Antibiogrammes et otites externes : à utiliser avec raison et à interpréter avec précaution - La Semaine Vétérinaire n° 1753 du 24/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1753 du 24/02/2018

DERMATOLOGIE

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : EMMANUEL BENSIGNOR, VINCENT BRUET, MARIE-CHRISTINE  CADIERGUES, DOMINIQUE HÉRIPRET, PASCAL PRÉLAUD 1 

Le groupe Expert Advisory Recommendations on Canine Otitis fait une mise au point sur le diagnostic et le traitement de l’otite externe, l’infection observée dans ce cas n’étant souvent que secondaire.

Les otites externes sont un des motifs majeurs de consultation en médecine vétérinaire. Il s’agit d’affections multifactorielles, souvent complexes, qui font intervenir des facteurs prédisposants, primaires déclenchants et perpétuants. Les infections bactériennes auriculaires, qui sont fréquentes, ne sont souvent que la complication d’un facteur inflammatoire local. La mise en évidence d’une otite bactérienne ou à Malassezia n’est donc généralement que le préalable à la prise en charge globale d’une otite.

Le leurre de l’antibiogramme

En pratique, force est de constater que lors d’otites externes récidivantes, les praticiens ont recours de façon parfois irraisonnée à l’examen bactériologique et à l’antibiogramme pour décider d’un traitement antibiotique qu’ils pensent être adapté, car alors “validé” par le laboratoire. Il convient de rappeler qu’avec les données actuelles de la science, cet examen a des limites et n’apporte souvent de réelle plus-value ni à l’animal ni au clinicien. Les données obtenues au laboratoire permettent certes d’identifier l’espèce bactérienne responsable (et c’est bénéfique), mais n’apportent pas réellement d’intérêt dans le choix du traitement :

- les déterminations des sensibilités in vitro se font à partir de données parfois établies chez l’être humain, généralement à partir de concentrations sériques, sans corrélation nécessaire avec ce qui se passe dans le conduit auriculaire, or il est évident que la diffusion et la pénétration des antibiotiques sont des facteurs primordiaux conditionnant leur efficacité ;

- plus important encore, les concentrations testées au laboratoire sont largement insuffisantes parce que les topiques appliqués dans les oreilles apportent des concentrations d’antibiotique plus de 1 000 fois supérieures à celles théoriquement présentes dans le sérum après administration systémique…

- les données in vitro ne tiennent pas compte du biofilm, or des données récentes établissent que c’est cette forme de vie particulière qui permet le plus souvent aux bactéries d’empêcher la pénétration et/ou l’activité des antibiotiques ; les dernières publications montrent d’ailleurs que les sensibilités bactériennes sont différentes sous forme planctonique ou biofilm.

La clinique prime avant tout

En résumé, l’antibiogramme en cas d’otite peut être indiqué dans deux cas précis :

- otite rebelle à un traitement topique bien conduit, pour recherche de résistance bactérienne (staphylocoque méti-résistant surtout) ;

- et également, depuis le plan ÉcoAntibio, pour pouvoir prescrire une fluoroquinolone.

Rappelons aussi les règles de base en présence d’une otite suppurée chez le chien : les examens clinique et cytologique, le nettoyage complet du conduit, idéalement un examen d’imagerie (évaluation de l’oreille moyenne et/ou d’une éventuelle métaplasie du conduit), l’utilisation d’antibiotiques adaptés sélectionnés sur une base empirique en fonction de la bactérie suspectée et de la cytologie (en respectant les recommandations actuelles en matière d’antibiothérapie) et, surtout, la réalisation de suivis réguliers sont les éléments majeurs à considérer par le praticien. L’examen bactériologique avec antibiogramme n’est qu’un examen complémentaire supplémentaire, dont l’interprétation se fera toujours avec prudence. Il ne doit jamais être considéré comme l’étalon à suivre aveuglément : la clinique prime avant tout.

1 Groupe Expert Advisory Recommendations on Canine Otitis (EARCO). Article rédigé par le groupe EARCO pour le conseil scientifique du groupe d’étude en dermatologie des animaux de compagnie (Gedac) de l'Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac), avec le soutien d’Elanco.

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