« Vétérinaires et pompiers peuvent travailler en symbiose » - La Semaine Vétérinaire n° 1759 du 06/04/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1759 du 06/04/2018

ENTRETIEN AVEC HUGUES GUYOT

ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR TANIT HALFON 

Hugues Guyot, professeur de médecine des troupeaux à la faculté vétérinaire de Liège (Belgique), souhaite mettre en place une formation de vétérinaire-pompier. Avec, pour première étape, la création de ce statut.

En France, le statut de vétérinaire-pompier existe depuis longtemps. Aujourd’hui, en Belgique, face à des interventions pour lesquelles une expertise vétérinaire ou, au moins, en sauvetage animalier est nécessaire, comment cela se passe-t-il ?

Jusqu’à présent, c’est de l’ordre de la débrouille, un vétérinaire pouvant accepter de se déplacer. Néanmoins, depuis un an, une équipe de pompiers spécialisés dans le sauvetage animalier s’est constituée, l’Animals Rescue Team, à proximité de Liège. À l’époque, ils m’avaient sollicité afin que je les forme. En contrepartie, ils m’ont formé pour que je puisse intervenir avec eux. En complément, j’ai suivi une formation de vétérinaire-pompier en France, et envisage d’en suivre une autre prochainement en Suisse. J’ai également appris la téléanesthésie. Depuis, je collabore régulièrement sur le terrain avec l’équipe. Ensemble, nous avons ainsi pu sauver, par exemple, différents grands animaux en danger, tels que des vaches, des chevaux, ou des porcs dans des plans d’eau. Nous avons également collaboré pour donner des démonstrations de sauvetage sur mannequin lors de diverses journées portes ouvertes. Dernièrement, nous avons organisé un exercice grandeur nature de simulation d’incendie dans une exploitation agricole de l’université de Liège.

En quoi consisterait le statut de vétérinaire-pompier ?

Un ensemble de droits et de devoirs lui incomberait. Pour exemple, il aurait droit à une rémunération sur les actes vétérinaires effectués lors des interventions, à un véhicule prioritaire, ou encore à une assurance professionnelle. Je négocie actuellement avec le gouvernement fédéral pour que ce nouveau statut soit créé. A priori, cela semble bien parti. Une fois l’accord obtenu, il ne restera plus qu’à élaborer un programme de cours, théoriques et pratiques. L’idée serait d’organiser un certificat universitaire qui inclurait, entre autres, des cours en téléanesthésie et en gestion des urgences, en association avec une formation dispensée par les services de secours. Dominique Grandjean, colonel de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris et professeur à l’École nationale vétérinaire d’Alfort, Thomas Degand, pompier et vétérinaire à la zone Nage1 en Belgique ainsi que les confrères de l’Union professionnelle vétérinaire (UPV), avec lesquels je suis en contact régulier, m’ont aidé à faire avancer ce dossier.

Quelles seraient les missions du vétérinaire-pompier ?

Comme en France, le vétérinaire-pompier interviendrait d’abord pour les soins, uniquement conservateurs, des animaux trouvés blessés sur la voie publique ou constituant un danger pour la population ou l’environnement. Il aurait également des missions de police sanitaire ou encore de médecine de catastrophe. Pour éviter les amalgames, le vétérinaire-pompier, que nous rebaptiserions peut-être “vétérinaire-urgentiste de la sécurité civile”, n’a des missions qu’au niveau de l’animal. Il n’est en aucun cas un pompier prêt à intervenir sur des incendies, des désincarcérations, etc.

Les pompiers accueillent-ils bien cette évolution ?

Les pompiers nous sont d’une grande aide dans le soutien du projet au niveau fédéral, car ils reconnaissent la plus-value du vétérinaire-pompier. Un tel professionnel bien formé et disposant d’un matériel spécifique, comme un fusil tranquillisant, représente un vrai confort pour eux. Cela permettrait aussi de rendre plus sécurisant l’activité des sauveteurs. Je pense, par exemple, aux interventions avec un cheval qui se débat, ou à une bétaillère renversée. De plus, le Centre fédéral de connaissances pour la sécurité civile, qui gère toutes les formations destinées aux sapeurs-pompiers, est fortement intéressé pour que la formation qui a été dispensée à l’Animals Rescue Team soit reconnue de manière officielle. Leur objectif serait de pouvoir l’intégrer aux heures de formation continue de tous les sapeurs-pompiers de Wallonie qui la suivraient.

La profession est-elle motivée par cette nouveauté ?

Nous avions présenté notre idée au dernier salon national vétérinaire, Veterinexpo, et nous avons reçu un retour positif de la part des professionnels, tout comme des étudiants. De toute façon, ce projet est collectif, et s’est notamment développé au sein d’un groupe de travail de l’UPV de Wallonie, une étape indispensable pour avoir un écho du terrain et identifier les besoins réels de la profession sur cette question. Ensemble, nous avons ainsi défini les futures missions qui incomberaient au vétérinaire-pompier. À terme, l’idéal serait de pouvoir assurer un maillage vétérinaire sur différentes provinces et d’avoir un vétérinaire-pompier de garde 24 heures sur 24. Quelque part, c’est un débouché supplémentaire pour le vétérinaire.

1 La zone de secours Nage (Namur, Andenne, Gembloux, Éghezée) fait partie des 34 zones de secours de Belgique, et est une des trois zones de la province de Namur.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr