Ovariosalpingectomie chez une tortue de Floride - La Semaine Vétérinaire n° 1758 du 06/04/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1758 du 06/04/2018

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE

Formation

Présentation du cas

Motif de consultation, commémoratifs, anamnèse

Une tortue de Floride (Trachemys scripta scripta) femelle âgée de 6 ans est présentée pour anorexie et absence de selles évoluant depuis 1 semaine. Aucun antécédent médical n’est rapporté. La tortue a été acquise 5 ans auparavant chez un particulier. Elle vit en aquarium (1 m x 40 cm) dont l’eau filtrée est changée trois fois par jour. Deux plages sont disposées dans le bassin. L’alimentation est composée de granulés complets pour tortues.

Examens clinique et complémentaires

L’examen clinique révèle une carapace déformée ainsi que la présence d’algues et d’ulcères à sa surface, sans autre anomalie, avec un animal qui reste vif. Les signes cliniques rapportés (anorexie et arrêt de transit digestif) ne sont pas pathognomoniques et le diagnostic différentiel est large, nécessitant des examens complémentaires. Un bilan sanguin complet révèle uniquement une hypophosphorémie modérée à 2,2 mg/dl (norme : 3,7 à 7,5 mg/dl). Le scanner montre une rétention folliculaire (ou préovulatoire) ainsi qu’une densité hépatique compatible avec une lipidose hépatique.

Traitement

Le traitement de la rétention folliculaire est chirurgical. Après une prémédication avec du butorphanol (1 mg/kg par voie intramusculaire), une induction à l’alfaxalone (8 mg/kg par voie intraveineuse) est effectuée afin de procéder à l’intubation et de mettre en place un relais à l’isoflurane. Compte tenu de l’apnée réflexe des chéloniens lors de l’anesthésie, la tortue est ballonnée quatre fois par minute. Un doppler, placé entre le cou et l’épaule, permet de suivre la fréquence cardiaque. L’animal est placé en décubitus latéral droit, le membre pelvien fixé en extension. Une ovariectomie par voie préfémorale est réalisée. Les étapes consistent en une incision cutanée horizontale de 2 cm au niveau de la fosse préfémorale gauche, une incision des muscles et de la membrane cœlomique, une traction douce des follicules ipsilatéraux (maintien du tissu interfolliculaire au clamp mousse) afin d’extérioriser l’ensemble de la grappe ovarienne, une ligature du ligament ovarien (fil tressé résorbable 3-0) puis section, une suture de la membrane cœlomique avec le plan musculaire (fil tressé résorbable 3-0) et une suture du plan cutané en un surjet en U éversant (monofilament résorbable 3-0). Le salpinx se délitant lors de la chirurgie, une affection est suspectée et une salpingectomie est pratiquée (le salpinx est extériorisé et ligaturé à chacune de ses extrémités). Les étapes précédentes sont réalisées à nouveau sur le côté droit afin d’extraire l’ovaire et l’oviducte droits. Le réveil se déroule rapidement. La tortue reçoit du méloxicam (0,2 mg/kg par voie intramusculaire une fois par jour pendant 4 jours), une antibiothérapie à base de triméthoprime-sulfamide (30 mg/kg par voie intramusculaire une fois par jour pendant 10 jours) et une alimentation forcée durant son hospitalisation. Les conditions de maintenance sont revues avec le propriétaire et l’animal reprend un appétit spontané 5 jours après sa sortie.

Discussion

Lorsque les conditions environnementales ne sont pas optimales ou lorsque l’animal est affaibli, des rétentions pré- ou post-ovulatoires peuvent être observées. Dans le premier cas (décrit dans cet article, en l’absence de lieu de ponte, de mâle et d’accouplement), des follicules ovariens matures se développent et s’accumulent dans le cœlome, sans être expulsés dans l’oviducte. Cette stase folliculaire (ou rétention préovulatoire) entraîne la compression des autres organes, une léthargie, une anorexie. Le traitement est chirurgical. Les mésovariums étant lâches chez les chéloniens, l’abord par les flancs est possible, ce qui évite une plastrotomie, plus invasive. Aucun tissu ovarien ne doit être laissé en place, afin d’éviter les récidives. Lors de rétention postovulatoire (présence d’œufs retenus dans l’oviducte), un traitement médical est entrepris dans un premier temps (gluconate de calcium, ocytocine, réhydratation) avant d’envisager la chirurgie. La physiologie de l’appareil reproducteur et le feedback entre les ovaires et l’oviducte ne sont pas bien décrits chez les reptiles. Cependant, le retrait des grappes ovariennes apparaît essentiel pour stopper l’activité reproductrice. C’est pourquoi une salpingectomie seule ne peut être efficace pour stériliser une tortue.

Le scanner est l’examen de choix pour mettre en évidence les stases folliculaires chez les tortues. Un effet masse est détecté avec un déplacement dorsal des poumons. De très nombreuses structures rondes à ovales sont observées au sein de la cavité cœlomique, de taille variable. Cette affection est toujours associée à une surcharge lipidique du foie, sensée rétrocéder après le traitement de la stase. Le foie apparaît alors très hypodense par rapport à sa densité normale (-40 UH), de taille augmentée avec un parenchyme homogène.

Anaïs Sailler et Emmanuel Risi Praticiens à FauneVet, CHV Atlantia, à Nantes (Loire-Atlantique).

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