Vente de la clinique, que deviennent les salariés et les contrats ? - La Semaine Vétérinaire n° 1762 du 04/05/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1762 du 04/05/2018

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Auteur(s) : FRANÇOISE SIGOT  

Départ à la retraite, changement de vie… Les raisons qui poussent à vendre sont diverses et variées. Pour ceux qui restent, les conséquences peuvent aussi être très différentes en fonction de la façon dont se déroule la cession.

À l’heure de céder sa clinique, le vétérinaire, comme tout chef d’entreprise, anticipe très souvent les conséquences sur sa vie personnelle, mais bien souvent celles qui vont concerner ses équipes et l’ensemble des parties prenantes sont plus floues. Il faut dire que derrière le vocable consacré pour parler de cession ou de transmission d’une entreprise se cachent en fait deux formules, dont les conséquences sont assez différentes pour les collaborateurs et les fournisseurs, voire pour les clients. Pour bien cerner une vente et ses effets induits, il convient d’abord de prendre en considération la forme juridique de la structure qui est vendue. Dans l’univers vétérinaire comme dans les autres secteurs, deux formes sont ainsi d’usage : l’entreprise individuelle d’une part et la société commerciale ou d’exercice libéral d’autre part. Cette forme détermine les conditions de la vente puisque dans le cadre d’une entreprise individuelle, il n’est possible de céder que le fonds commercial. Une société, en revanche, peut céder son fonds commercial ou ses parts sociales, autrement dit l’intégralité de la société.

Cession du fonds commercial ou de la société ?

« Le fonds de commerce est composé de la clientèle et des moyens permettant d’exercer son activité. Ces moyens incluent donc en général le bail du bien immobilier au sein duquel s’exerce l’activité, les contrats de travail des salariés ainsi que les clients. Peuvent s’ajouter les stocks et les contrats avec les fournisseurs, mais ces derniers ne sont pas obligés d’être repris par l’acquéreur du fonds commercial », décrit Anne-Hélène Mathieu, expert-comptable et commissaire aux comptes au sein du cabinet CoAltys. Le passif – autrement dit les dettes – est exclu du périmètre du fonds de commerce. Une fois la vente du fonds commercial effective, il appartient donc au cédant de fermer son entreprise et d’assumer les éventuelles conséquences liées à l’existence de dettes. « Pour un acquéreur, acheter un fonds de commerce est moins risqué qu’acquérir une société », commente l’expert-comptable. Pour les collaborateurs de la structure détentrice du fonds de commerce nouvellement acquis, le travail se poursuit exactement dans les mêmes conditions qu’auparavant. « La loi, en l’occurrence l’article L.1224-1 du Code du travail, précise que tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise », explique Anne-Hélène Mathieu. Les droits acquis en matière de congés, d’ancienneté et autres avantages et rémunérations sont ainsi maintenus pour chacun des salariés. Seule la raison sociale de l’entreprise qui les emploie se trouve modifiée.

Dans le cas de la vente des parts sociales d’une société, les conséquences pour les salariés sont identiques à celles de la vente d’un fonds de commerce. « Sur le plan juridique, rien ne change. Les salariés restent liés à la société qui les emploie, laquelle change d’actionnaire, mais en général pas de nom », observe l’expert-comptable. Pour les contrats, en revanche, la donne est différente. En effet, l’acquéreur des parts sociales d’une entreprise est tenu de reprendre l’actif et le passif, autrement dit les dettes éventuelles et les contrats avec les fournisseurs et les clients. « Une fois que la reprise est actée, rien n’empêche le nouveau propriétaire de renégocier les contrats avec ses fournisseurs. Les contrats de travail peuvent eux aussi être revus, à condition de respecter le droit du travail et les règles applicables », explique Anne-Hélène Mathieu.

Les modifications des contrats imposent une procédure normée

Dans le cas de la cession d’un fonds de commerce comme de celle d’une société, les contrats de travail sont les éléments qui mobilisent très souvent l’attention. En effet, le changement de dirigeant est souvent une étape délicate à négocier pour les collaborateurs. De fait, certains salariés préfèrent quitter la clinique en démissionnant, d’autres vont chercher un terrain d’entente avec le cédant ou le repreneur à travers une rupture conventionnelle. Parfois, l’entente n’est toutefois pas au rendez-vous. « Le nouvel employeur peut envisager de modifier certains éléments essentiels du contrat de travail, comme la rémunération ou la durée du travail, mais il doit alors respecter la procédure de modification des contrats, dans la mesure où une telle modification nécessite l’accord des deux parties pour qu’elle soit effective », résume Anne-Hélène Mathieu. Deux hypothèses sont alors de mise. Lors de modification du contrat pour un motif économique, « l’article L.1222-6 du Code du travail impose à l’employeur qui envisage de modifier le contrat de travail d’un ou de ses employés, à la suite de difficultés économiques ou de mutations technologiques, d’envoyer sa proposition à chacun des salariés concernés par lettre recommandée avec avis de réception, lui laissant un mois pour se prononcer et lui signifiant qu’au-delà, son silence vaudra acceptation », précise l’expert-comptable. Si la modification du contrat de travail est envisagée pour un motif autre qu’économique, aucune procédure n’est imposée pour informer le ou les salariés concernés. Pas plus de délai pour accepter ou refuser, mais au final, la modification doit faire l’objet d’un accord écrit.

Anticiper vaut toujours mieux que subir

Face à de telles procédures souvent difficiles, longues et au final coûteuses, le bon sens voudrait qu’une vente soit anticipée. Entendez par là que le vendeur informe ses équipes, mais aussi ses clients et ses fournisseurs, de son intention et qu’une fois qu’il est entré en négociation finale avec un acquéreur, que ce dernier suive le même chemin. « Les conséquences juridiques d’une vente sont assez aisées à appréhender, mais les conséquences financières, sociales et en responsabilité souvent moins faciles. Il faut donc anticiper et dialoguer », conseille l’expert-comptable. Faire un audit permettant de vérifier les comptes et les contrats est à tout le moins la procédure qui devrait avoir lieu pour toute vente. Par ailleurs, le repreneur peut, en amont de la signature, rencontrer les salariés pour leur exposer son projet. « Cela permet de se projeter et, pour certains collaborateurs, de marquer leur intention de poursuivre ou non leur travail avec un nouveau dirigeant », note Anne-Hélène Mathieu. De même, un temps de collaboration entre le partant et le repreneur est toujours favorable à une transmission en douceur, donc réussie.

QUAND LES FOURNISSEURS BLOQUENT UNE VENTE

En cas d’achat d’un fonds de commerce, l’acquéreur ne reprend pas les dettes que son prédécesseur a pu laisser à ses fournisseurs. Face à ce préjudice, ces créanciers ont le pouvoir de bloquer une vente. « Le ou les fournisseurs dont les factures n’ont pas été payées ont un délai de 10 jours pour faire opposition à une vente. En effet, la loi impose au cessionnaire d’assurer la publicité du fonds de commerce en vente, qui doit faire l’objet d’une publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) dans les 15 jours de la signature de l’acte. Les créanciers du vendeur doivent faire opposition dans un délai de dix jours, qui court à compter de la vente du fonds au Bodacc », souligne l’expert-comptable. Cette opposition a pour effet de maintenir l’indisponibilité du prix de vente, qui reste bloqué entre les mains de l’acheteur ou, le cas échéant, du séquestre.
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