L’hyperattachement secondaire - La Semaine Vétérinaire n° 1756 du 23/03/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1756 du 23/03/2018

SYNTHÈSE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : THOMAS BRÉMENT 

Bien que l’attachement soit un processus d’adaptation favorisant normalement l’acquisition de l’autonomie, l’excès est pathologique. L’hyperattachement secondaire permet à l’animal de compenser une incapacité à intégrer des informations provenant de son environnement socio-écologique, en ayant recours à un lien particulier, apaisant, avec un être d’attachement. Cette incapacité peut être acquise lors de modifications brutales, traumatisantes du contexte de vie ou bien innée et liée à un trouble du développement du filtre sensoriel. Patrick Pageat1 associe cette affection à un trouble dépressif chronique. En effet, l’hyperattachement secondaire se traduit par des manifestations de détresse : destructions du mobilier, vocalises, malpropreté (mictions et défécations émotionnelles), manifestations neurovégétatives comme une dysorexie, des troubles du sommeil avec un avancement du sommeil paradoxal, développement de rituels, en l’absence ou en présence de l’être d’attachement chez un chien adulte. Elles ne sont donc pas générées par la séparation elle-même, mais par l’incapacité à intégrer les informations de l’environnement sans l’aide de l’être d’attachement. Cet article a pour objectif de rappeler en quoi consiste ce trouble et s’appuie en particulier sur les résultats d’une étude menée à Nantes (Loire-Atlantique) entre 2009 et 20122, d’où sont issus les chiffres présentés.

Motif de consultation

Les principaux motifs de consultation associés à l’hyperattachement secondaire sont des manifestations de détresse exprimées en l’absence de l’être d’attachement et des symptômes d’anxiété (vocalises et destructions évoquées dans 35 % et 30 % des cas).

Épidémiologie

Ce trouble touche 6 % des individus présentés en consultation de comportement. L’âge est un facteur significatif dans l’hyperattachement secondaire, qui apparaît statistiquement plus présent chez le chien âgé, ce qui est cohérent avec l’évolution chronique de cette affection. Aucun autre critère épidémiologique n’a pu y être rattaché. Comme il s’agit d’un processus de compensation face à un autre trouble déjà présent, aucune prédisposition de race ou de sexe n’est mise en évidence. Enfin, il n’a pas été possible d’y corréler statistiquement les conditions d’acquisition (lieu et âge).

Sémiologie et diagnostic différentiel

Bien que leur symptomatologie soit très proche au point de confondre aisément les deux affections, l’hyperattachement secondaire diffère de l’anxiété de séparation. Si la dernière résulte de la persistance de l’attachement primaire, la première affection est un mécanisme de défense qui se met en place en tant que processus de compensation d’un autre trouble (syndrome de privation, troubles de la communication). Ainsi, lors d’hyperattachement secondaire, on ne peut pas mettre en évidence de comportement de maternage de la part des propriétaires. Au contraire, la lassitude voire l’exaspération sont les sentiments prédominants en consultation. Les principaux symptômes sont rassemblés dans le tableau ci-contre. L’hyperattachement secondaire est significativement associé à un état d’anxiété permanente. Cette affection étant secondaire à un autre trouble, la comorbidité est obligatoire. Ainsi, plus de la moitié des individus atteints souffrent de troubles phobiques ou de la communication. Dans 7 % des cas, l’hyperattachement secondaire est décrit seul, car aucune affection concomitante n’a pu être diagnostiquée, bien que forcément présente.

Pronostic et traitement

Du fait de l’évolution chronique, le pronostic est moins bon qu’en cas d’anxiété de séparation. Il varie selon le trouble sous-jacent et la capacité des propriétaires à observer la thérapie. Le recours à un vétérinaire comportementaliste est fortement conseillé. Le traitement ne doit pas se baser sur un détachement trop précoce, au risque d’accentuer l’anxiété de l’animal. Elle doit être conjointe à une médicalisation par des molécules aux propriétés anxiolytiques, voire antidépressives : clomipramine, fluoxétine à dose élevée (entre 2 et 4 mg/kg/j en une prise quotidienne) ou sélégiline. L’amélioration de l’état anxieux et la reconstitution d’un lien de qualité, mais non indispensable, mènent progressivement à un détachement et à la disparition de ce processus compensateur.

1 Pageat P. Pathologie du comportement du chien, 2e édition. Édition du Point Vétérinaire, collection “Médecine vétérinaire”, 1998.

2 Brément T. « Dominantes pathologiques en psychiatrie vétérinaire canine : étude bibliographique et rétrospective menée à Nantes entre 2009 et 2012 (229 cas) ». Thèse de doctorat vétérinaire, Oniris, 2014.

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