Que pensez-vous du clonage de deux macaques par des chercheurs chinois ? - La Semaine Vétérinaire n° 1754 du 09/03/2018
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UN NON-SENS, SUR LE PLAN ÉTHIQUE ET SCIENTIFIQUE

Comme le dit Rabelais, « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » ! D’abord, parce que ces singes vont vivre enfermés dans une cage, dans un environnement appauvri, avec des problèmes de santé. N’oublions pas que la brebis Dolly a dû, pour ce motif, être euthanasiée à 6 ans… Issus d’œufs différents, ces singes clonés sont aussi moins identiques que des jumelles monozygotes. Et à leur naissance, ils ont l’âge biologique des cellules qui ont été utilisées pour les créer. Par ailleurs, ce clonage a lieu en Chine. En Europe, depuis plusieurs années déjà (ainsi que dans un communiqué de 2015 du National Institute of Health aux États-Unis), on considère que le chimpanzé n’est plus indispensable pour la recherche médicale. Bien qu’il soit notre plus proche cousin, éloigné de nous de seulement 5 millions d’années (contre 25 millions d’années pour les macaques). De plus, mes collègues vétérinaires savent qu’on ne va pas tester des médicaments destinés à des chevaux sur un perroquet. On ne devrait donc pas tester de médicaments destinés à l’homme sur des singes, puisque nous ne sommes pas des singes de 70 kg ! Ces chercheurs semblent ignorer la biologie évolutionnaire et la médecine personnalisée, telle que la pharmaco-ethnicité, pourtant des disciplines prometteuses en plein essor.

André Ménache

L’INTÉRÊT SCIENTIFIQUE D’UN TEL CLONAGE ME POSE QUESTION

La profession vétérinaire devrait débattre des interrogations qui découlent d’une telle pratique. Est-elle vraiment utile d’un point de vue scientifique ? Ce n’est pas parce que l’on est capable de réaliser une technique qu’il faut faire tout et n’importe quoi… Certaines pratiques devraient être rigoureusement encadrées. De plus, ne peut-on craindre une dérive vers du clonage humain ? Vraiment, cela m’interpelle. D’autant plus que, dans ma profession, j’ai l’impression de travailler un peu à l’inverse. En effet, pour une bonne conservation des espèces dans les zoos, comme il n’y a plus de prélèvement d’individus dans le milieu sauvage, les vétérinaires travaillent le brassage génétique, notamment via le plan d’élevage européen. C’est plus ou moins facile, selon les espèces. Par exemple, dans notre établissement, nous limitons le nombre de naissance de chimpanzés, car il existe un grand nombre d’individus vivants. Alors que les gorilles sont très difficiles à reproduire. Et, franchement, je n’aimerais pas non plus que des scientifiques s’emparent du clonage pour reproduire des animaux similaires, parmi les espèces menacées, comme chez les tigres… Enfin, d’un point de vue plus général, je ne suis pas vraiment favorable à l’expérimentation animale.

Jean-Christophe Gérard

SCIENTIFIQUEMENT IMPRESSIONNANT, HUMAINEMENT PERTURBANT !

Jusqu’à présent, le clonage ne marchait pas sur les primates. Ces chercheurs ont donc trouvé une nouvelle solution scientifique impressionnante pour permettre un développement jusqu’à terme. C’est une technique qui, certes, marche, mais qui est associée à de nombreuses pertes fœtales et néonatales. Pourrait-on tolérer des pertes similaires chez des femmes ? Car si ça fonctionne chez un primate, l’outil peut éventuellement être utilisé pour du clonage humain… Est-ce que la boîte de Pandore est ouverte ? Ces chercheurs disent développer ce clonage pour obtenir des modèles “macaques” de maladies humaines, en couplant cette technique avec l’édition de génome, qui permet de modifier un ou plusieurs gènes. En Europe, la réglementation limite très fortement l’expérimentation animale sur les primates. Personnellement, j’ai décidé de ne pas utiliser ces animaux, pour des raisons éthiques, en particulier parce que mon travail porte sur la gestation et que les bébés primates ressemblent bien trop aux nôtres ! Cependant, nous devons travailler sur d’autres modèles que celui des souris. C’est pourquoi des équipes développent ces approches sur des animaux domestiques (porcs, moutons, lapins) pour créer des modèles pour les maladies humaines.


Pascale Chavatte-Palmer
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