Les polyarthrites félines : description et prise en charge - La Semaine Vétérinaire n° 1753 du 24/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1753 du 24/02/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS 

Une polyarthrite est une inflammation simultanée de plusieurs articulations, d’origine immunitaire ou septique, syndrome relativement fréquent chez le chien, beaucoup plus rare chez le chat.

Classification


• Polyarthrites immunitaires

Ces polyarthrites sont la conséquence d’une hypersensibilité de type III avec la formation de complexes immuns in situ ou de dépôt intra-articulaire de complexes immuns formés dans le secteur vasculaire.

Polyarthrites immunitaires non érosives

- Les polyarthrites réactionnelles proviennent d’un processus immunitaire secondaire à une stimulation antigénique, soit infectieuse (foyer septique localisé ou maladie systémique : rétroviroses, PIF1, bartonellose, toxoplasmose, babésioses et autres maladies vectorielles, ehrlichiose, borréliose, dont l’importance clinique est assez peu caractérisée chez le chat), soit néoplasique (syndrome myéloprolifératif, essentiellement hémopathies), soit digestive (origine contestée chez le chat).

- Les polyarthrites auto-immunes regroupent la polyarthrite idiopathique et la polyarthrite associée au lupus systémique. Celle-ci est très rare chez le chat : le lupus est également caractérisé par des lésions cutanées relativement fréquentes, de l’anémie hémolytique, une thrombopénie, une hyperthermie inconstante, des signes neurologiques. Le syndrome polyarthrite-méningite décrit chez le chien, notamment chez le bouvier bernois, est anecdotique chez le chat.

Polyarthrites immunitaires érosives

- La polyarthrite périostée proliférative, forme la plus commune chez le chat, est caractérisée par des proliférations nettes menant à une ankylose articulaire, fréquemment associées à une tuméfaction des tissus mous périarticulaires. Une lyse de l’os sous-chondral est parfois présente. L’affection semble concerner davantage les chats mâles et jeunes (1 à 5 ans). Le lien émis dans les années 1990 sur des populations fortement viropositives, entre polyarthrite périostée et co-infections virales (FeLV, FIV2, virus syncytial), ne semble pas établi aujourd’hui.

- La polyarthrite rhumatoïde, plus rarement décrite chez le chat, est caractérisée par des destructions à l’emporte-pièce de l’os sous-chondral pouvant mener à un collapsus articulaire complet, une instabilité ou des déviations. La prolifération périostée est relativement légère.

Une étude de 20053 sur 12 chats atteints de polyarthrite rhumatoïde rapporte une prédisposition raciale assez nette pour le siamois. L’âge moyen est relativement large (2,5 à 10 ans), le titre en facteur rhumatoïde est élevé dans 10 cas sur 12. Ces chats ne présentaient pas d’infection concomitante (FIV, FeLV, PIF).


Polyarthrites septiques

Une polyarthrite est dite septique si l’agent infectieux peut être mis en évidence dans le tissu articulaire. Les images radiographiques ne sont pas spécifiques (aspect érosif ou non) et ne permettent pas de trancher entre une origine immunitaire et septique.

Les agents, disséminés par voie hématogène, sont des bactéries conventionnelles et des germes plus particuliers : mycoplasmes, bactéries de forme L, certains champignons et calicivirus.

Les bactéries conventionnelles articulaires (streptocoques et pasteurelles, principalement) sont issues d’un foyer septique situé à distance (pyélonéphrite, pneumonie, endocardite, etc.). La polyarthrite à mycoplasmes (Mycoplasma felis, M. gatea) est une particularité de l’espèce féline. Le foyer primaire est le plus souvent respiratoire, conjonctival ou éventuellement urogénital. La polyarthrite à bactéries de forme L est décrite dans une série de trois cas (1989) chez des chats qui présentaient des abcès sous-cutanés4.

Le syndrome polyarthrite peut faire suite à une infection naturelle par le calicivirus ou à une vaccination avec un vaccin vivant atténué, chez de très jeunes chats. En parallèle du syndrome polyarthrite sont présents les signes classiques d’une infection à calicivirus (ulcères buccaux, conjonctivite, hyperthermie, raideur, boiterie). La résolution est spontanée en quelques jours, indépendamment de tout traitement. Il s’agit réellement d’une forme septique, puisque le calicivirus a été isolé dans les articulations.

