Quel traitement pour le chien cardiaque asymptomatique ? - La Semaine Vétérinaire n° 1754 du 09/03/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1754 du 09/03/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS  

Le but du traitement d’un chien cardiaque asymptomatique est de retarder l’apparition de l’insuffisance cardiaque congestive (œdème aigu du poumon ou ascite), d’allonger sa durée de vie globale ou de repousser l’apparition de l’insuffisance circulatoire. Les recommandations diagnostiques ou thérapeutiques sont issues d’études dont il convient de mesurer le niveau de preuve et pour lesquelles le praticien doit être conscient des biais d’interprétation : dans les études portant sur des animaux symptomatiques, l’événement attendu, généralement la mort, survient à court ou moyen terme, sur une population majoritaire ; à l’inverse pour les études sur animaux asymptomatiques1, l’événement arrive à long terme, sur une population parfois minoritaire (tous les animaux de l’étude, susceptibles au départ de présenter une décompensation cardiaque, ne vont pas décompenser).

Lors de cardiomyopathie dilatée

L’administration de pimobendane permet de retarder (de 277 jours par rapport à un placebo) la décompensation congestive ou la mort subite pour plus de la moitié des dobermans qui ont une cardiomyopathie dilatée en phase occulte diagnostiquée par échocardiographie, mais ne diminue pas la probabilité de survenue de l’événement. L’augmentation de la survie globale est modérée, mais significative (157 jours). L’administration d’un inhibiteur de l'enzyme de conversion de l’angiotensine(IECA)peut être intéressante, mais est moins bien démontrée. L’intérêt du pimobendane sur l’irish wolfhound est prouvé, mais plus discutable : seul un tiers des animaux vont bénéficier du traitement, les autres ne décompensent pas. Il est, pour l’instant, impossible de statuer sur le bénéfice de l’association pimobendane-IECA. Il n’est pas non plus envisageable d’étendre ces informations aux autres races : rien ne permet de dire que les résultats de l’étude Protect2 (menée chez le doberman) sont extrapolables aux autres races, même si cela est fortement suspecté.

Lors de maladie valvulaire mitrale

L’administration de pimobendane permet de diminuer légèrement et de retarder nettement la décompensation congestive ou la mort subite pour un peu moins de la moitié des chiens de petite race qui ont une maladie valvulaire mitrale avec dilatation atriale et ventriculaire (diagnostic échographique et radiographique). Ce traitement permet aussi d’augmenter modestement la durée de survie globale. L’administration d’un IECA est plus discutable pour retarder la phase congestive ou la mort subite dans cette même population. Ces traitements sont bien supportés. Une augmentation de la durée de vie est suspectée, mais non suffisamment montrée pour les IECA.

Perspectives

Le consensus de l’American College of Veterinary Internal Medicine (Acvim) de 20093 va probablement être modifié dans le sens d'un élargissement des indications du pimobendane.L’âge des animaux est un élément déterminant de la mise en place du traitement : l’intérêt de celui-ci pour un animal âgé en stade B2 (présence d’une dilatation cavitaire secondaire à la maladie valvulaire mitrale, sans signe de congestion associé) est discutable.

Certains éléments restent à démontrer. Le suivi échographique pourrait être un outil de dépistage de décompensation chez les chiens asymptomatiques : une accélération de la dilatation cardiaque dans les 12 mois précédant la décompensation a été démontrée.

Peu de données sont publiées quant à l'effet sur la qualité de vie, notamment la fatigue à l’effort, de l’association pimobendane-IECA chez les animaux asymptomatiques ou les chiens de grandes races atteints de maladie valvulaire mitrale.

De nouvelles pistes s’orientent sur la cause de l’insuffisance mitrale où le rôle de la sérotonine est de plus en plus mis en avant : des inhibiteurs sérotoninergiques sont à l’étude et permettraient d’empêcher l’insuffisance de se développer. Des techniques de réparation de la valve mitrale sont envisagées, avec des limites majeures, comme le coût et la disponibilité des équipes et du matériel. Le cathétérisme interventionnel (intervention par l’apex cardiaque à cœur battant) permettant d’insérer une valve se déployant dans l’anneau mitral est en cours de développement. Ces techniques seraient probablement à réserver aux stades B2 chez des animaux très jeunes ou aux stades C débutants (insuffisance mitrale présente avec signes d’insuffisance cardiaque congestive).

1 Animal qui ne présente pas de signes de congestion ou de fatigabilité au repos ou à l’effort (hormis une fatigue explicable par une affection extracardiaque).

2 Summerfield N. J., Boswood A., O’Grady M.R. et coll. Efficacy of pimobendan in the prevention of congestive heart failure or sudden death in doberman pinschers with preclinical dilated cardiomyopathy (the Protect study). J. Vet. Intern. Med. 2012;26(6):1337-1349.

3 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1387 du 8/1/2010, page 28.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur bit.ly/2oLzGwD.

François Serres Spécialiste en médecine interne des animaux de compagnie (DESV), option cardiologie, praticien à Oncovet à Villeneuve-d’Ascq (Nord). Article rédigé d’après une présentation faite au congrès de l’Afvac 2016 à Lille (Nord).

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