Conscience animale : une réalité multiple - La Semaine Vétérinaire n° 1754 du 09/03/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1754 du 09/03/2018

DOSSIER

Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON 

L’Inra a fait le constat que la notion de conscience animale, trop souvent traitée uniquement par les philosophes ou les religions, est désormais importante. Le point.

À la demande de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), en 2015, un travail collectif pluridisciplinaire de 17 experts scientifiques français, coordonné par Pierre Le Neindre, a été réalisé pour étendre la synthèse faite en français en 2009 sur les douleurs animales à la question de la conscience animale. Ce travail, publié en mai 20171, a bénéficié d’un financement européen : Animal Health and Animal Welfare (AHAW) panel and unit of the European Food and Safety Authority (EFSA).

L’Inra a fait le constat que la notion de conscience animale, trop souvent traitée uniquement par les philosophes ou les religions, était désormais importante, parce que les médias, avec le succès de livres comme celui de Frans de Waal2, avaient donné accès à tout un chacun à des notions qui devaient être enfin clarifiées, notamment pour les animaux de rente.

Venant de disciplines aussi différentes que la philosophie, la biologie, la neurobiologie, les sciences sociales, l’éthologie, la médecine vétérinaire, la neurologie ou le droit, les experts ont d’abord rappelé l’évolution du concept de conscience animale depuis l’Antiquité et les interactions entre philosophie et religion, bien avant que les scientifiques n’abordent enfin sérieusement la question à partir de 1900, et véritablement depuis 2010.

Il est intéressant de constater que le Comité consultatif commun d’éthique pour la recherche agronomique 2007-2015 avait déjà acté que « reconnaître que l’animal est un être “sentient” implique qu’il est capable de penser, de ressentir des émotions et d’avoir la compétence d’évaluer les situations ».

Des compétences chez les animaux trop longtemps tues

La non-reconnaissance de la conscience animale en Europe pendant des siècles est finalement une question culturelle, car pour les Amérindiens et tous les peuples animistes, les animaux disposent d’une intériorité, d’une intentionnalité, tout comme nous.

Aristote fut un des premiers à souligner l’intelligence pratique des animaux et leur sagesse grâce à leurs capacités à se souvenir d’événements et à les anticiper.

Montaigne comme Charron ont reconnu l’intelligence animale, combattue par le philosophe et théologien Malebranche, défenseur de la théorie de l’animal-machine.

Lamarck, en 1809, établit une continuité mentale entre les espèces, reconnaissant aux animaux des sentiments, notamment celui de leur propre existence. L’intelligence animale fait l’objet d’un ouvrage de Romanes, en 1883, suivi par celui de Morgan, en 1898, sur la conscience. Griffin, en 1976, persiste en précisant que pour exister la conscience animale n’a pas besoin de ressembler à la nôtre.

Puis Damasio va définir les trois degrés de la conscience : l’homéostasie, qui permet à chaque être vivant de se situer à chaque instant, la conscience du corps par rapport à un tiers (être ou objet) et la conscience autobiographique, qui permet de se définir en matière d’identité, notamment par l’utilisation du langage. La conscience est aussi l’ensemble des éléments sur lesquels, à un instant T, nous focalisons notre attention (Metzinger) et notre appréciation de la situation (Dennett).

La conscience est donc un état multidimensionnel – je suis, je fais, et je sais que je fais ceci – pour lequel l’utilisation du langage n’est pas un prérequis (Damasio).

Cerveau et conscience

La conscience humaine est une notion individuelle et liée à son propre vécu, qui n’a longtemps été qu’une question humaine, dont elle fut longtemps une prérogative, définie par Searle, en 1995, comme un état de “sentience” et de perception qui commencent dès que nous nous éveillons jusqu’à ce que nous dormions à nouveau, ou tombions dans le coma, la mort qui nous rend inconscients.

Ces états nécessitent chez l’homme l’activation, entre autres, du cortex cérébral et de la formation réticulée, sans qu’on puisse pour autant définir un centre de la conscience. Il y a une corrélation entre l’activation d’éléments neurologiques et de fonctions cognitives, mises en évidence avec les moyens d’imagerie actuels. Les études se sont beaucoup intéressées aux états d’absence de conscience (anesthésie, coma) pour les comparer à ceux de la vigilance, de l’attention en pleine conscience ou non, évalués par les sujets eux-mêmes, verbalement ou quantitativement. Ce n’est que depuis peu qu’on s’en remet à l’imagerie, ou à des éléments comportementaux (mouvements des yeux, diamètre pupillaire), qui restent chez l’enfant, les patients non-verbaux et les animaux, les seules méthodes pertinentes.

