Maintenir le lien

Ce qui unit deux ou plusieurs personnes établit entre elles des relations d’ordre social, moral, affectif. » Cette définition du lien¹ est essentielle lorsque l’on parle du suicide. Pour Nicolas Deffontaines, docteur en sociologie et auteur d’une thèse sur le suicide des agriculteurs, « il faut maintenir un lien avec la personne en détresse, même s’il reste fragile, car c’est peut-être le seul lien qu’il lui reste ». Dans le monde agricole, on s’évertue depuis longtemps à tisser les liens de la vie, notamment par l’intermédiaire de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA). Récemment, fin 2014, dans le cadre du premier programme national d’actions contre le suicide, la CCMSA a ainsi mis en place le dispositif Agri’écoute², accessible par téléphone 24 h/24, 7 j/7, et regroupant des psychologues, des médecins du travail, des travailleurs sociaux, des conseillers en prévention et des animateurs de la vie mutualiste. Le troisième rapport de l’Observatoire national du suicide³, paru en février 2018, souligne d’ailleurs l’efficacité de l’écoute, qui permettrait, selon les études, de réduire le taux de passage à l’acte et les pensées suicidaires imminentes.

Les appels étant en constante augmentation – en moyenne, 90 par mois en 2015, 180 en 2016 et 300 en 2017 –, un nouveau lien a été créé entre ce dispositif et les cellules pluridisciplinaires de prévention de la mutualité. Si l’appelant l’y autorise, l’écoutant pourra alerter la cellule. Mais face à un éleveur en détresse, que peut faire le vétérinaire ? « Créer un lien, préconise Véronique Maeght-Lenormand, médecin-conseil à la CCMSA. Lui dire qu’il observe son mal-être, par des mots simples. Par exemple : “Vous me semblez triste.” Lui signaler aussi qu’il existe des dispositifs de soutien, voire prendre le temps de les appeler avec lui. » Bref, (re)créer et entretenir du lien social.

« Une société dans laquelle les liens sociaux sont maintenus a tendance à davantage prévenir le suicide des individus qui la composent », souligne Nicolas Deffontaines. En ayant en tête, comme le précise le rapport, que toute action de prévention du suicide se doit « de concilier respect de l’autonomie et bienfaisance, de témoigner sa sollicitude en apportant une aide non condescendante, respectueuse de la dignité de la personne ». ●

¹ bit.ly/2IIpZaC.

² Tél. : 09 69 39 29 19.

³ bit.ly/2FXcOkp (page 44 du dossier).