Sanction pour mauvaise application du décret prescription-délivrance - La Semaine Vétérinaire n° 1764 du 17/05/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1764 du 17/05/2018

CHAMBRE NATIONALE DE DISCIPLINE

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL  

La Chambre nationale de discipline, pour laquelle la réglementation sur la prescription hors examen clinique ne s’applique pas à la carte, sanctionne un vétérinaire pour manquements à ses obligations déontologiques.

En plein débat sur l’application du décret prescription-délivrance de 2007 sur la prescription hors examen clinique, la Chambre nationale de discipline a sanctionné en appel, le 14 mars dernier, un docteur vétérinaire à la peine de la suspension temporaire du droit d’exercer la profession d’une durée de deux ans sur tout le territoire national, assortie d’un sursis partiel pour une durée d’un an. Plusieurs faits lui étaient reprochés, dont celui du non-respect des règles de la prescription hors examen clinique. Les enquêtes menées en 2010 par la direction départementale de la protection des populations ont révélé que le vétérinaire X a rédigé plusieurs ordonnances pour 27 clients différents de neuf départements. Pour autant, ce dernier n’a pas pu justifier le suivi sanitaire permanent pour certains élevages. Les témoignages d’éleveurs attestent qu’il n’était pas leur vétérinaire traitant. « Ce praticien n’est pas le vétérinaire qui voit les animaux, il est le vétérinaire qui permet l’approvisionnement de médicaments vétérinaires par la pharmacie F », témoigne un éleveur. Face à la chambre, le vétérinaire X reconnaît ne pas avoir remis les ordonnances à l’éleveur, mais les avoir adressées directement à la pharmacie F, laquelle se chargeait de livrer les médicaments, dont des antibiotiques, à leurs destinataires. Un système bien rodé, qui, selon la chambre, a favorisé l’automédication des éleveurs au mépris de la santé publique.

Une réglementation complexe ?

En première instance, les membres de la chambre régionale de discipline avaient condamné le docteur X à la peine de suspension d’une durée de dix ans sur l’ensemble du territoire. Pour le vétérinaire, cette sanction est disproportionnée et la réglementation alors à ses balbutiements. Ses arguments en appel n’ont pas su convaincre la Chambre nationale de discipline, qui a statué à nouveau sur sa sanction. Devant la chambre, le vétérinaire X peine à rapporter la preuve de sa bonne foi face à une réglementation qu’il qualifie de complexe. « J’aimerais que l’on me définisse la notion de soins réguliers ! Il est là, tout l’enjeu du problème », s’exclame-t-il. Pour sa défense, il avance notamment comme argument sa volonté de mettre en place une médecine vétérinaire moderne tournée vers la prévention. Il rédigeait en effet ses ordonnances sous l’en-tête “Conseil en médecine vétérinaire – Audit d’élevage”. La question s’est alors posée de savoir si un conseil peut constituer un soin régulier. La chambre de discipline n’a pas retenu cet argument, puisqu’elle considère que la seule volonté du vétérinaire X était de « satisfaire les éleveurs qui entendaient se fournir à moindre coût en médicaments, selon les besoins qu’ils estimaient eux-mêmes, en limitant l’intervention du vétérinaire à une prescription détachée de tout examen de l’animal ».

Absence d’un suivi sanitaire permanent

Autre argument de défense soulevé devant la chambre : le rapport de décembre 2015 commun du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), sur la prescription hors examen clinique. Selon l’avocat du vétérinaire X, ce rapport confirme que la complexité de la réglementation de 2007 sur la prescription hors examen clinique empêche sa bonne application par les vétérinaires de terrain. Pour lui, cela justifie la relaxe de son client et une peine symbolique. Mais pour la juridiction disciplinaire, aucun élément ne permet d’attester que le suivi sanitaire permanent des élevages a bien été assuré par le vétérinaire X. Elle souligne que les faits sont d’une telle gravité qu’ils entachent l’image de la profession. En effet, selon elle, les agissements du vétérinaire X « sont de nature à affecter la santé des consommateurs et à faire douter de l’effectivité du suivi sanitaire des élevages ». Même son de cloche du côté du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, dont le vice-président a rappelé que la réglementation sur la prescription hors examen clinique ne s’appliquait pas à la carte.

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