Jacques Guérin : « D’ici fin 2018, j’espère disposer d’une idée plus précise du périmètre de la biologie vétérinaire » - La Semaine Vétérinaire n° 1751 du 10/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1751 du 10/02/2018

RÉGLEMENTATION

ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR CLARISSE BURGER 

L’encadrement actuel de l’exercice de la biologie vétérinaire en France a pu paraître flou ou incompris par certains vétérinaires, a été parfois contourné (sciemment ou non) par d’autres. De quelle reconnaissance réglementaire bénéficie aujourd’hui la biologie vétérinaire ? Quelles sanctions sont prévues en cas de non-respect des règles ? Le point avec Jacques Guérin, président de l’Ordre des vétérinaires.

Le cadre réglementaire de la biologie vétérinaire et de son exercice pourrait évoluer d’ici à 5 ans. Encore faudra-t-il définir précisément le périmètre de cette activité et que son adaptation législative soit conforme au droit européen. « Le chemin à parcourir n’est pas si simple », souligne le président de l’Ordre.

Quelles sont aujourd’hui les règles exigées par l’Ordre des vétérinaires et depuis quand ?

Jacques Guérin :La lecture combinée de l’article L.243-1 du Code rural et de la pêche maritime (CRPM) relatif à l’acte vétérinaire et des articles issus de la loi du 30 mai 2013 (article L.6211-1 du Code de la santé publique, notamment) a conduit le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV) à considérer que l’acte de biologie vétérinaire est un acte vétérinaire. Par voie de conséquence, les vétérinaires qui réalisent des actes de biologie vétérinaire doivent être inscrits à l’Ordre et les sociétés qui les emploient, tout autant. Cette délibération date de décembre 20151.

L’ordonnance n° 2011-78 du 20 janvier 2011 (qui a introduit l’article L.243-1 dans le CRPM) concerne l’acte de médecine et l’acte de chirurgie des animaux, et englobe la biologie vétérinaire. Le confirmez-vous ?

J. G. :La question pendante est celle du périmètre de l’acte de biologie vétérinaire. Qu’englobe-t-il ? L’anatomo-pathologie, la cytologie, par exemple, certainement ! Mais quid des analyses génétiques, de la surveillance zootechnique, du suivi de signaux biologiques, du comptage cellulaire des vaches laitières… ? Sommes-nous aujourd’hui en capacité de définir avec précision les actes réservés aux seuls vétérinaires et ceux qui sont autorisés à des personnes non vétérinaires ? Les robots de traite, la génomique rentrent-ils dans le périmètre de la biologie vétérinaire réservée aux vétérinaires ou sont-ils à considérer au titre des signaux biologiques à visée zootechnique ? Ces questions sont délicates et doivent être tranchées avant de prétendre donner à la doctrine ordinale toute sa puissance. Un travail de fond est indispensable, il doit être conduit avec ouverture d’esprit et pragmatisme pour, in fine, définir un périmètre lisible et raisonnable de la biologie vétérinaire puis des conditions et des modalités de son exercice. J’aspire à ce que l’ensemble du dispositif soit inscrit dans une loi “biologie vétérinaire”.

Le chemin à parcourir n’est pas si simple, le dispositif devra notamment traiter de la question des sociétés dont l’objet social est d’exercer la biologie vétérinaire sans méconnaître les enjeux logistiques, les enjeux internationaux. Je suis particulièrement soucieux de la compatibilité du dispositif final au regard du droit européen et notamment de sa capacité à passer le test de proportionnalité imposé par la Commission européenne à toute nouvelle réglementation nationale. Il ne s’agit pas de défendre l’impossible et les intérêts particuliers au risque d’une remise en cause plus globale des actes réservés aux vétérinaires. Travaillons avec méthode, dans un esprit de consensus, sans brûler les étapes et toujours avec cette idée de l’intérêt général. L’horizon s’inscrit dans un temps long.