Éléments de conscience animale

Les publications des connaissances comportementales et neurophysiologiques étant encore trop peu nombreuses dans le domaine des animaux de production, l’étude bibliographique en matière de conscience animale s’est élargie aux animaux sauvages, animaux de laboratoires, et aux invertébrés comme les abeilles.

Elle a porté sur les émotions, la métacognition, la mémoire épisodique, les comportements sociaux et les relations homme-animal.

Il a été démontré que les moutons non seulement exprimaient des émotions, mais les ressentaient (peur, colère, ennui, désespoir, joie). Les émotions négatives altèrent leur niveau cognitif, en perturbant leur niveau d’attention, leur évaluation correcte des situations. Ils ont également des attentes, font preuve d’anticipation, attestant de compétences cognitives notables avec des représentations mentales de ce qui va arriver.

La conscience autonoétique, socle de la mémoire épisodique, qui permet au sujet de se souvenir et de voyager dans le temps, est présente chez certains animaux (les abeilles, les oiseaux et les mammifères). Ils sont capables de faire des plans sur le futur, en matière d’alimentation ou de reproduction.

La notion d’empathie et de contagion émotionnelle chez les animaux, qu’elle soit négative lors de peur ou positive lors de la joie de jouer ensemble, par exemple, est démontrée. Le ressenti de ces émotions implique l’utilisation de la conscience.

L’évaluation de la métacognition (capacité à moduler ses processus mentaux) chez l’animal pose un véritable défi, puisque les animaux n’utilisent pas le langage humain. Elle a cependant été clairement validée chez les rongeurs, les primates, les corvidés et les pigeons. Si elle n’a pas été encore établie chez les animaux de ferme, ils disposent néanmoins de tous les éléments neurobiologiques pour en être capables.

Conscience de groupe pour l’individu

En matière de comportements sociaux, les récentes études ont montré que les moutons préfèrent les troupeaux composés d’individus familiers, avec lesquels ils développent des relations durables. La notion de moutons de Panurge a vécu, il faut désormais envisager un troupeau comme une association d’individualités. Même chez les poissons, en présence d’un prédateur, l’individu rejoint le groupe, en préférant celui où se trouvent des congénères familiers ou génétiquement proches. La cohésion des groupes n’est possible que par la reconnaissance des individus (jusqu’à 50 pour le mouton) olfactive, visuelle et comportementale, impliquant la cognition, tout comme les phénomènes de socialisation lors de l’attachement entre le petit et sa mère, point sur lequel le rapport de l’Inra ne s’attarde pas, en matière de souffrance lors de la séparation entre le veau et la vache.

En présence d’une poule, un coq va vocaliser quand il trouve de la nourriture ; ce qu’il s’abstiendra de faire en présence d’un autre coq. Il se comporte donc différemment en fonction de ce que l’autre voit, entend ou même “sait”. Dans bien des situations, souligne cette étude, la « théorie de l’esprit »– avoir une idée ou la compréhension de ce que l’autre sait – s’applique aux animaux.

C’est avec l’empathie que la notion de conscience de l’autre trouve sa démonstration, car porter assistance à un tiers fait partie des comportements de certains animaux, et est loin d’être anecdotique. L’empathie chez l’animal témoigne de la « conscience pour eux des enjeux sociaux majeurs ».

Des structures similaires pour la conscience

La conscience n’est jamais le cœur des recherches en matière de relations homme-animal. Elle est pourtant sous-tendue implicitement avec le comportement de pointage (du regard de l’humain) que le chien suit. De même que le comportement d’un chien d’assistance prouve qu’il a parfaitement conscience des besoins de son maître, voire qu’il les anticipe.

La conscience est aujourd’hui une capacité multidimensionnelle, qui repose sur différents composants neuro-anatomiques (cerveau antérieur et aires sous-corticales pour les vertébrés, pallium pour les oiseaux, sans exclure des structures différentes chez les invertébrés) et qui ne se limite pas à la possibilité de raconter qui on est, même si les niveaux de conscience sont divers chez les êtres vivants.

