Antiparasitaires externes : faut-il en avoir peur ? - La Semaine Vétérinaire n° 1764 du 17/05/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1764 du 17/05/2018

DÉBAT

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD 

Comment lutter contre les parasites externes des animaux de compagnie ? Aujourd’hui, des avis contraires s’expriment dans le monde scientifique, au sens large. Témoignages.

L’enseigne Botanic ne propose désormais plus aucun produit à base de tétraméthrine, de fipronil et de perméthrine1. Aux antiparasitaires vétérinaires externes sont donc préférés des soins naturels. Sont ainsi mises à disposition, en préventif, plusieurs gammes à base de margosa, de pyrèthre, de lavandin, qui sont des répulsifs insectifuges. En curatif, les produits sont à base de diméthicone, une substance qui immobilise les parasites, les empêchant ainsi de se nourrir et de se reproduire. Quant au spray habitat Natura soin, c’est « une solution insecticide naturelle destinée à traiter l’environnement de l’animal. Elle combine des huiles essentielles répulsives, complétées par les vertus insecticides de l’huile de neem (neutralisation et élimination) ».

Que penser de cette évolution ? Pour Hervé Pouliquen, professeur en pharmacie et en toxicologie à Oniris (Nantes), « Botanic mène ici une opération à but commercial, pour promouvoir des produits dont on ne connaît ni l’efficacité ni l’innocuité. En effet, ils n’ont fait l’objet d’aucun essai clinique ». En revanche, que connaît-on des dangers liés à l’utilisation des molécules chimiques ? « Concernant, par exemple, le fipronil, produit leader vendu depuis plus de 20 ans, s’il était responsable d’une toxicité aiguë ou chronique, on en aurait connaissance depuis longtemps, via les données de pharmacovigilance 2 . Ceci dit, on sait également que les parasites développent une résistance à l’encontre de nombre d’antiparasitaires. De nouvelles molécules sont donc apparues récemment sur le marché, tel le fluralaner, que le public ne peut acheter que sur ordonnance. »

Par ailleurs, Hervé Pouliquen constate « qu’il existe encore malheureusement des centaines de cas d’intoxications de chats à cause de la perméthrine et de la tétraméthrine. Ces produits ne devraient pas être comme aujourd’hui en vente libre, mais délivrés uniquement sur ordonnance, soit par le vétérinaire, soit par le pharmacien ».

Des réactions officielles en faveur de ces produits

L’Anses-ANMV3 rappelle que « les autorisations de mise sur le marché des antiparasitaires externes sont délivrées après une évaluation des données relatives à leur qualité, à leur innocuité et à leur efficacité. Ces données permettent de conclure que le bénéficie lié à leur utilisation est supérieur à l’ensemble des risques encourus par l’animal destinataire du traitement, mais également par la personne administrant le médicament ou les personnes en contact avec l’animal traité. Comme chacun peut le noter dans les résumés des caractéristiques du produit (RCP), certains risques sont liés à la forme pharmaceutique employée, mais le résultat final du bénéfice/risque demeure positif ». L’accent est toutefois mis sur les précautions d’emploi à respecter. Par exemple, dans le rapport de pharmacovigilance 2017 émanant de l’European Medecines Agency (EMA), il est spécifié que, pour Bravecto® spot on, « il est fortement conseillé d’utiliser des gants durant son administration ».

Sont-ils dangereux pour la santé humaine ?

« Mais que se passe-t-il dans la vraie vie des gens quand ils utilisent un antiparasitaire vétérinaire externe à base de fipronil ?, interroge Jean-Marc Bonmatin, chimiste et toxicologue, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), également vice-président du groupe de travail sur les pesticides systémiques (Task Force on Systemic Pesticides, TFSP). Le fipronil, qui tue les parasites par contact, est présent sur les poils, pour une action de longue durée. C’est aussi un insecticide dont on peut difficilement se débarrasser en le lavant à l’eau. Donc, si on le touche, en caressant par exemple l’animal, il y a des risques qu’il demeure sur notre peau. Et si, après son administration, le chat part dormir sur le lit, traîne sur un tapis, il y a contamination de l’habitat. Certes, on n’est pas dans un cas de toxicité aiguë, mortelle, mais qu’en est-il vraiment de la toxicité chronique ? On sait que dans les cas des neurotoxiques, d’infimes doses répétées peuvent être néfastes pour la santé humaine. De surcroît, une étude, publiée en mars 2018 dans le Journal of Alzheimer’s disease, vient maintenant de démontrer que le fipronil provoque des transformations typiques de la maladie d’Alzheimer. » Les personnes les plus à risque à ne pas mettre en contact sont les enfants (jusqu’à leur puberté), mais aussi les femmes enceintes ou qui allaitent leur bébé. « Car, indique Jean-Marc Bonmatin, le fipronil a été interdit en agriculture, non seulement parce qu’il est toxique pour les abeilles, mais aussi parce que, par exemple, on le retrouve, via un processus de détoxication, dans le lait de vaches nourries avec du maïs traité au fipronil. » Que pense-t-il d’un substitut comme le fluralaner ? « C’est une nouvelle molécule neurotoxique, cousine du fipronil, puisqu’elle a les mêmes cibles sur le système nerveux central. J’espère que l’on ne reproduit pas les mêmes erreurs qu’avec le fipronil. »

Stop au traitement systématique des animaux en préventif ?

« Notre profession manque de discernement quand elle préconise un usage systématique en préventif des antiparasitaires externes, cautionne également le praticien Thierry Bedossa. En fait, on ne sait pas vraiment à quels effets néfastes on expose les propriétaires qui vivent dans une grande promiscuité avec leur animal. Moi, je me pose des questions. Pourquoi l’Anses-ANMV elle-même conseille-t-elle de ne pas traiter les poux de nos enfants avec des antiparasitaires pour animaux à base de fipronil ? Si j’étais au gouvernement, je demanderais que les laboratoires mènent des études à long terme sur les problèmes de toxicité chronique, supervisées par un organisme indépendant. Mais cela coûterait très cher et prendrait des années à réaliser. » Alors, dans le doute, Thierry Bedossa préconise plutôt, en préventif, « dès que le climat se réchauffe, une observation quotidienne de l’animal par son propriétaire, en achetant un peigne à puces qui lui coûte 3 . C’est une démarche raisonnée. D’ailleurs, on ne traite jamais les enfants en bas âge en préventif contre les poux ! » Un traitement plus lourd à base chimique peut être proposé « si l’on va dans une zone manifestement infestée par des tiques porteuses de maladies, ou lorsque l’animal est fortement parasité. Dans ces cas-là, j’informe les propriétaires que ce sont des produits efficaces, mais dont je ne peux pas leur certifier qu’ils sont sans aucun risque pour leur santé. C’est à eux de décider, ils sont responsabilisés ».

1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1761 du 27/4/2018, page 16.

2 Si les antiparasitaires sont les produits générant le plus de déclarations pour effet indésirable grave, ils présentent globalement une très bonne innocuité : un effet indésirable grave sur 250 000 et un décès sur 650 000. Les nouveaux médicaments (comprimés) présentent une disproportion d’effets non souhaités déclarés, qui s’expliquerait par leur nouveauté et la vigilance accrue des vétérinaires et des propriétaires (source : thèse de Kim Schumacher portant sur le suivi de pharmacovigilance des antiparasitaires externes réalisé par l’ANMV de 2011 à 2015).

3 Agence nationale de sécurité sanitaire-Agence nationale du médicament vétérinaire.

QUID DES FORMES ORALES ?

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr