Utilisation raisonnée des antibiotiques en gastro-entérologie - La Semaine Vétérinaire n° 1762 du 04/05/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1762 du 04/05/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : LAURENT MASSON  

La prescription d’antibiotiques lors de diarrhée aiguë est fréquente. Or leurs indications sont rares en gastro-entérologie. Il importe de connaître les effets délétères des antibiotiques sur le microbiote, notamment chez le chiot, chez lequel le risque de colite pseudomembraneuse à Clostridium est plus important. Le microbiote intestinal désigne plusieurs centaines de milliards de micro-organismes qui colonisent le tube digestif. Il s’agit d’un écosystème vivant microscopique en équilibre quantitatif et qualitatif, variant selon la zone du tube digestif et les espèces animales (forte population bactérienne dans le duodénum chez le chat, contrairement à ce qui est observé chez l’homme). Une dysbiose est un déséquilibre du microbiote, à la suite d’une infection bactérienne, d’un changement alimentaire, d’un déficit immunitaire (chez le berger allemand ou le shar pei, en particulier) ou d’un traitement antibiotique. D’où la prudence à avoir lors de leur utilisation.

Quand penser à une entérite infectieuse ?

Les entérites bactériennes sont rares et causées par Clostridium difficile, Clostri dium perfringens, des salmonelles, Campy lobacter jejuni et Escherichia coli (cas de la colite ulcérative histiocytaire). L’identification de l’agent bactérien est souvent difficile et compliquée à interpréter, car ces germes peuvent être retrouvés chez des animaux sans diarrhée. Les entérites bactériennes sont suspectées à la suite d’un traitement antibiotique, de l’ingestion d’aliments avariés, lors d’immunodépression ainsi que dans certaines situations cliniques : diarrhée aiguë de type grêle, parfois de type colique (surtout si clostridies), vomissements incoercibles et douleurs abdominales précédant la diarrhée, syndrome fébrile avec abattement, hyperthermie, anorexie, signes cliniques de choc septique (hypotension, selles hémorragiques, abdomen aigu, coagulations intravasculaire disséminée [CIVD], profil leucocytaire avec polynucléaires neutrophiles juvéniles non segmentés ou leucopénie).

Quels examens réaliser ?

Lors de diarrhée aiguë en faveur d’une origine infectieuse sans signes systémiques, aucun test diagnostique (coproculture ou autre) n’est envisagé dans les premières 48 heures. En revanche, lors d’aggravation des symptômes malgré le traitement de soutien, tout test (polymerase chain reaction, Elisa) visant à déterminer l’origine des troubles digestifs doivent être réalisés. La coproculture est rarement conseillée.

Quels traitements lors de diarrhée ?

Principes généraux

Tout d’abord, un traitement de soutien et des mesures d’hygiène (smectite, alimentation riche en fibres) sont instaurés, mais pas d’antibiotiques en première intention. Même en présence de sang, l’antibiothérapie n’est pas recommandée, car une simple inflammation lors de diarrhée osmotique ou fonctionnelle peut être à l’origine du saignement. Lors de parvovirose, le risque de translocation bactérienne conduit à recommander une antibiothérapie (métronidazole, voire fluoroquinolones, en fonction de l’état de l’animal).

L’antibiothérapie de première intention fait appel au métronidazole (12,5 mg/kg deux fois par jour) et à l’association amoxicilline-acide clavulanique (12,5 mg/kg deux fois par jour) pendant 5 jours maximum en association avec un traitement de soutien. Les antibiotiques critiques sont réservés aux cas cliniques préoccupants nécessitant une prise en charge rapide (métaphylaxie) ou dont l’évolution clinique est très défavorable (sepsis).

Les probiotiques sont intéressants et peuvent être utilisés en association avec le métronidazole, sans générer d’interaction (contrairement aux autres antibiotiques). Une corticothérapie est intéressante en présence d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) confirmée par biopsies intestinales.

Enfin, un réensemencement de la flore par lavage colorectal de selles diluées d’un animal sain sur l’animal malade est parfois nécessaire lors de diarrhée persistante.