Chez les oiseaux, aux performances cognitives remarquables, des structures similaires au néocortex assurent la perception et l’intégration émotionnelle consciente de la douleur. Chez les poissons, des formes de perception consciente existent également, avec des modes de transmissions des informations sophistiqués.

La nociception est attestée chez les invertébrés, s’accompagnant de réflexes de retrait rapides, sans qu’on puisse vérifier qu’ils ressentent la douleur.

Les abeilles sont capables de compétences cognitives, dont l’apprentissage conceptuel (une récompense est associée à un stimulus, puis à un symbole comme un chiffre). Et même chez les insectes, la connaissance actuelle n’exclut pas la possibilité d’une expérience subjective. Laquelle est la base d’un stade primaire de conscience.

Douleur en pleine conscience

C’est dans la composante émotionnelle de la douleur que la notion de conscience est importante chez l’animal. Le mouton est ainsi capable de se souvenir plus longtemps du visage ou du vêtement de la personne qui lui a fait mal que de celle avec laquelle l’interaction a été positive. Le contexte émotionnel est donc intégré à la mémoire et à la réorganisation relationnelle. Le rapport de l’Inra conclut que, plutôt que de rejeter l’existence de conscience chez les animaux, il est prudent de ne pas l’exclure, notamment dans les manipulations, l’expérimentation animale et toutes les relations homme-animal.

Le rapport précise que, la perception de la douleur chez l’animal est consciente. Mais il ne répond pas au questionnement éthique de la conscience de l’imminence de la mort lors de l’abattage. Factuel, le document précise comment les différentes méthodes d’étourdissement (mécanique, électrique, gazeux) perturbent profondément le fonctionnement du cerveau, permettant l’inconscience.

La conscience de soi-même pose la question morale de la dignité de la personne, humaine et non-humaine, de sa vulnérabilité, de son intégrité. Même si les animaux ne peuvent donner leur consentement éclairé, ils peuvent ressentir un intérêt à ce que leur intégrité soit préservée, comme composante de leur bien-être. Toutes les mutilations et l’encadrement de leurs comportements sociaux et reproducteurs sont donc des atteintes à leur intégrité. Ce travail de synthèse donne les bases scientifiques de la conscience animale, qui sont essentielles pour mieux comprendre l’impact de la douleur, du stress, de la souffrance des espèces élevées pour la consommation humaine, afin d’améliorer leur bien-être et de répondre aux questionnements éthiques et moraux qui s’ouvrent pour les relations entre l’homme et les animaux.

1 bit.ly/2CPyk8t.

2 Sommes-nous trop “bêtes” pour comprendre l’intelligence des animaux ? (éditions Les Liens qui libèrent, 2016).

“SENTIENCE”, UN MOT PLEIN DE SENS

Si le mot “sentience” est employé largement, tout autant qu’il est défini, dans cette remarquable synthèse en langue anglaise, il faut souligner que l’expression “être sensible” n’est pas du tout synonyme d’“être sentient”, le terme sous lequel sont reconnus les animaux dans les règlements européens.
La “sentience” est une notion protéiforme, pour laquelle aucun consensus de définition n’existe, selon ce rapport. C’est une forme de conscience, qui doit être accordée au bénéfice du doute aux animaux. Chez les animaux de production, où elle est attestée, elle ouvre un questionnement éthique, en matière de bien-être, non seulement pour limiter la souffrance, mais pour améliorer la joie de vivre, ainsi que pour prendre en compte leurs volontés, buts, intentions, désirs et préférences, bref tout ce qui fait le sel de la vie, son intérêt.
L’absence de “sentience” (chez le tout jeune enfant, le patient atteint de la maladie d’Alzheimer, le vieillard sénile) ne prive pas les sujets d’une reconnaissance morale et du respect qui leur est dû.
La capacité à se projeter dans le futur, en ayant conscience du temps, affecte la qualité de vie des êtres “sentients”. C’est particulièrement vrai avec la peur de sa propre mort, comme la ressentent les animaux de production, la représentation mentale du temps pouvant apporter le pire et le meilleur.
La “sentience” est une compétence commune aux humains et aux animaux, qui précède les caractéristiques qui nous distinguent les uns des autres (comme le langage, la raison, la symbolique, la pensée, etc.).
Pour Don Broom, cosignataire en 2012 de la Déclaration de Cambridge sur la conscience, la “sentience” permet :
- d’évaluer les actions des autres en relation avec les siennes et de tiers,
- de se souvenir de ses actions et de leurs conséquences,
- d’en évaluer les risques et les bénéfices,
- de ressentir des sentiments,
- d’avoir un degré variable de conscience.

