L’appel de la mer - La Semaine Vétérinaire n° 1755 du 15/03/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1755 du 15/03/2018

FAUNE MARINE

ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON 

Le Réseau national échouages cherche à renforcer ses moyens pour déterminer les causes de mortalité des mammifères marins échoués morts sur les côtes françaises. Les vétérinaires, de par leurs compétences spécifiques, sont fortement invités à y participer.

Le Réseau national échouages (RNE) cherche des vétérinaires. Créé en 1972, il a pour mission d’assurer le suivi des populations de mammifères marins (cétacés, pinnipèdes) en France. Pour cela, il s’appuie sur un réseau de près de 450 correspondants bénévoles, répartis sur l’ensemble du territoire français, outre-mer inclus, et habilités à intervenir en cas d’échouage. S’inscrivant initialement dans une démarche naturaliste et d’écologie, le RNE cherche aujourd’hui à améliorer la détermination des causes de mortalité, incluant les causes pathologiques. « Pour ce faire, nous travaillons pour augmenter le niveau global de compétences des intervenants du réseau », explique Willy Dabin, en charge de l’animation du RNE et de la gestion opérationnelle des échouages pour le réseau. Ainsi, l’observatoire Pelagis1, une unité mixte de l’université de La Rochelle (Charente-Maritime) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), coordinateur scientifique et administratif, et animateur du RNE, est en train de structurer les protocoles d’examens à effectuer lors des échouages, à travers la publication de fiches techniques. « Nous avons déjà rédigé 11 fiches pour l’examen externe d’un animal, correspondant au niveau 1 du protocole, c’est-à-dire accessible à tous les correspondants habilités, souligne Willy Dabin. Un travail est en cours pour le niveau 2, qui correspond à des fiches d’examen interne, ainsi que pour le niveau 3, qui décrira une autopsie complète, et le nombre d’animaux à autopsier par façades et saison. » Pour ce dernier niveau, la compétence vétérinaire est obligatoire.

Des autopsies insuffisantes

« Historiquement, le réseau n’a pas été pensé dans un objectif d’épidémiosurveillance », précise Benjamin Guichard, chargé de mission mammifères marins-tortues marines, à l’Agence française pour la biodiversité. Avec, pour conséquence, un manque de connaissances des causes de mortalité. Depuis quelques années, l’idée est d’augmenter le nombre d’autopsies complètes, afin d’aboutir à un diagnostic précis, au lieu de caractériser des tendances comme c’est le cas actuellement. « Sans aller jusqu’à l’autopsie, le bénévole doit déjà réaliser un certain nombre de prélèvements ciblés, comme les dents pour déterminer l’âge de l’individu échoué, ou les gonades pour définir le statut reproducteur. Cela fournit des informations sur les individus échoués, mais pas forcément sur les causes de décès, souligne Laurent Soulier, vétérinaire et directeur de l’Institut des milieux aquatiques (IMA). De plus, si les captures accidentelles peuvent être des causes parfois évidentes de décès, il existe un grand nombre de cas où on ne dispose que d’orientations diagnostiques. » Cette évolution s’inscrit dans la directive-cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM)2, publiée le 17 juin 2008 par la Commission européenne. Ce « cadre d’action communautaire » vise à aboutir ou à maintenir un bon état écologique (BEE)3 du milieu marin d’ici 2020. Bien que le texte européen ne parle pas à proprement parler de détermination de causes des mortalités, il demande aux États membres de définir des objectifs environnementaux et des indicateurs pour « orienter les efforts en vue de parvenir à un BEE du milieu marin ». « La cause de mortalité est un paramètre qui nous sert comme indicateur de menace du milieu marin, explique Willy Dabin. Car il permet d’évaluer indirectement les causes de dégradation de l’environnement. Un environnement dégradé, c’est un mammifère marin plus sensible aux pathogènes. » À noter que des carcasses inexploitables, car contaminées ou en état de décomposition trop avancée, rendent impossible la détermination de la cause de mortalité.

Monter en compétences

Aujourd’hui, le RNE repose sur près de 450 correspondants bénévoles, dont moins d’une vingtaine sont des vétérinaires. Des profils qui manquent pour aller jusqu’au bout de l’examen d’un animal échoué mort. Ce dernier doit obligatoirement faire l’objet d’un examen scientifique, « afin de renseigner les indicateurs d’état des populations », dont le protocole est actuellement décrit dans un Guide des échouages de mammifères marins 4 qui avait été publié en 2015. Il inclut un examen externe (état de décomposition, détermination de l’espèce et du sexe, mesures biométriques), un examen des organes internes, et des prélèvements, afin de déterminer des paramètres écologiques (régime alimentaire, par exemple) ou démographiques (état reproducteur, notamment), mais aussi pour identifier les causes de mortalité.

