L’Académie vétérinaire fait le point sur l’influenza aviaire - La Semaine Vétérinaire n° 1754 du 09/03/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1754 du 09/03/2018

SÉANCE ACADÉMIQUE

ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON  

La séance du jeudi 1 er mars de l’Académie vétérinaire de France a été consacrée au virus de l’influenza aviaire. Au programme, notamment, un rappel des caractéristiques du virus, le rôle des oiseaux migrateurs dans l’introduction de la maladie et un retour d’expérience à la suite des deux épizooties qui ont touché la France.

L’Académie vétérinaire de France a souhaité consacrer sa séance du 1er mars au virus de l’influenza aviaire. Parmi les conférenciers du jour, Nicolas Eterradossi, vétérinaire et tout nouveau directeur du laboratoire de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) de Ploufragan-Plouzané (Côtes-d’Armor), a développé les points clés à retenir pour cette problématique, et notamment les leçons tirées des deux dernières épizooties ayant impacté la France.

Un virus caractérisé par deux glycoprotéines de surface

Les virus influenza sont des virus enveloppés à génome segmenté, composé de huit fragments indépendants d’ARN. Leur classification repose sur la caractérisation de deux antigènes de surface : l’hémagglutinine (H), au nombre de 16 types chez les oiseaux, et la neuraminidase (N), dont il existe 9 types. Pour aboutir à une particule virale infectieuse, et pouvoir ainsi rentrer dans une cellule, l’hémagglutinine doit être préalablement clivée par une protéase de l’hôte, retrouvée uniquement au niveau des muqueuses des sphères digestives et respiratoires, qui deviennent ainsi le siège de multiplication de la particule virale. La neuraminidase permet, quant à elle, la sortie du virus de la cellule infectée.

Un virus à forte capacité évolutive

Deux facteurs d’évolution sont bien identifiés pour le virus de l’influenza de type A : l’accumulation progressive de mutations, ainsi que le brassage génétique ou les réassortiments (particules virales filles issues de deux virions différents infectant une même cellule). De plus, les sous-types H5 et H7 peuvent fixer certaines mutations permettant un clivage de l’hémagglutinine par des protéases ubiquistes présentes dans tous les tissus de l’organisme. Avec pour conséquence des sites disséminés de multiplication virale, des défaillances multi-organes et des mortalités massives pour les souches les plus virulentes : c’est l’évolution des formes faiblement pathogènes vers les formes fortement pathogènes. À noter que les palmipèdes, en tant qu’hôtes normaux du virus, sont relativement résistants (infections inapparentes), y compris pour les formes hautement pathogènes.

Les oiseaux d’eau constituent le réservoir sauvage du virus

Plusieurs centaines d’espèces d’oiseaux sauvages ont été détectées comme étant porteuses du virus. Parmi les réservoirs naturels figurent les oiseaux de l’ordre des ansériformes (palmipèdes – cygnes, canards, oies), et des charadriiformes (limicoles, goélands), la plupart de ces espèces étant migratrices à longue distance. Bien que chacune suive son propre couloir migratoire, des échanges de virus sont possibles entre individus d’espèces différentes et semblables, lors des rassemblements prémigratoires (forte concentration animale), mais aussi en raison du regroupement des couloirs de migration, notamment dans l’hémisphère nord.

L’avifaune sauvage, source possible du virus pour le compartiment domestique

Face au risque d’introduction du virus influenza par l’avifaune sauvage, les autorités ont défini des zones écologiques à risque particulier1. Cela concerne des zones situées dans les couloirs migratoires, au niveau de zones humides et dans lesquelles la densité des élevages avicoles peut être élevée. À noter toutefois que l’introduction du virus peut également être liée à des mouvements non migratoires, notamment compte tenu de phénomènes climatiques locaux. Pour exemple, en 2005-2006, la poussée des oiseaux vers l’ouest de l’Europe était liée à une vague de froid. Même si les oiseaux sauvages jouent un rôle de vecteur initial, le conférencier considère que les élevages sont de véritables « caisses de résonance » permettant, à eux seuls, l’amplification d’une épizootie. De plus, le virus présente une résistance marquée dans l’environnement, ce qui conditionne la transmission virale. Il peut rester infectieux pendant plusieurs semaines dans les eaux de surface. Du virus hautement pathogène peut aussi être retrouvé dans les sédiments contenant des fientes d’oiseaux sauvages.

Les pratiques d’élevage conditionnent l’introduction du virus influenza

Dans les élevages commerciaux, caractérisés par des populations de volailles homogènes et une rotation rapide des animaux avec des bandes naïves qui se succèdent, le virus influenza peut trouver une population sensible, propice à son développement.

Dans le cas de l’élevage en plein air, certains facteurs comportementaux des oiseaux migrateurs expliquent les infections croisées avec les volailles domestiques. Au moment du décollage du point d’eau, les oiseaux de l’avifaune sauvage vidangent leurs intestins, les fientes pouvant alors contaminer les parcours de volailles situés à proximité. De plus, des expérimentations menées en Hollande ont pu montrer que des canards sauvages accédaient la nuit aux parcours extérieurs des volailles. Enfin, les systèmes de ramassage et de distribution peuvent poser question quant aux moyens disponibles pour éviter l’introduction du virus dans le compartiment domestique.

Les épizooties ont conduit à un renforcement de la biosécurité en élevage

En France, la première épizootie de l’hiver 2015-2016 n’était pas liée à une vague migratoire. Si la première détection virale avait mis au jour un virus H5N1 chez une poule de basse-cour, les autres élevages trouvés positifs dans la zone de surveillance avaient révélé un portage de multiples souches virales, avec des infections inapparentes chez les canards prélevés. Par la suite, des analyses phylogénétiques ont montré qu’une circulation virale inapparente avait eu lieu pendant près de deux ans avant la détection du premier cas. Cette crise avait amené à un arrêté2 renforçant les mesures de biosécurité en élevage. Pour autant, ce dernier n’a pas instauré de protocoles spécifiques de surveillance pour les animaux asymptomatiques. Malgré les efforts mis en place, la deuxième épizootie de l’hiver 2016-2017 a tout de même abouti à 485 foyers en élevage (contre 81 pour la première crise). Ici, deux fronts migrateurs ont permis l’introduction du virus, la dissémination massive de proche en proche étant liée à une problématique locale de confinement. Aujourd’hui, les nouvelles mesures exigent de prévoir des bâtiments pour confiner les animaux en période de risque élevé. De plus, un dépistage des lots de palmipèdes avant mouvement lors des périodes à risque est appliqué, afin de détecter les animaux excréteurs.

1 Zone écologique, appelée zone à risque particulier, dans laquelle la probabilité de l’infection de l’avifaune sauvage par un virus de l’influenza aviaire hautement pathogène est jugée plus élevée.

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C’EST QUOI, LA GRIPPE AVIAIRE ?

La grippe aviaire consiste en la transmission d’un virus influenza aviaire à l’homme, avec production d’un syndrome grippal. En France, aucun des virus analysés lors des épizooties ne portait des marqueurs zoonotiques pour l’homme.

TROIS POINTS CLÉS À CONTRÔLER EN ÉLEVAGE

- Éviter l’introduction du virus dans le compartiment domestique, via l’avifaune sauvage.
- Prévenir la circulation et le maintien du pathogène en élevage de volailles domestiques.
- Éviter toute contamination retour (réintroduction dans la faune sauvage).
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