PIERRE LE NEINDRE : « MONTRER L’IMPORTANCE DE LA CONSCIENCE LORS DE PRISE DE DÉCISION DE L’ANIMAL »

Pierre Le Neindre, docteur en éthologie et chercheur à l’Inra, a coordonné le travail mené par les 17 experts pour ce rapport sur la conscience animale. Il explique les choix opérés. Tous les experts du rapport sont français. Était-ce un prérequis ? Le nom de Donald Broom – qui fut dans le comité Brambell, a écrit de nombreux articles sur la “sentience” animale et fait autorité en la matière – n’est pas mentionné. Pour quelle raison ?
Dans ce type d’expertise, la nationalité française n’est pas un prérequis. En revanche, pour ce travail qui portait beaucoup sur une réflexion sur les mots, nous avons souhaité que les experts maîtrisent le français. Vous pourrez trouver sur le site internet de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) des exemples d’expertises qui ont impliqué des chercheurs étrangers. Le fait est que nous n’avons pas pu mobiliser des chercheurs étrangers francophones.

Le mot “sentience”, qui est très riche de sens, est largement utilisé dans le document. Cependant, vous l’employez, en page 11, comme synonyme d’“être sensible”1…Est-ce que l’Inra va utiliser le mot “sentience” pleinement désormais en français, avec toute la richesse des compétences qui y sont liées ?
Le cadre épistémologique était effectivement particulièrement important dans cette expertise, c’est pourquoi nous nous sommes efforcés de travailler sur cette question dans le premier chapitre.
Pour mener à bien ce travail, il nous a fallu faire des choix.
Le premier porte, comme vous le soulignez, sur les mots. Nous avons, lors de l’analyse de la littérature, trouvé une multitude de termes anglais pour décrire ce sur quoi nous souhaitions travailler. L’expression la plus savoureuse est “unconscious consciousness”, qui dénote bien à la fois la difficulté d’utiliser des concepts déjà très abstraits chez l’homme et celle de la traduction ! Nous avons, bien sûr, connaissance des travaux de Don Broom qui ont été très importants au cours des dernières années pour définir le concept de bien-être animal. Cependant, nous avons choisi de limiter notre analyse sur uniquement quelques mots, les deux principaux étant “sensibilité” et “conscience”. Le “bien-être” est à mon avis une autre question, même si elle est liée à la première.
Concernant le terme de “sentience”, nous ne l’avons pas retenu, car :
- l’analyse de la littérature fait apparaître une polysémie redoutable. De fait, nous avons trouvé que la définition de “sentience” proposée par Don Broom recouvre assez précisément ce que nous nommons “conscience” et que nous pouvions faire dans notre texte l’économie de ce mot nouveau, même si la mode est de l’utiliser. Cette analyse devrait être développée plus avant dans un texte qui va être publié prochainement par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) ;
- il nous a semblé que les textes de Don Broom – que je connais très bien par ailleurs, depuis fort longtemps et dont j’apprécie les qualités – n’étaient pas particulièrement éclairants dans le domaine de la conscience ;
- les traductions multiples rendent l’analyse encore plus difficile. Ainsi, il me semble que la traduction “d’animal être sensible” par “animal sentience” est fautive.
Le second choix concerne la démarche pour mettre en évidence les phénomènes. Les ouvrages traitant de l’“intelligence” des animaux fourmillent d’anecdotes intéressantes, mais, en contrepartie du manque de rigueur méthodologique, elles ont desservi la mise en évidence des phénomènes étudiés. L’application d’une démarche scientifique, avec des hypothèses définies a priori et testées par des outils clairs, était indispensable pour avancer dans le domaine et limiter ainsi la foule des critiques qui ne manquent pas, à savoir :
- tous les mots ont été forgés par l’homme pour l’homme. Ils sont anthropomorphiques et ne sont pas valides pour appréhender les processus mentaux des animaux ;
- l’univers mental d’un individu ne peut être dévoilé que par le langage verbal propre aux humains.
Le troisième choix porte sur les exemples que nous avons retenus. Nous soulignons dans notre document que nous ne couvrons pas toute la littérature, mais que nous avons sciemment choisi de mettre en exergue certains exemples qui nous paraissent de nature à expliciter l’analyse de la majorité des concepts utilisés dans le domaine. Enfin, notre analyse a porté sur la mise en évidence d’une forme de conscience et pas de façon générale sur l’univers sensoriel des animaux et sur leurs capacités cognitives.
De fait, nous nous sommes efforcés de retenir plutôt des exemples portant sur des espèces “ordinaires”, en dehors des grands singes et de quelques psittacidés. Nous avons ainsi exploité la littérature portant sur les animaux d’élevage (porcs, gallinacés, ovins), dont on souligne rarement les compétences en matière de conscience, et sur quelques autres espèces d’oiseaux. Les illustrations que nous rapportons montrent que la conscience, telle que nous la définissons, peut être révélée même dans ces espèces. La nature consciente de ces animaux ressort plus particulièrement dans certaines situations telles que le comportement de cache ou les interactions sociales. Cela ne signifie pas qu’elle n’est pas mise en œuvre par ailleurs, mais qu’elle peut être alors confondue avec des aptitudes plus “programmées” ou “innées”.
Notre objectif était de montrer, au moyen d’exemples emblématiques, l’importance de la conscience lors de choix ou de prise de décision de l’animal.

