Le bien-être sur tous les fronts au congrès de la BSAVA - La Semaine Vétérinaire n° 1761 du 27/04/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1761 du 27/04/2018

ROYAUME-UNI

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : KARIN DE LANGE  

En plus du florilège de thèmes que propose habituellement la BSAVA pour ses conférences et ateliers techniques, le bien-être animal et humain constituait le fil rouge de l’édition 2018 du congrès.

Difficile de choisir son programme lors du congrès de la British Small Animal Veterinary Association (BSAVA), le « plus grand événement pour vétérinaires d’animaux de compagnie en Europe », qui s’est tenu début avril à Birmingham (Grande-Bretagne). 550 conférences, ateliers, séminaires et “petits-déjeuners avec un spécialiste”, pour près de 50 000 heures de formation permanente, étaient ainsi proposés. Avec, en fil rouge de cette édition, le bien-être animal et humain.

Les brachycéphales à nouveau sur le devant de la scène

Une journée entière, dans la plus grande salle du site, était consacrée aux défis médicaux, chirurgicaux et éthiques des chiens brachycéphales ; la « plus grande controverse dans notre filière en ce moment », selon David Sarga, généticien (université de Cambridge). Les chiffres ne mentent pas. « Dans les années 1990, il y avait moins de 300 bouledogues français enregistrés auprès du Kennel Club, pour atteindre plus de 30 000 en 2017. » L’importation, légale et illégale, suit cette tendance : « 90 % des chiens importés illégalement et saisis sont des jeunes brachycéphales. » Les problèmes de ces animaux sont multiples et coûteux, et impactent sévèrement leur bien-être. Quant aux moyens d’y remédier, les avis divergent. Emma Milne, vétérinaire et fondatrice du groupe Vets Against Brachycephalism, rappelle que ce type de chiens est sélectionné par l’homme et que leur souffrance devrait être abrogée par une interdiction de leur élevage. Elle fait référence à une nouvelle législation qui interdirait de produire une descendance qui risquerait de souffrir. Jane Ladlow, professeure en chirurgie des animaux de compagnie (université de Cambridge) et fondatrice du groupe de recherche sur le syndrome d’obstruction respiratoire des brachycéphales (BOAS), propose, quant à elle, de s’appuyer sur l’indice BOAS des parents et des facteurs de risque pour une sélection raisonnée.

Nick Blayney, ancien président de la British Veterinary Association (BVA) et président du groupe santé canine du Kennel Club, regrette que les vétérinaires ne déclarent pas plus les césariennes, ce qui aiderait à mettre fin à des lignées à la conformation trop excessive. Tous ou presque se sont accordés sur l’importance de l’éducation du public (souffrance, coûts médico-chirurgicaux associés), afin de réduire la popularité de ces chiens – « Ce n’est pas chose facile, vu qu’un autre film Disney sur un carlin sortira cet été » 1 – et d’orienter la sélection vers des conformations plus saines, basée sur un test à l’effort et un test ADN prometteur qui devrait sortir prochainement.

L’explosion du trafic de chiens

« Avec 9 millions de chiens recensés dans notre pays et une durée de vie moyenne de 12 ans, il y a un “besoin” de 750 000 chiens par an », constate Paula Boyden, directrice vétérinaire de l’association de protection canine Dogs Trust. Le nombre d’éleveurs agréés étant limité, c’est une aubaine pour l’élevage “hors circuit” et l’importation illégale, car le consommateur a pris goût à la commande en ligne et veut son chien tout de suite – et de préférence un chien brachycéphale, dont les tarifs atteignent 1 000 à 1 500 € en Europe occidentale. « Le puppy trade vers le Royaume-Uni n’a véritablement explosé qu’à partir de 2012, avec l’introduction du Pet Travel Scheme », rajoute-t-elle. De 85 000 chiens importés en 2011, le Royaume-Uni a vu près de 290 000 chiens entrer en 2017, « dont une grande majorité provenant de Lituanie et de Hongrie ». Autre tendance : l’importation de chiennes gestantes, de chiots non identifiés et la falsification des passeports. Des fraudes facilitées par des contrôles aux frontières théoriques peu efficaces, comme cela a été démontré par des documentaires (en caméra cachée) dans lesquels deux chiens en peluche ont traversé la Manche plusieurs fois, en utilisant différents moyens de transport, sans être contrôlés, visualisés ou vérifiés par les services aux frontières2. Notre consœur a donc plaidé pour des contrôles renforcés et un carnet de route pour chaque chien, afin de faciliter la traçabilité, et des sanctions plus lourdes pour les trafiquants, « souvent issus du milieu de la drogue et autre commerce illé gal ». Et de voir un point positif dans le Brexit : la révision du Pet Travel Scheme, par exemple, en exigeant non seulement une identification, mais aussi un enregistrement dans une base de données centralisée, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Un besoin criant de main-d’œuvre vétérinaire

