Prise en charge de la douleur lors de la castration du porcelet - La Semaine Vétérinaire n° 1756 du 23/03/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1756 du 23/03/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : TANIT HALFON  

Les journées de la recherche porcine 2018 ont été l’occasion pour Valérie Courboulay, ingénieur d’étude à l’Ifip, Institut du porc, de présenter le bilan1 des travaux menés par l’institut sur la gestion de la douleur lors de la castration des porcelets. Aujourd’hui, quand elle a lieu, elle est réalisée à vif par les éleveurs sur les porcelets de moins de 7 jours, associée à une injection préopératoire d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Une procédure insuffisante pour gérer la douleur peropératoire. Pour accompagner une évolution des pratiques, l’institut a évalué plusieurs protocoles, utilisant analgésique, anesthésique local et anesthésique général. Pour l’instant, en France, seuls des vétérinaires peuvent réaliser l’anesthésie locale ou générale. Toutefois, à l’image de ce qui existe dans d’autres pays ou en France pour l’écornage des veaux, l’anesthésie locale pourrait, sous conditions, être déléguée aux éleveurs, l’acte d’anesthésie faisant partie intégrante de la pratique de la castration.

Des essais multiples

Neuf essais ont été menés de 2010 à 2015. Les anesthésiques locaux testés sont la lidocaïne, un mélange lidocaïne-adrénaline et la procaïne. Les AINS testés sont le kétoprofène et le méloxicam. Les animaux traités ont entre 4 et 6 jours. Les anesthésiques sont injectés en intratesticulaire et l’administration d’AINS s’effectue par injection intramusculaire. La castration est réalisée 10 à 30 min après injection. Suivant les essais, les traitements concernent entre 8 et 40 porcelets. Les indicateurs de douleur mesurés sont les mouvements des animaux lors de l’intervention, l’intensité des cris (sonomètre) et le cortisol plasmatique, 30 min après celle-ci. Ces deux dernières mesures (cris et cortisol) sont réalisées en aveugle. À noter qu’aujourd’hui, en France, seuls la procaïne et le méloxicam sont autorisés pour le porc.

La lidocaïne est efficace pour la gestion de la douleur peropératoire

L’administration d’un anesthésique local, associé ou pas à un AINS, a permis d’obtenir une réduction des cris et des mouvements des porcelets, par rapport à des porcelets castrés avec ou sans AINS. Pour autant, la cortisolémie mesurée différait peu entre les animaux non traités et ceux traités avec l’anesthésique. Pour ces derniers, elle était même supérieure par rapport aux animaux ayant reçu un AINS, avec ou sans anesthésie locale. Pour les chercheurs, cela pourrait s’expliquer par un effet limité dans le temps de l’anesthésique local, la douleur liée à l’inflammation provoquant ensuite l’augmentation de cortisol sanguin.

De plus, aucune différence n’a été observée entre la lidocaïne et la procaïne, et entre la lidocaïne utilisée seule ou en association avec l’adrénaline, pour la gestion de la douleur. Un effet dose a été observé pour la lidocaïne : l’augmentation de la dose a pour conséquence une réduction des cris et des mouvements des porcelets. Cependant, une concentration supérieure ou égale à 30 mg par porcelet a entraîné l’apparition de crises convulsives chez quelques porcelets de moins de 2 kg2. Les effets doses pour la procaïne sont moins clairs. La conférencière conseille ainsi d’utiliser une dose de 20 mg de lidocaïne ou de procaïne par porcelet, soit 0,5 ml par testicule, d’une solution à 2 %, le délai entre l’injection et la castration étant encore à préciser. Le coût de l’usage d’un anesthésique local serait de 0,31 € hors castration (contre 0,17 € pour l’analgésie).

De multiples contraintes pour l’anesthésie générale

Afin d’évaluer l’efficacité d’un anesthésique général, l’Ifip a enquêté sur les pratiques en cours en Suisse. Là-bas, l’utilisation d’un anesthésique général associé à un analgésique pour la castration des porcelets est obligatoire. Les éleveurs sont ainsi autorisés, après formation, à employer l’isoflurane, le vétérinaire étant en charge des contrôles, via la fourniture de l’anesthésique et le registre de traçabilité.

Des enquêtes ont montré que 60 % des éleveurs étaient satisfaits. Le temps moyen3 de castration a été estimé à 2,5 min par porcelet, sans compter le temps de nettoyage de l’appareil, soit une durée trois fois supérieure à celle des méthodes actuelles. L’investissement de départ était évalué à 8 000 € pour trois postes4, une révision des équipements étant à prévoir tous les 1 600 porcelets. En France, cela reviendrait à 1,62 € par porcelet, hors analgésie. À noter qu’une étude suisse avait montré que 14 % des porcelets étaient insuffisamment anesthésiés (masque mal ajusté, ou temps trop court d’exposition au gaz avant chirurgie) et qu’un quart des éleveurs suisses sondés se plaignaient de maux de tête.

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2 2,5 % et 9,3 % des porcelets, respectivement pour les doses de 30 et 40 mg de lidocaïne.

3 Dans un élevage visité de 210 truies.

4 Subventionnés pendant un an par un fonds professionnel.

Valérie Courboulay Ingénieur d’étude bien-être et conduite d’élevage à l’Ifip, Institut du porc. Article rédigé d’après une présentation faite lors des journées de la recherche porcine, les 6 et 7 février 2018.

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