Entre chien et loup

Nous avons tous découvert Croc-Blanc de Jack London, enfant ou adolescent, dans une édition abrégée. Ce roman (et L’Appel de la forêt avec lui) ne se destinait pourtant pas à la jeunesse. Il faut insister sur la singularité de parvenir en 1906 à faire entrer le lecteur dans la conscience d’un loup. La puissance du naturalisme du livre, nourri de Melville et de Kipling autant que de Darwin, vient d’une intensité narrative sans apprêt, mais aussi de sa capacité à doter l’animal d’une sensibilité et d’une intelligence – en s’immisçant dans ses sensations et ses émotions – tout en soulignant en permanence son altérité.

Déjà transposé sept fois sur grand écran, le roman fait ici l’objet de sa première adaptation animée. Sa qualité réside autant dans l’originalité graphique que dans l’audace, à l’instar de London, d’adopter le point de vue du loup sans pour cela le faire parler. Mélange sobre d’impressionnisme et d’expressionnisme, l’image, picturale, à la fois luxuriante et peu détaillée, ose l’abstraction et les vides. Au-delà de sa beauté visuelle, le film, à l’encontre des tendances actuelles de l’animation, confie une bonne part de son récit à la simple éloquence des images et des sons, comme cette scène sans dialogues où la louve initie son louveteau à la chasse. La restitution des mouvements et des comportements animaux y est très émouvante. Fidèle à l’œuvre originale, sans être aussi cruel, le film séduira tous les âges. On en profitera pour relire le roman réédité en poche chez Gallimard.
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Croc-Blanc d’Alexandre Espigares, avec les voix françaises de Virginie Efira, Raphaël Personnaz et Dominique Pinon, France-Luxembourg, 1 h 25, sortie le 28 mars.

Croc-Blanc (White Fang) de Jack London, collection “Folio classique”, Gallimard.