1 Jugement rendu par le tribunal d’instance de Bourges (Cher), le 13 avril 2018.

2 Livre officiel des origines félines.

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