Hydromètre et torsion utérine chez une lapine - La Semaine Vétérinaire n° 1756 du 23/03/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1756 du 23/03/2018

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : GABRIELLE SÉGALAT  

Présentation du cas

Commémoratifs, anamnèse et examens

Un lapin bélier femelle de 2 ans, pesant 2,2 kg, est présenté en consultation pour abattement, anorexie et arrêt du transit depuis 48 heures. Il n’est ni vacciné ni stérilisé. Il n’a pas d’antécédent médical. L’examen clinique révèle une distension abdominale marquée, rendant la palpation abdominale difficile. Le reste de l’examen est sans anomalie. Une radiographie abdominale montre un effet masse dans l’abdomen caudal entraînant un déplacement cranio-dorsal des intestins. Ces éléments font suspecter une atteinte utérine de type hydromètre, pyomètre ou tumeur. Une échographie abdominale confirme la distension majeure de l’utérus par un contenu anéchogène. Aucun épanchement n’est visible.

Traitement

La lapine est hospitalisée pour réanimation en vue d’une ovario-hystérectomie le lendemain. Elle reçoit 100 ml de perfusion sous-cutanée (SC), une analgésie (buprénorphine 0,03 mg/kg SC) ainsi qu’une réalimentation (15 ml d’aliment de gavage pour herbivore). La prémédication est réalisée avec de la buprénorphine (0,03 mg/kg par voie intramusculaire [IM]) et de la médétomidine (100 µg/kg IM), puis un cathéter intra-veineux est mis en place à la veine marginale de l’oreille. L’anesthésie est induite et maintenue à l’isoflurane. La lapine est placée sur tapis chauffant et sous perfusion intraveineuse (NaCl 0,9 %, à raison de 10 ml/kg/h) pendant toute la chirurgie et la phase de réveil.

Une laparotomie médiane est réalisée. La corne utérine droite, aussitôt visualisée, est d’aspect violacé et est extrêmement distendue. La corne utérine gauche présente un aspect normal. L’extériorisation de l’utérus révèle une torsion de la corne utérine droite (six tours complets sur elle-même). Une ovario-hystérectomie est réalisée, suivie d’un rinçage abdominal au NaCl tiédi. L’incision est suturée par des surjets musculaire, sous-cutané puis cutané, avec en complément l’application de colle chirurgicale. La lapine reçoit une injection d’atipamézole (dose identique à la dose de médétomidine administrée au préalable par voie intramusculaire), d’antibiotique (triméthoprime-sulfadiazine 30 mg/kg SC) et d’anti-inflammatoire (meloxicam 0,5 mg/kg SC) et elle est installée en box de réveil chauffé.

Le traitement analgésique (buprénorphine 0,03 mg/kg) et la réalimentation par gavage sont renouvelés 6 heures après la chirurgie. Le transit digestif et l’appétit reprennent le soir même.

La sortie d’hospitalisation a lieu 24 heures après l’intervention. Un traitement antibiotique (triméthoprime-sulfadiazine 30 mg/kg/12 h) et anti-inflammatoire (meloxicam 0,3 mg/kg/j) est mis en place pendant une semaine. Les points de suture cutanés sont retirés à 10 jours postopératoires.

Discussion

Peu de cas d’hydromètre ont été décrits, parfois associés à une torsion utérine. Cette affection paraît anecdotique par rapport à l’adénocarcinome utérin, qui représente l’affection utérine la plus fréquemment rencontrée dans cette espèce.

L’étiologie de l’hydromètre est mal connue, il semblerait qu’elle soit liée à une pseudogestation : à la suite d’un déclenchement accidentel de l’ovulation, la sécrétion endométriale serait stimulée par la progestérone et s’accumulerait dans l’utérus. Les signes cliniques habituellement associés à un hydromètre sont une anorexie, une distension abdominale et une tachypnée. À la ponction, le liquide est translucide, pauvre en cellules et aseptique.

Dans le cas présenté ici, il est supposé que la dilatation de la corne utérine droite par l’hydromètre a entraîné sa torsion, à l’origine des signes cliniques aigus.

Le traitement de choix est l’ovario-hystérectomie. Il s’agit d’une procédure simple réalisée en routine. Le contexte pathologique rend toutefois l’anesthésie et la chirurgie à risque. En effet, la distension utérine provoque une compression diaphragmatique pouvant évoluer en détresse respiratoire, ainsi qu’un déplacement des intestins à l’origine de troubles du transit digestif potentiellement mortels. Dans le cas d’une torsion, la compression vasculaire et l’éventuelle nécrose ou rupture de la paroi utérine obscurcissent le pronostic.

L’hospitalisation péri-opératoire est cruciale, en particulier la gestion de la douleur et la réalimentation précoce.

Gabrielle Ségalat Praticienne à la clinique vétérinaire des 1 000 Pattes à Neuville-aux-Bois (Loiret).

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