Mégaœsophage chez un perroquet gris du Gabon - La Semaine Vétérinaire n° 1752 du 16/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1752 du 16/02/2018

CAS CLINIQUE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : ANAÏS SAILLER ET EMMANUEL RISI  

Présentation du cas

Commémoratifs, anamnèse et examen clinique

Un perroquet gris du Gabon (Psittacus erithacus), non sexé, âgé de 3 ans, est présenté pour abattement, dysorexie et pertes d’équilibre évoluant depuis 1 semaine. Il a été acquis en élevage 1 an auparavant. Aucun test de dépistage n’a été réalisé antérieurement. La cage est placée dans le salon et des sorties ont lieu une fois par jour sur un perchoir. Les propriétaires ne possèdent pas d’autre oiseau. Les conditions environnementales sont correctes (pas de fumées, pas d’accès à la cuisine, etc.). Il est nourri avec des extrudés et des fruits variés. Un picage est rapporté depuis son acquisition.

L’examen clinique révèle un mauvais état général, une maigreur (score corporel évalué à 2/5), une ataxie des membres pelviens et une perte de plumes au niveau du dos et du bréchet.

Examens complémentaires

L’examen coprologique par flottaison s’avère négatif. Un bilan biochimique complet révèle uniquement une légère hypophosphorémie à 2,6 mg/dl (norme : 3,2-5,4 mg/dl). Des radiographies du corps entier sous anesthésie gazeuse (2 % isoflurane dans 1 l d’oxygène) montrent une opacité augmentée au niveau des sacs aériens thoraciques sur le profil correspondant à l’aire de projection du proventricule. Ce dernier apparaît dilaté sur la radiographie de face (photo 1). Afin d’évaluer correctement son volume, un transit baryté est réalisé. Le perroquet est gavé avec 20 ml/kg de solution barytée. Un quart d’heure plus tard, de nouvelles radiographies sont réalisées. Grâce au produit de contraste, celles-ci confirment la dilatation du proventricule, et mettent également en évidence un mégaœsophage (photo 2).

L’incoordination motrice et les découvertes radiographiques conduisent à suspecter une maladie de dilatation du proventricule (PDD). L’analyse sérologique par test Elisa confirme cette suspicion quelques jours plus tard, avec un titre sérique en anticorps très élevé. Il existe en effet cinq stades sérologiques, et l’animal est au plus haut. Le perroquet est rendu à ses propriétaires sous méloxicam (1 mg/kg per os, deux fois par jour) et gavages hyperdigestibles. Il décèdera 2 semaines après sa présentation.

Discussion

La PDD est une maladie virale due à un bornavirus touchant principalement les psittaciformes. Elle est rapportée chez des animaux entre 10 semaines et 17 ans. Ce virus infiltre le système nerveux, provoquant une inflammation lymphoplasmocytaire, notamment au niveau du système gastro-intestinal. Les muscles lisses s’atrophient, le péristaltisme diminue et une maldigestion chronique s’installe. Les symptômes ne sont pas pathognomoniques : faiblesse, perte de poids malgré un appétit conservé, ataxie, convulsions, amaurose, etc. Le virus se réplique aussi au niveau du myocarde, du système nerveux central et des surrénales.

Les mécanismes de transmission et les cofacteurs sont, pour l’heure, peu connus. Néanmoins, une transmission verticale et horizontale par voie oro-fécale sont suspectées. La conjonction des signes cliniques et d’une sérologie et/ou polymerase chain reaction (PCR) aide à établir un diagnostic du vivant de l’animal. Des biopsies étagées (jabot, proventricule, gésier) sur un trajet nerveux sont également possibles : 24 % de faux négatifs et un pourcentage non négligeable de faux positifs (ingluvite transitoire) sont obtenus lors du prélèvement du jabot ; 14 % et 7 % de faux négatifs pour le proventricule et le gésier respectivement. Le diagnostic de certitude passe par l’histopathologie post-mortem. Selon les études, 4 à 30 % des oiseaux positifs ne présentent aucun signe clinique au moment du diagnostic (dépistage à l’achat). Ils doivent être séparés des congénères, mais ne devraient pas être euthanasiés tant qu’ils ne développent pas la maladie. Aucun traitement n’a montré de réel effet et l’issue est forcément fatale. Les immunomodulateurs, et notamment le robenacoxib, paraissent prometteurs, mais de nouvelles études sont indispensables. Un unique cas de mégaœsophage lié à la PDD est décrit dans la littérature.

Anaïs Sailler Praticienne à FauneVet, CHV Atlantia, à Nantes (Loire-Atlantique).

Emmanuel Risi Praticien à FauneVet, CHV Atlantia, à Nantes (Loire-Atlantique).

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