Le caractère décisif de l’avis du vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1756 du 23/03/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1756 du 23/03/2018

JURISPRUDENCE

ÉCO GESTION

Auteur(s) : CÉLINE PECCAVY 

Le tribunal de Toulouse (Haute-Garonne) s’est appuyé, entre autres, sur l’avis des vétérinaires donnés hors expertise judiciaire pour annuler la vente d’un cheval.

Mme S a acquis le 23 juillet 2013 auprès de M. V, négociant et éleveur de chevaux, un cheval de sport, dénommé Orlando, en vue de pratiquer en concours le saut d’obstacles. Le prix de vente avait été fixé à 22 000 €.

Préalablement à la vente, le 17 mai 2013, une visite d’achat avait été réalisée par le Dr D, qui concluait, malgré un test de flexion positif, à une conformité de l’équidé à la pratique du saut d’obstacles. Le Dr D avait, par la suite, confirmé ce fait dans un nouveau document établi le 23 juillet 2013, jour de la vente, à la suite d’un deuxième examen du cheval.

Malheureusement, peu de temps après celle-ci, le cheval a présenté des signes de boiterie et, surtout, chuté à plusieurs reprises de manière peu compréhensible compte tenu de sa qualité supposée.

Ces chutes pour le moins étonnantes ont amené Mme S à consulter le Dr H, qui a posé la conclusion d’utilisation sportive réservée à défavorable. Le Dr R, mandaté par l’assurance de Mme S, a posé la même conclusion.

Faute d’accord amiable entre les parties, la justice a été saisie et une expertise judiciaire est intervenue. Sont mis dans la cause non seulement le vendeur, mais aussi le Dr D.

L’expertise judiciaire

Au terme de son rapport, l’expert a relevé l’existence d’un fragment ostéochondral dans le boulet postérieur droit, fragment déjà présent lors de la vente et visible sur les radios prises par le Dr D, mais non signalé par ce dernier.

Il a constaté également un arrachement osseux de la protubérance occipitale associé à une douleur des apophyses épineuses du garrot.

Il conclut cependant qu’il lui est impossible de dire si le cheval est apte ou non à un usage de saut d’obstacles.

La procédure en indemnisation

Mme S agit tant contre le vendeur (au titre de la garantie de conformité) que contre le vétérinaire ayant effectué la visite d’achat.

Contre le premier, elle sollicite la résolution de la vente et le remboursement du prix du cheval. Elle demande en outre la condamnation in solidum du vendeur et du vétérinaire aux frais d’entretien du cheval, à savoir 12 319,76 €. Enfin, le remboursement des frais liés à l’assurance est réclamé au seul vétérinaire.

En défense, l’éleveur plaide qu’il n’est pas le vendeur, car son nom ne figurait pas sur la carte d’identification au moment de la vente, mais, s’il devait malgré tout être considéré comme tel, Mme S devrait être déboutée de toutes ses demandes, l’expert judiciaire n’ayant pas conclu à une non-conformité.

Même argumentation du vétérinaire quant à la non-conformité.

Jugement rendu

Sur l’argument de la carte : le tribunal1 rappelle qu’une carte d’identification n’est qu’une présomption de propriété et que le Système d’information relatif aux équidés (Sire) n’a en sa possession que les informations qui lui sont communiquées. M. V ayant tout de même émis une facture à son nom, il doit être considéré comme le vendeur.

Sur la question de la conformité : le tribunal s’appuie non seulement sur l’expertise judiciaire, mais aussi sur les deux autres rapports vétérinaires pour conclure à une non-conformité. L’instance judiciaire relève que le pronostic sportif réservé à défavorable des Drs H et R n’est pas démenti par l’expert judiciaire.

Le vendeur a été condamné à reprendre et à rembourser le cheval. Le vendeur et le Dr D doivent in solidum procéder au remboursement des frais d’entretien (praticien tenu de garantir à hauteur de 20 % les condamnations prononcées contre le vendeur), et le vétérinaire également à celui des frais d’assurance.

Cette décision démontre que les avis vétérinaires donnés hors expertise judiciaire peuvent avoir un caractère décisif dans le cadre d’un procès en garantie.

1 Jugement rendu par le tribunal de grande instance de Toulouse (Haute-Garonne), le 16 février 2018.

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