Retours sur la prophylaxie de la tuberculose bovine - La Semaine Vétérinaire n° 1761 du 27/04/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1761 du 27/04/2018

ÉTUDE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : LORENZA RICHARD 

L’acte d’intradermotuberculination (ID) réalisé par les vétérinaires dans le cadre de la prophylaxie de la tuberculose bovine présente plusieurs non-conformités au référentiel d’après une étude1 présentée lors des journées de restitution des groupes d’étude des politiques publiques 2017-20182, le 22 mars 2018, à l’École nationale des services vétérinaires à Marcy-l’Étoile (Rhône). Toutefois, elles sont justifiées par des contraintes fortes.

Crainte des faux positifs

Cette étude, commandée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et qui implique l’École nationale vétérinaire d’Alfort, a été réalisée sans porter de jugement sur les pratiques de terrain. L’objectif était de mieux comprendre les pratiques réalisées par les vétérinaires dans le cadre de la prophylaxie de la tuberculose, afin d’améliorer les modèles épidémiologiques de suivi de la maladie, en prenant en compte les remarques des praticiens. Elle a consisté en des observations de terrain et des entretiens avec des vétérinaires sanitaires et des agents de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) dans quatre départements : Côte-d’Or, Dordogne, Landes et Pyrénées-Atlantiques.

Le référentiel pris en compte est celui des DDPP, différent de celui de la Direction générale de l’alimentation (la lecture au troisième jour peut être manuelle, la mesure du pli de peau le jour de l’injection n’est pas obligatoire pour une ID simple, le vétérinaire doit notifier immédiatement à l’éleveur les résultats non négatifs).

Le repérage de la zone et la mesure du pli de peau étaient conformes. Toutefois, plusieurs non-conformités ont été relevées concernant l’injection, la lecture et la gestion des résultats. Par exemple, le vétérinaire ne réinjecte pas systématiquement la tuberculine en cas de raté par peur d’une réaction allergique qui aboutirait à un faux positif. Il semble en effet insupportable pour lui qu’un animal soit tué “pour rien” en cas de faux positif. De plus, la mesure est souvent réalisée entre le troisième et le cinquième jour après l’injection et non trois jours après, comme recommandé. Elle l’est parfois par un vétérinaire différent de celui qui a piqué (notamment lorsque le vétérinaire sanitaire prend la mesure du résultat avec un piqueur salarié). Enfin, les résultats non négatifs ne sont pas notifiés immédiatement à l’éleveur et, en cas de doute, ils ne sont pas déclarés, en raison des conséquences lourdes qu’ils impliquent.

Un acte dangereux et chronophage

Les justifications apportées par les vétérinaires pour ces non-conformités résultent des nombreuses contraintes liées à l’acte, qui est qualifié de dangereux par 31 praticiens sur 42. De plus, pour 18 d’entre eux, il est chronophage, notamment en raison de moyens de contention inadaptés. La subjectivité des mesures, entre autres raisons, amènent également 18 d’entre eux à le considérer comme compliqué et peu fiable. Il est enfin difficile pour le vétérinaire d’être à la fois le praticien et de réaliser une prophylaxie pour l’État, cette double casquette provoquant des difficultés relationnelles avec l’éleveur.

Toutefois, les vétérinaires sanitaires pensent que la mission de prophylaxie fait partie de leur travail de préservation de la santé publique et se sentent concernés par l’enjeu économique. Leurs motivations sont en premier lieu la lutte contre une zoonose, puis le maintien des exports de broutards et, enfin, le maintien de relations avec les éleveurs. Ces points peuvent également motiver l’éleveur à faire pratiquer la prophylaxie (dangerosité pour l’humain et nécessité pour l’export).

Mieux communiquer

Pour les vétérinaires, les éléments jugés aptes à favoriser leur activité de dépistage sont le niveau d’indemnisation des animaux partant en abattage diagnostique, la communication auprès des éleveurs via les plaquettes d’information distribuées par les groupements de défense sanitaire et le traitement des suites d’un cas non négatif par l’Administration (ce qui limite leur responsabilité dans les décisions prises). De plus, par rapport à l’ID simple, l’ID comparative est jugée favorablement : elle facilite les relations avec l’éleveur car des valeurs peuvent lui être présentées, les abattages diagnostiques sont diminués et l’acte est mieux reconnu par une meilleure rémunération. La rémunération des campagnes de prophylaxie est globalement considérée comme suffisante, mais le paiement à l’acte ne semble pas représentatif du travail et les vétérinaires souhaitent que le temps passé et les déplacements soient pris en compte. En effet, les actes posent un problème de rentabilité par rapport au reste de leur activité, d’autant plus que celle-ci est difficile à évaluer (paiements en plusieurs fois, beaucoup de documents administratifs, etc.). Une incompréhension est également soulevée à propos de la différence de prise en charge entre police sanitaire et prophylaxie. Enfin, les problèmes de communication entre éleveurs et Administration impactent le vétérinaire, qui se trouve souvent pris à parti par l’éleveur concernant des décisions administratives qui ne lui appartiennent pas.

Recommandations avancées

Cette étude propose enfin un ensemble de recommandations concrètes sur les actions à mettre en place par l’Administration pour favoriser la prophylaxie contre la tuberculose bovine, en tenant compte des remarques émises par les vétérinaires sanitaires interrogés.

La première est le renforcement d’un mode de gestion en équipe, par des échanges sur le terrain entre la DDPP et les vétérinaires et par l’information de ces derniers sur les suites de prophylaxie. De plus, une réévaluation de l’analyse de risques concernant le dépistage des animaux de 12 à 24 mois est proposée, en raison de la dangerosité et de la chronophagie de l’acte, de même qu’une application du dépistage à l’interféron dans les élevages considérés comme dangereux. Un aménagement de la décision d’abattage diagnostique des vaches prêtes à vêler ou qui allaitent leur veau est également évoqué. Le second thème est l’amélioration des modalités du dépistage, par une rémunération indexée au temps passé et avec des indemnités kilométriques, par l’amélioration du système d’enregistrement des mesures du pli de peau (prise de notes), et par la promotion de la prophylaxie auprès des élèves vétérinaires de 5e année, afin de pallier la difficulté de recrutement de la main-d’œuvre.

1 Guillon V., Gully S., Hamelin E. et coll. Lutte contre la tuberculose bovine : construction d’une pratique de la prophylaxie par le vétérinaire sanitaire. Rapport du groupe d’étude des politiques publiques, mars 2018.

2 Les groupes d’étude des politiques publiques du Master Pagers sont composés d’inspecteurs de la santé publique vétérinaire (ISPV), élèves et stagiaires, et d’étudiants de SciencesPo Lyon, et font partie intégrante de la formation statutaire des ISPV.

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