Une notion intéressante est apparue récemment, chez le chien du moins, avec le miroir olfactif (publication de l’été dernier). Chez le chat, la notion de permanence de l’objet est parfaitement acquise, dès le jeune âge. Vous n’évoquez pas la notion de culture chez les dauphins ou de transmission d’informations dans les troupeaux de bovins…
Comme vous le relevez et pour les raisons indiquées précédemment, pour produire un texte compréhensible, nous n’avons pas traité tous les exemples possibles. Vous citez notamment la permanence de l’objet et la conscience de soi, révélée en particulier par le test du miroir. Il y a d’autres exemples que nous avons évalués, mais qui n’ont pas été retenus, car trop spécifiques de certaines espèces (grands singes, psittacidés, corvidés), entre autres : l’utilisation d’outils, l’existence de compétences pratiquement langagières chez les cétacés, les psittacidés et les grands singes, ou encore la transmission culturelle.

Pourquoi ne pas s’être interrogé sur la conscience de l’imminence de la mort ? Et des messages de peur libérés par les phéromones d’alarme (solubles dans l’eau) ? Avoir conscience de soi est un point, avoir conscience qu’on va mourir est aussi intéressant. Tous les cliniciens ou praticiens des animaux (vétérinaires, agents animaliers, techniciens d’abattoir) sont formels, les animaux savent. La question de l’expérience clinique versus la recherche fondamentale semble importante.
Les travaux qui révèlent l’existence de signaux olfactifs, comme les phéromones d’alarme, n’ont pas été retenus, car ils relèvent plus de l’analyse des compétences perceptives que de l’analyse de la conscience.
Enfin, nous n’avons pas trouvé dans la littérature scientifique à notre disposition d’éléments sur ce que vous appelez « la conscience de l’imminence de la mort ».
Nous n’avons pas limité notre analyse et cités des travaux portant, par exemple, dans le contexte des relations entre l’homme et l’animal, sur les chevaux (effet “Clever Hans”) et sur les chiens.
Comme vous l’aurez compris nous voulions faire émerger la complexité et la richesse des compétences animales qui sont à placer sur le compte de la “conscience”, que nous décrivons non pas comme un phénomène binaire (oui/non), mais comme un bouquet de compétences impliquant un traitement par le cerveau du fonctionnement propre à l’individu. Le fait de le montrer dans certaines espèces et environnements ne dénie pas son existence chez d’autres espèces et dans d’autres environnements.
Nous sommes bien d’accord qu’il reste beaucoup de travail à faire et nous proposons en conclusion une analyse des pistes de recherche sur la conscience chez les animaux, qui pourraient être développées dans l’avenir. Nous nous sommes employés à révéler une partie du paysage avec les outils et concepts dont nous disposions, sans prétendre avoir tout résolu, mais plutôt en proposant quelques conclusions et des pistes de réflexion pour l’avenir.

1 « A new development is that the French civil code was modified in February 2015. The legislators introduced the wording “animal sentience” (Legifrance, 2015). »

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