« La France pourrait jouer un rôle majeur en faveur des grands singes »

Quelles actions avez-vous déjà menées auparavant pour la protection des grands singes ?

Je suis cofondatrice avec Jean-Michel Krief, depuis 2006, de l’association Projet pour la conservation des grands singes², qui œuvre pour la sensibilisation sur les menaces qui pèsent sur les grands singes et les forêts tropicales, ainsi que sur la recherche de solutions. En 2015, j’ai créé la station de recherche et de conservation de Sebitoli, dans le parc national de Kibale en Ouganda, au sein de laquelle des assistants de recherche étudient l’écologie et la santé des chimpanzés et cherchent des moyens de préserver leur habitat et de réduire les menaces en harmonie avec les populations locales. Nous constatons ces menaces régulièrement. Entre mai 2015 et décembre 2017, dans la zone de 25 km² de Sebitoli, notre équipe de lutte contre le braconnage a recensé plus de 3 000 activités illégales. En parallèle, une route nationale bitumée, qui coupe le parc, est en cours d’élargissement. Enfin, les chimpanzés sont exposés à des pesticides utilisés sur les cultures situées à la bordure de leur territoire. Comme les babouins, ils sont victimes de malformations faciales congénitales.

Avec cette mobilisation, quelles mesures souhaitez-vous obtenir de la part du gouvernement français ?

Le plan d’action proposé comporte 10 mesures, dont les grands axes sont : l’amélioration ex situ des conditions de conservation des grands singes et le rétablissement d’une image conforme et respectueuse d’animaux sauvages libres, mais aussi la réduction du braconnage et du trafic comme de notre empreinte sur leur habitat, une meilleure connaissance de ces animaux, afin de pouvoir mieux les protéger et, enfin, la mobilisation des fonds nécessaires pour leur protection à l’état sauvage. Avant d’intervenir dans les pays d’origine des grands singes, il s’agit de s’interroger sur les comportements qui conduisent à leur disparition. Nous contribuons, à notre échelle, à la déforestation via la consommation de produits issus des zones agricoles qui ont remplacé les forêts. La France pourrait prendre une position de leader en arrêtant l’importation de ces produits. De même, la façon dont nous traitons les grands singes qui vivent sur notre territoire véhicule une mauvaise image. La France pourrait, à ce sujet, jouer un rôle majeur en reconsidérant la place de l’animal sauvage et, en particulier, celle des grands singes dans la loi. Enfin, nos aéroports doivent devenir exemplaires et ne plus être des plaques tournantes pour le commerce illégal d’espèces menacées sauvages.

Pourquoi avoir fait appel à ces quelques “personnalités” (Nathalie Baye, Laurence Parisot, Patrick Roger et Yann Wehrling) pour lancer cette demande au gouvernement ?

L’initiative de l’envoi de la lettre³ à Emmanuel Macron et aux ministres nous est apparue comme une évidence, nous sentant tous les cinq envahis de l’évidence qu’il est urgent d’agir et que nous avons besoin de l’aide de notre gouvernement pour engager des actions fortes et symboliques. Ensuite, nous avons adressé cet appel aux cinquante personnes signataires, qui ont répondu très spontanément, pour la plupart dans les minutes qui ont suivi l’envoi de notre demande…

Depuis cet événement, avez-vous déjà eu un retour de la part des autorités ?

Depuis la publication de l’appel et de la lettre, qui a recueilli 12 000 signatures en deux semaines, j’ai déjà pu rencontrer le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, et le Premier ministre, Édouard Philippe. Maintenant, nous attendons des mesures.
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¹ Voir l’article paru sur Lepointveterinaire.fr le 18/4/2018 : bit.ly/2r5R1ll.

² sabrina-jm-krief.com.

³ sauvonslesgrandssinges.org.