Détresse respiratoire aiguë chez une calopsitte - La Semaine Vétérinaire n° 1761 du 27/04/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1761 du 27/04/2018

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE

Formation

Présentation du cas

Une calopsitte de 11 ans est présentée en consultation d’urgence pour une détresse respiratoire évoluant depuis 24 heures et s’étant aggravée dans la soirée. Une extinction de voix évoluant depuis 1 semaine est rapportée.

Examen clinique

À l’examen clinique à distance, un abattement et une dyspnée inspiratoire caractérisée par une respiration bec ouvert, une tachypnée, des bruits respiratoires augmentés et des mouvements de balancier de la queue sont observés.

Prise en charge d’urgence

L’oiseau est placé sous oxygène. Une sédation avec du butorphanol (1 mg/kg par voie intramusculaire [IM]) et du midazolam (1 mg/kg IM) permet de limiter l’anxiété, de réduire l’intensité de la dyspnée et de réaliser un examen clinique rapproché. La cathétérisation d’un sac aérien est décidée pour une respiration spontanée efficace (photo 1). L’équipe effectue ensuite une induction à l’isoflurane au masque (4 %). L’oiseau est plumé sur le flanc gauche. Le site de ponction, repéré grâce aux mouvements respiratoires, est désinfecté et incisé sur 3 mm. Une sonde stérile est placée dans le sac aérien abdominal caudal et fixée avec une suture cutanée en bourse et un lacet chinois.

Examens complémentaires

L’examen suivant consiste en la réalisation d’une endoscopie trachéale à l’aide d’un rhinoscope de 1 mm. Une accumulation de matériel jaunâtre obstruant la trachée en avant de la syrinx est observée (photos 2) et retiré en grande partie par aspiration, sous contrôle endoscopique, à l’aide d’une seringue fixée sur une sonde urinaire pour chat. Une cytologie met en évidence la présence de nombreuses coques (photos 3). Aucune levure n’est observée.

Traitement

Une aérosolthérapie (désinfectant F10® dilué au 1/250e, trois fois par jour), une antibiothérapie (enrofloxacine 10 mg/kg per os, deux fois par jour) et un traitement antifongique préventif (itraconazole 10 mg/kg per os, une fois par jour) sont instaurés. Du fait de la présence de nombreuses bactéries à la cytologie et de l’instabilité de l’animal, un antibiotique critique à large spectre et à bonne diffusion

respiratoire a été prescrit sans attendre les résultats d'un antibiogramme. Compte tenu de son efficacité sur certains germes incriminés (Chlamydia spp. et Mycoplasma spp.), la doxycycline aurait pu être une alternative intéressante. Cependant, son spectre d’activité est moins large et les présentations galéniques vétérinaires accessibles sont exclusivement orales. Des mesures de soutien sont également instaurées (fluidothérapie sous-cutanée, plan de réalimentation).

Discussion

Étiologie des dyspnées chez les oiseaux

Les dyspnées sont fréquentes lors d’affections respiratoires chez les oiseaux. Leur origine peut se diviser en atteintes intrarespiratoires (cavités nasales, sinus, trachée, syrinx, poumon ou sacs aériens) ou extrarespiratoires (tableau). Les premières se manifestent par des hochements de tête, du jetage, des éternuements, une obstruction des narines, une extinction de voix, des sifflements ou des crépitements. La respiration bec ouvert est observée en cas d’obstruction des narines. Les rhinites et les sinusites sont très fréquentes et principalement d’origine environnementale (aérosols, fumée), alimentaire (hypovitaminose A) ou infectieuse. La respiration bec ouvert constitue le signe d’appel majeur des atteintes de la trachée et de la syrinx. Une intolérance à l’effort, une dépression, des modifications de la voix, une dyspnée, des mouvements de balancier de la queue sont aussi observables. Les obstructions dues à des corps étrangers, des granulomes fongiques aspergillaires, des plaques diphtériques bactériennes ou des néoplasies sont fréquentes. Un œdème syringé (infectieux, allergique) peut également mener à une obstruction de la trachée. Une étude portant sur l’observation directe par endoscopie des muscles de la syrinx a montré que l’adduction des membranes latérales de cet organe lors de la respiration réduit le diamètre trachéal1. Une inflammation de la syrinx diminue le diamètre de la trachée et le flux d’air entrant, d’où un état dyspnéique. Les aérosacculites et les pneumonies infectieuses peuvent être observées conjointement et se manifestent de la même façon que les atteintes de la trachée et de la syrinx.

