Thérapeutique anti-infectieuse aux urgences et en soins intensifs - La Semaine Vétérinaire n° 1755 du 15/03/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1755 du 15/03/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : LAURENT MASSON  

L’antibiothérapie en urgence et surtout en soins intensifs se limite majoritairement aux formes injectables intraveineuses. Les bactéries les plus agressives et antibiorésistantes sont souvent rencontrées en soins intensifs, provenant généralement des tractus digestif et génito-urinaire, et de l’arbre respiratoire. La majorité des germes pathogènes appartiennent à la flore saprophyte et/ou sont des agents nosocomiaux. Les bactéries les plus fréquentes sont Escherichia coli, Klebsiella pneumoniae, mais aussi Staphylococcus spp., les streptocoques β-hémolytiques, Pseudomonas aeruginosa, Enterococcus spp. et Pasteurella multocida. Il est donc primordial de réfléchir à l’usage des antibiotiques dans ce domaine, d’autant plus pour ceux classés comme critiques. Parallèlement, il convient de prévenir de façon optimale les maladies nosocomiales par un certain nombre de mesures (lavage des mains, gel hydro-alcoolique, matériel à usage unique, hygiène des cathéters et des sondes).

Comment identifier un sepsis ?

Un sepsis correspond à une défaillance d’organe(s) secondaire à une altération de la réponse de l’organisme à une infection, qui met en péril la vie du malade. Le choc septique associe une hypotension (pression artérielle moyenne inférieure à 65 mmHg) malgré la fluidothérapie et une lactatémie supérieure à 2 mmol/l. Le recours aux vasopresseurs s’impose. Chez l’homme, une antibiothérapie adaptée durant la première heure d’hypotension augmente la survie.

Comment utiliser les antibiotiques en situation d'urgence ?

Il faut agir vite (en moins de 1 heure), de façon raisonnée à partir d’une antibiothérapie probabiliste à une dose de charge, selon le contexte clinique, l’origine vraisemblable de l’infection et les traitements antérieurs. Un échantillon pour la mise en culture est prélevé avant l’instauration de l’antibiothérapie si cela ne la retarde pas. Dans le cas contraire, le prélèvement est réalisé après sa mise en place, une analyse bactériologique restant intéressante.

Comment réaliser une antibiothérapie ciblée ?

En situation critique, l’antibiotique de choix est bactéricide, disponible sous forme injectable, en dose de charge pour les molécules concentration-dépendantes (gentamicine, par exemple) ou en administrations multiples, voire en perfusion continue pour les molécules concentration-dépendantes (β-lactamines), avec une diffusion adéquate dans le tissu concerné, à large spectre initial (bactéries à Gram +, à Gram -, aérobies et anaérobies) et à faible toxicité. La monothérapie à large spectre est recommandée en première intention, jusqu’à ce qu’un germe spécifique soit isolé par une culture bactériologique. Une thérapie combinée est, en revanche, indiquée en présence de facteurs aggravants (neutropénie, bactérie multirésistante suspectée) et lorsqu’elle est justifiée par le résultat de l’antibiogramme. La synergie antibactérienne permet alors un élargissement du spectre (infections multi-agents). Par exemple, la synergie β-lactamines et aminosides présente une action comparable à celle des fluoroquinolones sur Enterococcus sp., Pseudomonas aeruginosa et les staphylocoques multirésistants grâce à une meilleure pénétration intracellulaire des molécules.

Les protocoles d’antibiothérapie sont-ils modifiés dans un contexte d’urgence ?

Les posologies sont généralement plus élevées dans un contexte d’hospitalisation (animal sous surveillance, perfusé) (tableau). Si la clairance d’un antibiotique temps-dépendant (rénale pour les antibiotiques hydrosolubles et hépatique pour les antibiotiques liposolubles) est en hausse, il faut accroître la fréquence d’administration. Il convient d’augmenter les doses lors d’œdème, de fluidothérapie ou d’épanchement pour les antibiotiques hydrosolubles (β-lactamines, aminosides). En cas d’hypovolémie, de déshydratation ou d’hémorragie, le volume circulant doit être rétabli.

Comment bien interpréter un examen bactériologique ?

L’isolement d’un germe ne signe pas toujours une infection. Il est nécessaire de le corréler au tableau clinique, à l’examen cytologique (cellules inflammatoires, germes intracellulaires), à l’imagerie. Une colonisation bactérienne est possible lors de sondage urinaire ou de ventilation mécanique (Pseudomonas).

Quand arrêter le traitement ?

Il est recommandé d’essayer de prescrire des antibiothérapies les plus courtes possibles. Une réévaluation est nécessaire au bout de 48 à 72 heures, afin d’envisager une désescalade, en revenant aux posologies habituelles. La médecine vétérinaire manque encore de données et de procédures en ce qui concerne la désescalade. En outre, elle n’est pas toujours bien comprise par les propriétaires. Pourtant, elle limite l’antibiorésistance. L’antibiothérapie peut être arrêtée entre le 5e et le 7e jour en cas d’amélioration clinique et d’analyses bactériologiques favorables.

Isabelle Goy-Thollot Diplomate ECVECC, praticienne au Siamu (VetAgro Sup). Article rédigé d’après une webconférence organisée par Vetoquinol en mai 2017.

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