Partant du texte de 2011, pourquoi fallait-il alors attendre fin novembre 2016 pour rendre obligatoire l’inscription à l’Ordre de certains laboratoires de biologie vétérinaire, comme ce fut le cas de la société Cerba Vet, essuyant d’abord un premier refus d’inscription par le conseil régional de l’Ordre des vétérinaires (Crov) d’Île-de-France ?

J. G. :L’acte vétérinaire, ainsi que les actes délégués sont définis par un texte fondateur en date de mai 2011. La délibération doctrinale considérant l’acte de biologie vétérinaire comme partie intégrante de l’acte vétérinaire date de décembre 2015, soit quatre à cinq ans plus tard. L’Ordre affirme une doctrine solide. Elle est une position de principe, mais elle ne traite pas du périmètre de l’acte de biologie.

Concernant l’inscription de la société Cerba Vet au tableau de l’Ordre des vétérinaires, notamment au regard des dispositions de l’article L.241-17 du CRPM, le CNOV, sur la base d’une deuxième instruction du dossier et de la connaissance de documents complémentaires, a fait une interprétation différente du dossier2. L’Ordre n’est ni créateur de droit ni en capacité de présumer un défaut d’indépendance professionnelle des vétérinaires en exercice dans une société sans qu’il soit documenté par des éléments tangibles et incontestables.

En cas de non-respect des règles, quelles sont les sanctions prévues ? Y a-t-il eu des sanctions appliquées depuis 2016 ?

J. G. :La question des sanctions n’est pas à l’ordre du jour ; elle est prématurée. À ce stade des discussions et de la maturité du dossier, le CNOV privilégie la concertation et les démarches volontaires d’adhésion.

Pourquoi, actuellement, certains laboratoires de biologie vétérinaire (en exercice) ne sont-ils toujours pas inscrits au tableau de l’Ordre ?

J. G. :Je préfère le dialogue, la concertation pour amener les personnes physiques et morales concernées à considérer que leur inscription au tableau de l’Ordre, ainsi que leur acceptation des règles déontologiques inhérentes sont positives et une forme de label pour leur exercice de la biologie vétérinaire.

Les équilibres sur lesquels l’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux est construit sont fragiles. Il convient d’être prudent et d’avancer sans déstabiliser les 4 000 sociétés vétérinaires inscrites à l’Ordre des vétérinaires.

Des réunions seraient organisées avec l’Ordre et des laboratoires de biologie vétérinaire ? Quels en sont les objectifs ?

J. G. :L’Ordre s’engage dans un cycle de réunions, dont la première s’est déroulée le 5 décembre 2017. L’objet premier est bien de travailler à ce périmètre de l’acte de biologie vétérinaire. Je préside ce groupe de réflexion dont la composition vise à ce que toutes les parties prenantes soient représentées, en dehors bien naturellement des parties qui ont fait le choix de nourrir le débat en agissant de manière contentieuse à l’encontre de l’Ordre des vétérinaires.

Force est de constater qu’il n’est pas si simple de définir le périmètre en question. D’ici la fin de l’année 2018, j’espère disposer d’une idée plus précise de ce périmètre. Cette mission est complexe. Des réunions seront organisées tous les trimestres.

Combien y a-t-il de laboratoires inscrits à l’Ordre ?

J. G. :Il est difficile de faire un recensement des laboratoires pratiquant la biologie vétérinaire, puisqu’aujourd’hui leur inscription n’est pas répertoriée en tant que tel, mais au titre de l’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux. Une vingtaine d’établissements sont inscrits à l’Ordre. Quand la loi sur la biologie vétérinaire sera publiée, j’aurai le sentiment du devoir accompli.

1 Le CNOV, dans un avis des 16 et 17 décembre 2015, rappelait que : « En dehors des exceptions prévues par l’article L.243-3 du crpm, toute personne effectuant des analyses de biologie vétérinaire sans être vétérinaire ni être inscrite à l’Ordre des vétérinaires commet donc un acte d’exercice illégal de la médecine vétérinaire. »

2Lire aussi La Semaine Vétérinaire n° 1705 du 3/2/2017, page 16, et n° 1719 du 12/5/2017, page 20.

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