Prise en charge d’urgence

La sédation diminue l’anxiété, permet une myorelaxation et assure une analgésie. Le butorphanol seul (0,5 à 5 mg/kg IM ou par voie intraveineuse [IV]) ou en association avec le midazolam (0,1 à 2 mg/kg IM ou IV) est souvent utilisé. Le butorphanol entraîne une sédation et une analgésie. Il ne doit pas être employé conjointement à la morphine ou en cas de douleur importante. Il renforcerait l’action du midazolam, permettant une sédation plus profonde. Ce dernier engendre une relaxation musculaire et diminue l’anxiété associée à la détresse respiratoire. Une désinhibition peut être observée chez l’oiseau, caractérisée par une dysphorie et des battements d’ailes au réveil, avec parfois des automutilations.

La cathétérisation temporaire des sacs aériens thoraciques caudaux ou abdominaux permet une dérivation des voies respiratoires supérieures et de la trachée. Elle est bien tolérée, même après le réveil de l’animal, et contre-indiquée en cas d’atteinte des sacs aériens, d’ascite ou d’organomégalie. La cannulation du sac aérien claviculaire est impossible. L’animal est placé sur le flanc droit. La voie d’abord d’incision se situe en paralombaire entre la deuxième et la troisième cote pour une cathétérisation du sac aérien thoracique caudal et en arrière de la dernière cote, la patte positionnée en avant, pour une cathétérisation du sac aérien abdominal caudal. La première voie d’abord présenterait l’avantage, selon certains auteurs, de pouvoir mieux fixer la sonde sur l’animal une fois réveillé. Les sondes peuvent rapidement s’obstruer et ne sont idéalement pas laissées en place plus de 5 jours. Une sonde trachéale classique de petit diamètre (2,5 à 3 mm), raccourcie pour que la longueur soit adaptée, ou des dispositifs commercialisés peuvent être utilisés.

Établissement d’un diagnostic après stabilisation

La réalisation de radiographies permet de mettre en évidence un corps étranger, d’identifier et de délimiter des abcès (infraorbitaires, sinusal, oropharyngés, sous-mandibulaires, etc.), mais également des atteintes pulmonaires concomitantes (granulome, œdème, aérosacculite). La vue ventrodorsale sous anesthésie générale favorise une meilleure observation du système respiratoire et l’identification plus précise des lésions par rapport à une vue dorsoventrale ou latérale.

L’examen tomodensitométrique des voies respiratoires constitue l’examen de choix pour la mise en évidence de lésions. La radiographie permettrait la mise en évidence, en vue ventrodorsale, de 40 % des lésions respiratoires identifiées dans les sacs aériens au scanner, contre 30 % pour la vue dorsolatérale2.

L’examen immédiat de choix pour l’exploration d’une obstruction trachéale est l’endoscopie des voies respiratoires après stabilisation de l’animal. À la fois diagnostique et thérapeutique, elle peut être couplée à une endoscopie des sacs aériens, afin d’explorer une atteinte concomitante des voies respiratoires profondes.

1 Larsen O. N., Goller F. Direct observation of syringeal muscle function in songbirds and a parrot. J. Exp. Biol. 2002;205(Pt 1):25-35.

2 Huynh M., Modesto F., Zoller G. et coll. Use of conscious whole body dorsoventral radiograph in psittacine presented for respiratory distress : comparison of in-box radiograph, standard radiograph and computed tomodensitometry. Proceeding Icare, Italy, march 2017.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur bit.ly/2JbMLr8.

Chloé Durand Praticienne à l’unité urgences et soins intensifs du CHV Saint-Martin, à Saint-Martin-Bellevue (Haute-Savoie).

Adeline Linsart Praticienne à l’unité NAC du CHV Saint-Martin.

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