En revanche, l’autopsie complète, qui décrit et analyse l’ensemble du tableau lésionnel pour aboutir à des hypothèses diagnostiques, nécessite des compétences en pathologie vétérinaire. « Améliorer le maillage vétérinaire n’est pas si facile, car cela implique d’être disponible immédiatement lors d’un échouage, une condition souvent incompatible avec le travail d’un vétérinaire libéral », souligne Laurent Soulier. Se pose aussi la question du dédommagement financier du vétérinaire. Plus que le praticien, c’est le profil de vétérinaire pathologiste qui est le plus activement recherché. « L’idée serait de construire, à l’image de ce qui existe en faune sauvage terrestre avec le réseau Sagir 5 , un réseau de laboratoires vétérinaires départementaux où seraient dirigés des animaux, examinés sur la base d’autopsies et d’échantillonnages calibrés, explique Willy Dabin. Les compétences spécifiques du vétérinaire pathologiste seraient un plus pour la détermination des causes de mortalité. »

Des contraintes logistiques et budgétaires

« Selon les communes, des locaux peuvent être mis à notre disposition pour réaliser des examens, des dissections ou des autopsies, explique Willy Dabin. En pratique, on se retrouve le plus souvent sur des aires de lavage, ou quelquefois dans des entrepôts. Le développement d’infrastructures dépend de la sensibilité des acteurs locaux. » En effet, la réglementation6 n’impose pas aux communes de disposer de locaux spécifiques. Elles n’ont l’obligation que de signaler au RNE tout mammifère marin échoué, d’assurer la sécurité et la salubrité publiques avant intervention (évacuation hors du domaine public ou installation d’un périmètre de sécurité sous la responsabilité de la commune ou de la préfecture) et après intervention du RNE (élimination par équarrissage sous la responsabilité de la commune ou de la préfecture). « Il faudrait installer des locaux dans des endroits stratégiques. Au Pays basque, nous avons déjà fait des propositions en ce sens à l’intercommunalité. Elles sont à l’étude et nécessitent des compléments, explique Laurent Soulier. Mais, en réalité, sans oublier le temps administratif, le vrai problème du littoral, c’est le foncier. »

Multiplier les autopsies nécessite également un budget supplémentaire, qui pourrait inclure la rémunération du vétérinaire. « Monter ce réseau implique de proposer au ministère de la Transition écologique et solidaire un plan de fonctionnement, le nombre d’autopsies voulues, ainsi que le coût estimé, précise Willy Dabin. Mais bien qu’il y ait toujours une limite budgétaire, la DCSMM nous permet d’avoir désormais des moyens supérieurs en matière d’examens et d’analyses. À nous d’inventer un dispositif raisonnable, mais bien structuré, qui pourra ensuite monter en puissance vers le protocole 3. »

1 bit.ly/2Iej9JT.

2 bit.ly/2Iejso1.

3 L’annexe I de la directive-cadre définit le bon état écologique, caractérisé, entre autres, par la conservation de la diversité biologique, l’abondance des éléments du réseau trophique marin, le bon niveau d’intégrité des fonds marins, etc.

4 bit.ly/2Ga7OtM.

5 Surveiller les maladies de la faune sauvage pour agir.

6 bit.ly/2Ht94HE.

QUE FAIRE FACE À UN ANIMAL ÉCHOUÉ ?


• Contacter d’urgence l’observatoire Pelagis au 05 46 44 99 10. Il est également possible d’appeler les autorités du littoral (pompiers, gendarmes, entre autres), qui connaissent la marche à suivre. Seule une personne possédant une carte verte, délivrée par l’observatoire Pelagis, est habilitée à intervenir sur un animal échoué.

• Ne pas s’approcher, compte tenu du risque potentiel de zoonoses.

• Ne pas manipuler un animal vivant pour éviter de le ou de se blesser. Éviter les attroupements. Ne pas tenter un renflouage. Du fait d’une grande sensibilité au stress, une intervention inadaptée pourrait précipiter la mort de l’animal.

OBTENIR LA CARTE VERTE POUR DEVENIR BÉNÉVOLE

Intervenir auprès d’espèces protégées nécessite l’obtention d’une carte verte. Dans le cadre du réseau national d’échouages, sa délivrance passe par une adhésion à la charte de fonctionnement général du réseau et le suivi d’une formation de trois jours, deux conditions obligatoirement précédées d’une participation à des actions sur le terrain avec un bénévole. La décision finale pour délivrer la carte incombe ensuite à un comité de pilotage se réunissant une fois par an. N’est pas bénévole qui veut…
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