La charte pour le bien-être des équidés - La Semaine Vétérinaire n° 1761 du 27/04/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1761 du 27/04/2018

DÉCRYPTAGE

Auteur(s) : MARINE NEVEUX 

À l’occasion de l’assemblée générale de la Ligue française pour la protection du cheval, Marianne Dutoit, présidente de la Fédération nationale du cheval et de la commission enseignement-formation de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, a présenté les grandes étapes de la charte pour le bien-être équin.

Les métiers du cheval sont, avec ceux du bois, les plus accidentogènes », fait remarquer Marianne Dutoit, présidente de la Fédération nationale du cheval (FNC) et de la commission enseignement-formation de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), en préambule d’une table ronde organisée lors de l’assemblée générale de la Ligue française pour la protection du cheval (LFPC). Marianne Dutoit relève par ailleurs les évolutions de ces dernières décennies concernant l’approche comportementale du cheval, avec l’engouement pour les chuchoteurs. Ce contexte global a favorisé la prise de conscience que l’observation du cheval est riche d’enseignements. L’amendement Glavany, qui a mis en avant l’animal comme être sensible dans le Code civil, a été une étape supplémentaire dans ce sens. « L’animal être sensible, pour nous qui connaissons le monde agricole, ce n’était pas nouveau. Le bien-être animal, c’est notre quotidien », poursuit Marianne Dutoit. L’agriculteur a pu se sentir attaqué dans son rôle d’éleveur. « Parce qu’il est animal de rente, le cheval est protégé, car derrière le Code rural, il y a le règlement européen. »

Un autre constat concerne les mesures de réglementation déjà mises en place par le Danemark et la Suisse, « ne s’appuyant cependant pas sur des données scientifiques et étant dépourvues d’explications concrètes ».

« La FNSEA, en tant que syndicat de solutions, explique Marianne Dutoit, a décidé d’être proactive et de s’orienter vers des recommandations. »

Le travail sur la charte pour le bien-être équin n’a pas été un long fleuve tranquille : un arrêté de protection animale a failli le remettre en cause.

Un travail collectif

Pour élaborer cette charte, toutes les familles professionnelles ont été réunies : l’Association vétérinaire équine française (Avef), la Fédération nationale du cheval, la Fédération française d’équitation (FFE), France Galop, Le Trot et le Groupement hippique national (GHN). « Nous avons appris à travailler ensemble et à mener une réflexion la plus scientifique possible. Il nous fallait des critères objectifs, scientifiques, pour évaluer le bien-être animal. Nous souhaitions aboutir à une définition commune, anticiper toute nouvelle réglementation. » Marianne Dutoit souligne aussi l’importance de vulgariser la recherche, de se professionnaliser, d’adapter ses pratiques et sa structure et de relever le défi de l’image, notamment dans l’univers des courses. Et d’ajouter que « là où il y a du bien-être animal, il y a du bien-être humain. C’est pourquoi il est nécessaire de travailler sur le triptyque bien-être animal, bien-être humain, économie et environnement ». Si la cible principale de la FNSEA était de toucher les professionnels de la filière, l’objectif pour l’avenir est également de sensibiliser les jeunes en formation et les futurs professionnels installés.

Une charte et un guide

La charte pour le bien-être équin s’accompagne d’un guide, qui vient tout juste d’être remis à la Direction générale de l’alimentation (DGAL). « Nous avons élaboré une charte avec une assise scientifique, réglementaire et pragmatique. Notre démarche phare a consisté à partir de l’animal et à élaborer des mesures autour de lui », développe Marianne Dutoit. Une autre étape a concerné l’évaluation des risques à partir des atteintes au bien-être animal, de la naissance du cheval à sa mort, et de leur fréquence, selon une méthodologie inspirée de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Ces notions ont été croisées avec les cinq libertés de l’animal et les dix principes de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). La charte a donc synthétisé les principes du bien-être animal, selon un consensus général qui a permis l’élaboration de standards et d’indicateurs visant à respecter et à évaluer le bien-être animal.

Huit mesures ont ainsi été mises en exergue (encadré). Le soubassement transversal de la charte est la santé. Chaque mesure fait l’objet d’une fiche dans le guide pratico-pratique. Les indicateurs, qui sont “cheval centrés”, sont construits à partir des principales atteintes et servent d’outils d’autosurveillance pour le professionnel.

Le guide se présente sous la forme de problèmes-solutions, avec des fiches pratiques qui couvrent aussi bien l’autodiagnostic, les indicateurs “cheval centrés”, les points de vigilance, des cas pratiques et les notions à maîtriser.

Diffuser l’information

« Le parcours de formation pour les professionnels va être mis en place », poursuit Marianne Dutoit. Une application permettra également d’autoévaluer ses pratiques en matière de bien-être équin.

« Cette charte doit être diffusée au-delà des professionnels, insiste Martine Leguille-Balloy, députée La République en marche (LREM), présidente du groupe Cheval de l’Assemblée nationale. Il est impératif que ce travail soit diffusé. » La députée est également favorable à un livret de détention d’équidé.

« Mon intime conviction est que cette charte n’est qu’un début et qu’elle doit être divulguée hors de notre milieu, ajoute notre confrère Franck de Craene. Elle doit aboutir à un certificat d’aptitude de détention, car la charte va cibler des gens de bonne volonté. Il faut aussi toucher les autres car une cruche qui se croit pleine ne peut pas être remplie ! ».

« La Fédération française d’équitation a développé un galop de détention d’équidé, note Bertrand Neveux, trésorier de la LFPC. En France, nous disposons de tous les réseaux pour faire de la formation. » L’idée du permis de détention est plébiscitée par l’assemblée de la LFPC. « Un benchmark peut être effectué avec ce qui existe déjà pour les chiens, poursuit Bertrand Neveux. Ce permis pourrait être une formation d’une à deux journées. Les équivalences sont à définir, de même que les devoirs administratifs, la connaissance de la biologie de l’animal, de la manipulation des équidés, de l’économie de la détention d’un cheval. »

LES HUIT MESURES DE LA CHARTE

1. Veiller à établir une relation de confiance lors de la manipulation des chevaux et de leurs contacts avec l’homme.
2. Garantir un approvisionnement en eau et en aliments suffisant et adapté aux besoins physiologiques et comportementaux des chevaux, ainsi qu’à l’intensité du travail qui leur est demandé.
3. Offrir aux chevaux un lieu de vie aménagé de manière à prévenir les risques de blessures et de maladies et leur permettant de s’adapter aux variations climatiques.
4. Veiller à structurer et à aménager l’environnement de vie des chevaux de manière à leur permettre d’exprimer leurs comportements naturels et à leur offrir un confort de repos et de travail.
5. Respecter le caractère grégaire des chevaux en favorisant les contacts sociaux positifs entre eux, afin de limiter les troubles comportementaux.
6. Définir collectivement les bonnes pratiques d’élevage, de détention et d’utilisation des chevaux dans l’objectif de limiter les risques sur leur santé.
7. Prévenir et soulager la douleur.
8. Assurer, tout au long de la vie des chevaux, les soins nécessaires, leur mort devant advenir dans des conditions décentes lorsqu’il n’existe pas de thérapie efficace ou économiquement supportable.
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