Le Brexit était aussi le thème d’une autre conférence qui se focalisait sur la crise de la main-d’œuvre vétérinaire au Royaume-Uni. En effet, chaque année, outre-Manche, on enregistre presque autant d’installations de vétérinaires provenant de l’Union européenne que de praticiens britanniques, et les Européens représentent actuellement 23 % de la profession vétérinaire, voire 90 % dans certains secteurs comme l’inspection alimentaire. Cependant, « je déplore que la tendance soit de rendre le Brexit responsable de cette crise, s’exclame Stephen May, président de l’instance ordinale, le Royal College of Veterinary Surgeons (RCVS). C’est effectivement un facteur aggravant, mais le problème date de bien avant 2016 ». Comme solutions possibles, il conviendrait de « garder les Européens présents sur le territoire, d’élargir le rôle de l’auxiliaire spécialisé vétérinaire (ASV), d’aménager les dettes encourues par les étudiants, de faciliter le retour à la profession après un congé familial ou pour les déçus et d’augmenter le nombre d’étudiants ». Il importe surtout de « prêter attention au grand nombre de jeunes confrères et consœurs qui quittent la profession par désillusion », ajoute Sandy Trees, vétérinaire siégeant à la Chambre des lords.

Un programme de compagnonnage

C’est par ailleurs le but du programme pilote Mentorship, lancé par la BSAVA. Deux douzaines de vétérinaires qualifiés depuis deux à trois ans seront mis en contact cet été avec des “mentors”, afin d’échanger sur des défis personnels et professionnels qui peuvent leur sembler insurmontables, pour débloquer l’expression de leur potentiel. « Une enquête réalisée dans le cadre de VetFutures a été le déclencheur de la mise en place de ce programme », explique Lizzie Lockett, directrice du RCVS et responsable de l’initiative Mind Matters. « La moitié seulement des vétérinaires diplômés depuis moins de huit ans indiquaient que leur carrière répondait à leurs attentes, et un sur dix comptait quitter la profession. » « Nos statistiques montrent un grand désarroi, surtout parmi les jeunes diplômés », confirme Graham Dick de Vetlife, permanence téléphonique d’écoute pour les vétérinaires en détresse.

Recruter : tout un art

La difficulté pour recruter de jeunes confrères dans la conjoncture actuelle était confirmée par la salle comble de la conférence « Dix astuces pour le recrute ment », présentée par Alison Lambert, vétérinaire et consultante en gestion. « Pensez à vos futurs employés comme clients et “vendez”-vous !, conseille-t-elle. Plus important que de citer l’équipement technique disponible, il faut mettre en avant les espèces cibles, la région et l’équipe. N’oubliez pas que les jeunes sont très actifs sur Internet et les réseaux sociaux. Il est donc primordial de vérifier que votre site web est attractif : est-ce qu’il affiche des photos d’une équipe souriante ou un texte “photo à venir” ? Vendez votre équipe plutôt que votre échographe, montrez les activités que vous faites avec celle-ci en dehors de la clinique. Vendez votre région en vous inspirant de votre office de tourisme. »

Accompagnement dans les nouvelles technologies

Un autre sujet qui est ressorti des enquêtes VetFutures était l’innovation. Télésanté, technologies portables et implantables, séquençage génomique, big data… S’agissant de l’innovation technologique, « beaucoup de vétérinaires ont le sentiment de ne pas y être associés, constate Chris Tuffnell, vice-président du RCVS. Nous avons ressenti le besoin de remettre la profession au cœur des initiatives de l’innovation concernant la santé et le bien-être animal. » L’instance ordinale britannique a donc créé Vivet, afin de permettre « la création de solutions vétérinaires pour le bénéfice de la santé et du bien-être animal. Le plan, étalé sur trois ans, couvrira la mise en valeur des innovations, l’accélération de celles-ci et, si besoin, leur réglementation ».

1 bit.ly/2qSdt0r.

2 bit.ly/2cP1a0w.

Voir aussi la vidéo de sensibilisation du grand public : bit.ly/2qQTiR5.

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