La SEL, structure d’exercice de référence des vétérinaires libéraux - La Semaine Vétérinaire n° 1754 du 09/03/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1754 du 09/03/2018

DÉCRYPTAGE

Auteur(s) : SERGE TROUILLET  

Les sociétés d’exercice libéral (SEL), en particulier celles à responsabilité limitée (SELARL) issues de la loi du 31 décembre 1990, sont aujourd’hui la forme de structure de regroupement de vétérinaires libéraux la plus répandue, en raison des nombreux avantages qu’elle offre au regard des autres formes juridiques. Les vétérinaires libéraux la considèrent comme la structure d’exercice de référence. Explications avec Emmanuel Duvilla, avocat à Lyon (Rhône), expert en droit des professions libérales.

L’évolution des modes d’exercice des vétérinaires reflète leur préférence marquée pour l’exploitation en société1. Si le mode d’exercice le plus classique et le plus ancien chez les vétérinaires demeure l’exercice individuel ou en nom propre, il est en recul constant. Tout comme sa variante, la société en participation, que l’on appelait auparavant société de fait (SDF), il est aujourd’hui moins adapté à l’évolution de la profession. À l’opposé, les sociétés commerciales de droit commun (SARL2 et SAS3, principalement), apparues en 2013, ne seront privilégiées que si l’organisation de réseaux devait émerger, avec la possibilité d’ouverture du capital jusqu’à 49,99 % à des associés totalement extérieurs à la profession (versus 25 % dans les SEL avant la loi Ddadue du 16 juillet 2013). Pour l’heure, pour un projet entre vétérinaires, les deux structures sociétaires d’exercice les plus répandues chez les vétérinaires sont la société d’exercice libéral (SEL) et la société civile professionnelle (SCP)4.

Les limites de la SCP

La SCP, issue de la loi de 1966, est une structure plus fermée que la SEL, et de moins en moins prisée par les vétérinaires libéraux, en raison notamment :

- de l’impossibilité d’avoir un seul associé et ainsi de pouvoir bénéficier du régime fiscal avantageux de l’impôt sur les sociétés (IS) ;

- de l’impossibilité de faire entrer au capital des professionnels non exerçants, des investisseurs ou encore une personne morale (type holding, SPFPL5) : les associés ne peuvent être que des personnes physiques exerçant leur activité professionnelle au sein de la société ;

- de l’obligation pour les associés de racheter les parts de celui qui veut se retirer de la société ;

- du principe “un homme = une voix”, alors que dans la SELARL6, les droits de vote sont proportionnels aux parts détenues dans le capital social ;

- de la responsabilité financière illimitée des associés exposant leur patrimoine personnel (alors que dans la SEL, elle est limitée au montant des apports en capital).

Ces restrictions expliquent que de nombreuses SCP, ces cinq dernières années, ont été transformées en SEL. Cet intérêt pour les SEL s’est d’ailleurs accentué ces dernières années, avec l’utilisation désormais possible, pour toutes les professions libérales réglementées, des holdings de professions libérales (SPFPL), lesquelles permettent d’optimiser de manière très significative le coût de rachat d’un cabinet libéral ou de son intégration dans une structure d’exercice.

Les avantages de la SEL

La SEL présente de nombreux avantages :

- une fiscalité attractive, qui permet de baisser sa fiscalité personnelle et ses cotisations sociales TNS7, en ne prélevant pas l’ensemble de son bénéfice professionnel si cela n’est pas nécessaire pour assurer son train de vie. À la différence d’un exercice en nom propre ou en SCP (à l’IR8) dans lequel tout le bénéfice est soumis à l’IR et aux charges sociales TNS, seule la rémunération prélevée par l’associé professionnel d’une SEL est soumise à l’IR et aux cotisations sociales TNS, ce qui permet d’optimiser sa fiscalité individuelle, en restant dans une tranche d’imposition sur le revenu plus faible ;

- l’augmentation de sa capacité d’autofinancement et la transformation de revenus professionnels en futurs gains en capital : en laissant en réserve des bénéfices (qui auront été seulement soumis à l’IS :15 % dans la limite de 38 120 € et 28 % pour la tranche comprise entre 38 120 € et 75 000 €, au lieu d’avoir à supporter de l’IR et des cotisations sociales TNS représentant entre 45 et 60 % de prélèvements) qui pourront être ensuite réinvestis (achat de locaux professionnels, voitures, matériel médical, etc.) ou conservés dans la société, augmentant ainsi à terme la valeur de la SEL (et donc celle de son outil de travail, qui pourra ultérieurement être revendu en tout ou partie à d’autres confrères), le régime de l’IS permet d’augmenter d’au moins 30 % sa capacité de financement d’actifs professionnels, de faire des réserves hors prélèvements fiscaux et sociaux et, par la suite, de réaliser des investissements professionnels beaucoup plus importants qu’en exercice individuel ;

- la maîtrise de sa rémunération en arbitrant entre rémunération et dividendes, étant précisé que grâce à la flat tax de 30 % (entrée en vigueur le 1er janvier 2018), il pourrait être plus avantageux sur le plan social, dans certains cas, de se verser des dividendes (assujettis aux prélèvements sociaux à 15,5 % au lieu des 30 % actuels de cotisations sociales TNS) plutôt que de la rémunération ;

- l’acquisition d’une patientèle par le biais d’un emprunt, rendue plus avantageuse grâce au régime de l’IS. En phase de remboursement, la différence de traitement fiscal et social avec le régime de l’IR est considérable. Dans ce dernier, le professionnel libéral paie de l’IR et des charges sociales sur les bénéfices servant à rembourser l’emprunt, alors que dans le cas de la SEL, les bénéfices non prélevés et consacrés au désendettement de la société ne supportent que l’IS au taux de 15 % sur la part inférieure à 38 120 € ;

- une occasion de motivation, de fidélisation de ses collaborateurs et remplaçants qui, grâce aux dividendes de la SEL, pourront être intéressés sur l’activité générée grâce à leurs interventions ;

- une possibilité d’amplifier le développement de son activité en intégrant des associés par le biais d’une transmission d’une partie de ses parts et en percevant en contrepartie un gain correspondant au prix des parts cédées ;

- la perception de liquidités (pour financer des investissements privés) en vendant sa patientèle à sa nouvelle SEL (refinancement de son outil de travail) ;

- la transmission en plusieurs fois de son cabinet à un ou plusieurs associés ;

- la réduction et la limitation du risque de litiges éventuels entre associés (en cas de séparation), à la différence du contrat d’exercice en commun (CEC) et de l’exercice en société de fait. Car dans la SEL, il est possible de mettre en place une réelle patrimonialisation de la patientèle, laquelle permet, en cas de retrait forcé ou volontaire d’un ou de plusieurs associés, ou encore de dissolution de la société, de récupérer son apport initial, en cas d’intégration de la SEL en cours de route. Et ce, par le biais de règles prévues à cet effet dans un pacte d’associés, et notamment par la mise en place d’un principe de fixation annuelle des parts de la SEL, limitant les risques de blocage en définissant en amont les principes d’indemnisation de l’associé sortant et de réinstallation.

1 Voir le hors-série n° 19 à La Semaine Vétérinaire n° 1735 du 13/10/2017.

2 Société à responsabilité limitée.

3 Société par actions simplifiée.

4 SEL : 62 % et SCP : 36,2 % (Atlas démographique 2017 de la profession vétérinaire).

5 Société de participations financières de professions libérales.

6 Société d’exercice libéral à responsabilité limitée.

7 Travailleur non salarié.

8 Impôt sur le revenu.

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