Un sursis pour les delphinariums ? - La Semaine Vétérinaire n° 1751 du 10/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1751 du 10/02/2018

PROTECTION ANIMALE

ACTU

Auteur(s) : NICOLAS CORLOUER 4, DÉBORAH GAUTHIER 5

Un arrêté de 2017 obligeait les parcs d’attractions faisant appel aux cétacés à effectuer des travaux pour améliorer leurs conditions de vie et interdisait leur reproduction. Il vient d’être annulé par le Conseil d’État.

Par arrêté du 3 mai 20171, publié le 6 mai 2017, Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, chargée des relations internationales sur le climat, prenait l’un des derniers arrêtés du quinquennat de François Hollande. Élaboré après une année de concertation avec les représentants du secteur, les associations et le Muséum national d’histoire naturelle, il était venu révolutionner les conditions de détention des dauphins et des orques. Parmi les mesures présentées au sein de l’arrêté figuraient notamment l’élargissement des bassins, l’interdiction de l’utilisation du chlore ou encore des contacts directs avec le public. Mais il s’est vu modifié au dernier moment, et cela sans aucune concertation, afin d’y ajouter l’interdiction de reproduction des cétacés, impliquant, de facto, la fermeture des parcs.

Le Conseil d’État annule l’arrêté en raison d’un vice de forme

Comme il fallait s’y attendre, plusieurs parcs, notamment la société Marineland et Safari Africain de Port-Saint-Père (Loire-Atlantique), ont saisi le Conseil d’État afin de solliciter l’annulation de cet arrêté, contraire à leurs activités et à leurs intérêts économiques. Ce dernier a jugé cet arrêté illégal et l’a, par voie de conséquence, annulé2. En effet, le Conseil d’État a estimé que les modifications apportées par l’arrêté posaient des questions nouvelles qui imposaient de demander l’avis de différents organismes, tels que le Conseil national de la protection de la nature et le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques3, quand bien même ils avaient été consultés avant les modifications. En effet, celles-ci ayant été très importantes, le Conseil d’État estime que ces organismes n’ont pas été en mesure de donner leur avis sur l’ensemble du dispositif réglementaire. Le même argument est également retenu en ce qui concerne la consultation du public. Le Conseil d’État ne prend pas position sur la légalité même de l’interdiction de reproduction des cétacés pour prononcer l’annulation de l’arrêté, mais se positionne uniquement sur un vice de forme. Néanmoins, le Conseil d’État reconnaît sans équivoque la menace que cette interdiction fait peser sur la pérennité de ces établissements et souligne que cette modification « retient un parti radicalement différent ».

Un nouvel arrêté probable

Ainsi, cette annulation implique un sursis indéniable pour les delphinariums qui non seulement n’auront pas à réaliser les très coûteux travaux de mise aux normes des bassins, mais, surtout, pourront poursuivre leurs programmes de reproduction des cétacés élevés en captivité.

Pour autant, que les parcs prennent garde à ne pas crier victoire trop vite, même si le juge prend la mesure de la menace pesant sur cette activité économique. En effet, cette annulation, qui repose sur de simples vices de forme, pourrait inciter le nouveau gouvernement à adopter un arrêté similaire en recueillant l’avis des organismes précités. S’il est difficile de présager des conséquences de cette annulation et des intentions du gouvernement en la matière, il est pourtant possible, compte tenu de la politique actuelle menée en faveur de l’écologie et de la protection des animaux, qu’un arrêté intervienne dans les mêmes termes et soit publié prochainement. Une nouvelle fois, l’appareil normatif de l’État est confronté à un épisode judiciaire qui se jouera en plusieurs matchs, la première manche ayant été perdue par les associations de protection animale et le gouvernement précédent.

1 Arrêté du 3/5/2017 fixant les caractéristiques générales et les règles de fonctionnement des établissements présentant au public des spécimens vivants de cétacés, NOR : DEVL1701628A.

2 CE, 29/1/2018, société Marineland, société Safari Africain de Port-Saint-Père, req. n° 412210, 412256.

3 Articles R.413-9 et L.512-10 du Code de l’environnement.

4 Avocat à la cour.

5 Juriste.

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