Démarche diagnostique

Un syndrome polyarthrite est suspecté en présence d’un syndrome fébrile, de difficultés locomotrices, d’une démarche raide et hésitante. La boiterie est cependant loin d’être systématique et le motif de consultation parfois assez atypique (diminution d’activité, malpropreté, etc.).

Les signes cliniques siègent sur les articulations distales, carpes, tarses et genoux : douleur à la manipulation, distension articulaire, chaleur, puis ankylose, luxation et déformations articulaires dans les formes avancées.

L’arthrocentèse permet de prélever du liquide articulaire et de confirmer le diagnostic. Elle intéresse plusieurs articulations distales, sous anesthésie chez le chat et en technique aseptique. Un liquide synovial normal est peu abondant, clair, très visqueux et peu cellulaire (essentiellement des macrophages et des PNN5 < 10 %). En cas d’inflammation, le liquide synovial est trouble, moins visqueux et souvent plus abondant, le taux de PNN dépasse les 10 %. Le liquide synovial permet de rechercher le caractère septique : cytologie, bactériologie, PCR6 (mycoplasmes, calicivirus).

La radiographie permet de visualiser si la forme est érosive ou non, les changements sont parfois relativement subtils.

Étiologie

La recherche étiologique est une phase lourde et complexe si elle se veut exhaustive. Après les analyses de première intention (biochimie, numération et formule sanguines, ECBU7), l’imagerie a sa place (radiographies thoraciques et abdominales, échographie abdominale, échocardiographie), afin de détecter un foyer infectieux ou néoplasique primaire. Contrôler l’existence d’une rétrovirose paraît un minimum, mais il est difficile de savoir quelles maladies systémiques rechercher en routine. Le myélogramme permet la recherche d’une hémopathie maligne ; les tests sérologiques (anticorps antinucléaires, facteurs rhumatoïdes) sont à envisager au cas par cas.

Traitement

- Une polyarthrite septique, après identification du germe, est gérée par une antibiothérapie adaptée et prolongée. Le foyer initial est traité si besoin (drainage d’abcès). Les polyarthrites à mycoplasmes et bactéries de forme L répondent à l’administration de tétracyclines (doxycycline). Les polyarthrites à calicivirus se résolvent spontanément, un traitement symptomatique d’AINS8 peut être entrepris.

- Le traitement des polyarthrites immunitaires est plus compliqué. Le plus efficace pour les formes réactionnelles est celui de la cause sous-jacente. Le traitement immunosuppresseur n’est pas envisagé en première intention. Pour les formes auto-immunes, le traitement proposé est le même, pour les formes érosives ou non : corticothérapie (prednisolone 2 mg/kg/j), parfois associée à la ciclosporine ou au chlorambucil. Cependant, lors de polyarthrite auto-immune non érosive, le pronostic est bon et la réponse clinique est généralement bonne, malgré un risque de récidive lors du sevrage du traitement. Pour les formes érosives, la réponse thérapeutique est partielle et transitoire, avec un pronostic différent. Pour la forme rhumatoïde, l’étude de 2005 rapporte une amélioration clinique et radiographique avec l’association de méthotrexate et de léflunomide.

1 Péritonite infectieuse féline.

2 Virus de la leucose féline et de l’immunodéficience féline.

3 Hanna F.Y. Disease modifying treatment for feline rheumatoid arthritis. Vet. Comp. Orthop. Traumatol. 2005;18:94-99.

4 Carro T., Pedersen N.C., Beaman B.L., Munn R. Subcutaneous abscesses and arthritis caused by a probable bacterial L-form in cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1989;194:1583-1588.

5 Polynucléaires neutrophiles.

6 Polymerase chain reaction.

7 Examen cytobactériologique des urines.

8 Anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur bit.ly/2t4Uunu

Yannick Bongrand Diplomate Acvim, service de médecine interne, clinique vétérinaire Alliance, Bordeaux (Gironde). Article rédigé d’après une présentation faite au congrès de l’Afvac 2016.

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