La qualité de l’eau en élevage porcin - La Semaine Vétérinaire n° 1753 du 24/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1753 du 24/02/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : TANIT HALFON 

Lors du congrès de l’Association française de médecine vétérinaire porcine 2017, Anne Hémonic, vétérinaire à l’Ifip, Institut du porc, a présenté son retour d’expérience sur les formations et les audits réalisés en 2017 par l’institut sur la qualité de l’eau en élevage porcin. Comme elle l’a rappelé, l’eau d’abreuvement est un facteur essentiel de la biosécurité. Sa contamination favorise la diffusion d’agents pathogènes. De plus, la présence d’éléments interférents comme le fer, le manganèse ou le calcium peut diminuer la solubilité de certains médicaments, induire un échec de l’action désinfectante de la chloration et favoriser le dépôt de biofilms hébergeant des germes.

Bien prélever pour contrôler la qualité bactériologique

Pour éviter toute déviance, notamment bactériologique, de la qualité de l’eau, l’idéal est de réaliser des analyses deux fois par an, à raison d’une première à date fixe et d’une deuxième lors d’épisodes sanitaires particuliers ou de périodes à risque (conditions météorologiques changeantes, pics de consommation de l’eau, fin de bidon ou de bac de chlore). L’eau prélevée doit être représentative de celle réellement consommée. Il est donc nécessaire de la récupérer à l’intérieur des salles, au niveau de vannes de purge que l’éleveur aurait installées ou en démontant un raccord sur une descente vers un abreuvoir. Cibler les secteurs d’élevage présentant une fragilité sanitaire est recommandé. Dans certains cas, des prélèvements pourront être réalisés dans plusieurs zones sensibles de l’élevage. Le lavage des mains, le port de gants jetables, la purge rapide1 de l’eau stagnante et la désinfection de la vanne ou du robinet à l’aide d’un essuie-tout imbibé d’un désinfectant de l’élevage2 assurent un prélèvement correct.

Enfin, il est primordial d’éviter toute trace de résidus de désinfectant dans les flacons (chlore, peroxyde d’hydrogène), au risque de fausser les analyses. Pour ce faire, les récipients fournis par les laboratoires contiennent du thiosulfate de sodium, souvent suffisant pour neutraliser le chlore, voire une partie du peroxyde d’hydrogène. Si besoin, un test simple de l’eau avec une bandelette colorée “peroxyde d’hydrogène” pourra exclure les récipients ayant des résidus de ce désinfectant dans les élevages qui l’emploient. Le prélèvement est à adresser rapidement au laboratoire, sous couvert du froid.

Analyser les critères microbiologiques de la potabilité

Bien qu’il n’y ait aucune obligation réglementaire à distribuer une eau de qualité potable aux porcs, la conférencière recommande de retenir les quatre critères microbiologiques définis dans l’arrêté du 11 janvier 2007 pour l’eau destinée à la consommation humaine (EDCH). En ce sens, l’absence dans 100 ml de deux indicateurs de contamination fécale (Escherichia coli et entérocoques) et de deux indicateurs de pollution générale (bactéries coliformes et sulfito-réductrices, dont les spores) indique une eau de bonne qualité bactériologique. Les résultats des germes revivifiables seraient plutôt intéressants pour identifier la présence de biofilms entres deux points du circuit (début et fin du circuit post-sevrage) ou entre deux périodes (avant et après décapage des canalisations). Une variation d’un facteur 10 signifiant que l’eau s’est significativement chargée en bactéries.

En cas de résultats non conformes, il faut réaliser un nouveau prélèvement en vue d’une contre-analyse pour exclure une contamination lors du premier prélèvement, contrôler l’état des cuves de stockage tampon, les cartouches et les bocaux à filtre, et vérifier l’état du biofilm dans les canalisations. Dans le cas d’un captage privé, il convient de vérifier que l’ouvrage a fait l’objet d’une déclaration au titre du Code de l’environnement, garantissant une bonne conception du forage, sans risque de contamination environnementale. Si besoin, des mesures correctives du traitement désinfectant seront préconisées à l’éleveur.

Maîtriser la qualité physico-chimique de l’eau

Une qualité physico-chimique insuffisante entraîne une usure prématurée des équipements, un dépôt de biofilm et influe les traitements de désinfection de l’eau et médicamenteux. Une telle analyse est donc indispensable et sera à renouveler en cas de traitements correcteurs (déferriseur, acidifiant, démanganiseur, etc.), de conditions météorologiques particulières (sécheresse ou fortes précipitations) ou lors de problèmes sanitaires d’origine multifactorielle. En dehors de ces situations, les caractéristiques physico-chimiques de l’eau sont assez stables dans le temps et les résultats d’une analyse ancienne seront donc interprétables. Le pH, la dureté, le fer, le manganèse, l’azote ammoniacal, le carbone organique total, les nitrates et la conductivité constituent les huit critères d’évaluation. En cas de non-conformités, une entreprise spécialisée pourra être contactée pour évaluer les installations, le vétérinaire et le technicien ayant surtout un rôle d’alerte.

1 Un temps de 1 à 2 minutes est trop long, avec le risque de faire revenir du couloir de l’eau fraîche non représentative de l’eau bue par les porcs.

2 Suivie d’une purge rapide pour éliminer toute trace de désinfectant.

Anne Hémonic Vétérinaire au pôle technique de l’élevage, Ifip, Institut du porc. Article rédigé d’après une présentation faite lors du congrès annuel de l’AFMVP à Rennes (Ille-et-Vilaine), les 30 novembre et 1 er décembre 2017.

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