Lors d’entéropathies chroniques répondant aux antibiotiques

Ces entéropathies, également connues sous le nom de syndrome de prolifération bactérienne, représentent 25 % des cas d’entéropathie chronique chez le chien (absence de cas chez le chat) et atteignent des chiens plus jeunes que ceux atteints de MICI. Le score clinique Canine Chronic Enteropathy Clinical Activity Index (CCECAI) est bas (bon état général, appétit normal, poids stable) et l’histologie n’est d’aucune aide (car faible modification de la muqueuse intestinale).

Elles sont probablement associées à une dysbiose et à une hypersensibilité de l’hôte à son microbiote commensal. L’efficacité des antibiotiques s’explique par leur rôle modulateur sur le microbiote, mais aussi par leurs propriétés anti-inflammatoires et immunomodulatrices.

Les molécules de choix sont le métronidazole en priorité (15 mg/kg deux fois par jour pendant 6 semaines), l’oxytétracycline, la tylosine. La réponse clinique est complète en 2 semaines au maximum, mais avec un taux de rechute à l’arrêt de 86 % après 1 mois de traitement. Il est envisageable de réaliser des cures de 10 jours par mois ou un traitement continu à plus faible dose, jusqu’à stabilisation.

Lors de cryptites nécrosantes

Il s’agit d’entéropathies exsudatives avec nécrose intestinale et fuite importante de protéines. Leur pronostic est réservé. Le protocole thérapeutique associe immunomodulateurs (ciclosporine ou corticoïdes) et antibiotiques (métronidazole plutôt que fluoroquinolones, d’autant plus qu’aucune publication ne montre une meilleure efficacité) pendant 6 semaines.

Lors de colite ulcérative histiocytaire

Les symptômes lors de cette affection qui touche particulièrement le boxer et le bouledogue français sont déclenchés par un envahissement muqueux par E. coli (souche AIEC –adhérent-invasive E. coli– similaire à celle identifiée dans la maladie de Crohn) à la suite d’une défaillance immunitaire (système macrophagique). Uniquement après confirmation histologique de la maladie (biopsie par endoscopie et non laparotomie car risque septique plus élevé), des fluoroquinolones (enrofloxacine ou marbofloxacine) sont prescrites pendant 6 à 8 semaines car ce sont les antibiotiques de choix. Il importe de respecter les doses et la durée de traitement, même lors de réponse clinique rapide. Des études récentes montrent malheureusement l’apparition d’antibiorésistance. En cas d’échec thérapeutique, il convient de réaliser une analyse bactériologique à partir de biopsies coliques. Les sulfamides potentialisés (Bactrim®1) sont alors une alternative intéressante.

Lors de gastrites à Helicobacter sp.

Une trithérapie (amoxicilline 10 mg/kg deux fois par jour, métronidazole 15 mg/kg deux fois par jour et oméprazole 1 mg/kg deux fois par jour) est mise en place pendant 3 semaines en présence des trois critères suivants : signes cliniques de gastrite chronique, diagnostic histologique de gastrite de type folliculaire, estimation histologique semi-quantitative d’une charge bactérienne importante.

Lors de cholangiohépatites canines et cholangites félines

Une antibiothérapie à base d’amoxicilline-acide clavulanique (20 mg/kg deux fois par jour) et de métronidazole (15 mg/kg deux fois par jour per os) est prescrite en première intention pendant 4 à 6 semaines. En vue d’un prélèvement pour un antibiogramme, la cholécystocentèse est conseillée chez le chat, tandis qu’une laparotomie/scopie est réalisée chez le chien (fuite biliaire risquée en raison de la cholécystite hypertensive chez cette espèce). En l’absence de réponse au bout de 4 semaines ou lors de sepsis, l’antibiothérapie est modifiée au profit d’aminosides (toxicité rénale) ou de fluoroquinolones à double dose.

1 Pharmacopée humaine.

Patrick Lecoindre Diplomate Ecvim, praticien à Saint-Priest (Rhône). Article rédigé d’après une webconférence organisée par Vetoquinol, en mai 2017.

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