Axes de la lutte intégrée contre la résistance des strongles aux anthelminthiques - La Semaine Vétérinaire n° 1752 du 16/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1752 du 16/02/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : LORENZA RICHARD 

La lutte intégrée contre les strongles gastro-intestinaux (SGI), dans un contexte de résistance aux anthelminthiques, consiste à utiliser les antiparasitaires de façon rationnelle en complément d’autres méthodes, exploitation par exploitation. Les mécanismes de résistance des parasites sont à la fois non spécifiques (surexpression des gènes de certaines glycoprotéines P, qui éliminent les antiparasitaires) et spécifiques, par des mutations ponctuelles de la cible de l’anthelminthique (mutation sur le gène des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine pour le lévamisole, par exemple). La résistance des SGI aux anthelminthiques évolue dans le temps, et sa dynamique dépend de la pression de sélection (figure). La pression est forte lorsqu’un anthelminthique est administré à tous les animaux d’un troupeau, lorsque les traitements sont nombreux et/ou non alternés, lorsque des molécules “longue action” sont utilisées, etc. De plus, des facteurs d’élevage (partage de pâturage en estive, achat d’animaux résistants, etc.) contribuent à la diffusion de la résistance entre troupeaux.

La lutte intégrée repose ainsi sur trois axes.

Statut de résistance et coprologie de mélange

Le premier axe consiste à éliminer les SGI en utilisant de façon rationnelle les antiparasitaires efficaces dans l’exploitation. Il convient d’évaluer si de la résistance est présente dans un élevage particulier (le statut de résistance varie d’un élevage à l’autre) et pour quelle famille de molécules. Après avoir vérifié que l’inefficacité d’un anthelminthique ne provient pas d’une erreur dans son utilisation (administration, dosage, etc.) par l’éleveur, une résistance peut être dépistée par le test de réduction des intensités d’excrétion d’œufs dans les fèces après traitement FECRT (faecal egg count reduction test), selon les recommandations éditées par la World Association for the Advancement of Veterinary Parasitology (WAAVP).

Toutefois, ce protocole officiel est lourd à mettre en œuvre en production ovine. La coprologie de mélange, validée au cours du projet Casdar1 parasitologie 2012-2015 lors d’une étude réalisée avec 172 séries de 15 individus issus de différentes zones géographiques, races et systèmes d’élevage, est plus simple d’utilisation et bon marché. Sous réserve de validation définitive, elle peut être proposée en alternative, au moins pour un premier screening des résistances dans les bassins de production. Elle consiste à prélever les fèces de 10 à 15 individus par lot, sans les mélanger : le mélange est effectué au laboratoire, puis l’intensité d’excrétion moyenne du lot est évaluée (avec la méthode de flottation au sel de McMaster). La coprologie de mélange peut également être utilisée régulièrement pour évaluer l’intensité d’excrétion moyenne d’un lot et ainsi décider de la nécessité d’un traitement ou non.

Gestion des pâturages et génétique

Le second axe de lutte consiste à passer du temps avec l’éleveur pour comprendre son système d’élevage et d’utilisation des parcelles, afin de limiter les sources de contamination en gardant une population refuge2.

Ces différentes informations sont synthétisées pour choisir l’anthelminthique le plus adapté, puis alterner, si possible, les différentes familles d’antiparasitaires.

Enfin, le troisième axe consiste à renforcer la résistance de l’hôte au parasite. En infestation naturelle, il existe des brebis “super-excrétrices”, qui participent pour beaucoup à l’infestation du pâturage. Un schéma de sélection génétique des béliers peut être mis en place, afin d’augmenter la résistance de leur descendance en infestation naturelle. Le phénotypage de béliers manech tête rousse a en effet mis en évidence une héritabilité du caractère d’intensité d’excrétion d’œufs de 0,35. Les brebis issues d’un père résistant excrètent en moyenne deux à trois fois moins d’œufs dans leurs matières fécales que leurs contemporaines, filles de béliers sensibles. Un grand nombre de races ovines françaises sont intéressées par ce programme3.

1 Compte d’affectation spéciale “développement agricole et rural”.

2 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1747 du 19/1/2018, page 38.

3 Il est également en cours chez les bovins (projet Serustic).

Philippe Jacquiet UMT Santé des petits ruminants à l’ENVT. Article rédigé d’après une présentation faite lors du colloque “Utilisation raisonnée des antiparasitaires à l’horizon 2020-2025” de la SNGTV à Paris, le 14 novembre 2017.

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