Aelurostrongylus abstrusus : émergence d’un parasite pulmonaire - La Semaine Vétérinaire n° 1751 du 10/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1751 du 10/02/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : LORENZA RICHARD  

L’infestation des chats par Aelurostrongylus abstrusus est sans doute sous-diagnostiquée en France. Le vétérinaire doit intégrer ce parasite pulmonaire dans le diagnostic différentiel des affections respiratoires dans cette espèce.

Cycle parasitaire

Découvert dans les années 1980 en Allemagne, ce petit ver blanc et fin (entre 4 mm et 1 cm de long) a été isolé dans le monde entier. Il a été mis en évidence, notamment dans le sud-ouest du pays, mais sa prévalence est encore inconnue. Une étude menée en Sardaigne1, avec 200 chats conduits chez le vétérinaire pour des examens de routine, montre que 26,5 % d’entre eux sont infestés par A. abstrusus, et 50 % des animaux positifs sont asymptomatiques.

Il vit dans les voies aériennes inférieures du chat, son hôte définitif, où il se nourrit de sang. Les femelles pondent dans les alvéoles pulmonaires, et les larves remontent dans les voies respiratoires via le parenchyme pulmonaire, les bronches et la trachée. Les larves sont dégluties par l’animal et se retrouvent dans les selles. Elles infestent alors leurs hôtes intermédiaires, escargots et limaces, eux-mêmes ingérés par des oiseaux, rongeurs ou lézards (hôtes paraténiques). Le félin peut s’infester directement en chassant les hôtes paraténiques, mais aussi indirectement via la bave d’escargot ou de limaces ou l’eau stagnante dans laquelle les larves survivent jusqu’à 3 semaines. Tout chat qui a accès au milieu extérieur est ainsi exposé à l’infestation par ce parasite.

Symptômes

Les signes cliniques dépendent de la charge parasitaire, de l’âge, de la réponse immunitaire de l’animal et de la présence d’affections concomitantes. La forme asymptomatique est la plus fréquente. La forme symptomatique se manifeste par une toux chronique, sèche et quinteuse, et des difficultés respiratoires, qui s’aggravent avec le temps, associées à des symptômes généraux : anorexie, amaigrissement. Une forte inflammation des alvéoles pulmonaires est mise en évidence à l’examen nécropsique. Enfin, une forme grave existe : une pneumonie vermineuse qui évolue rapidement vers la mort, essentiellement chez le chaton.

Diagnostic

Le diagnostic peut être effectué par l’observation d’œufs et de larves L1 dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire. La coproscopie selon la technique de Baermann permet également de détecter les larves L1. Toutefois, leur excrétion étant intermittente, il est conseillé de prélever les selles durant 3 jours et de les mettre au frais pour réaliser l’examen.

D’autres parasites peuvent être responsables de signes respiratoires. Troglostrongylus brevior vit dans les bronches et la trachée (arbre respiratoire supérieur) et est à l’origine de bronchite catarrhale qui peut être mortelle chez les chatons2. La migration larvaire de Toxocara cati, nématode gastro-intestinal le plus fréquent chez le chat (entre 45 et 67 % des chatons de moins de 3 mois sont infestés) provoque également des signes respiratoires. Il convient ainsi d’intégrer ce parasite dans le diagnostic différentiel des affections pulmonaires.

Une étude3 menée chez 1 900 chats domestiques ayant accès à l’extérieur et ne présentant pas de signes cliniques particuliers, dans 12 pays européens, dont la France, met en évidence des vers pulmonaires chez 201 chats, soit 10,6 % d’infestation. Parmi ces derniers, 78,1 % sont infestés par A. abstrusus et 19,5 % par T. brevior. De plus, 52,4 % d’entre eux présentent une coinfestation par des vers gastro-intestinaux.

La prévalence d’A. abstrusus devrait augmenter en raison du réchauffement climatique, favorable à la prolifération de ses hôtes intermédiaires. En effet, une étude4 sur l’aptitude d’implantation du parasite démontre qu’il peut proliférer sur l’ensemble du territoire français avec une augmentation de la température de 2 °C, surtout à l’Ouest et au Nord. Il semble ainsi nécessaire que le vétérinaire contribue à la veille épidémiologique de ce parasite émergent.

1 Genchi M., Ferrari N., Fonti P. et coll. Relation between Aelurostrongylus abstrusus larvae excretion, respiratory and radiographic signs in naturally infected cats. Vet. Parasitol. 2014;206(3-4):182-187.

2 Deux autres parasites respiratoires existent chez le chat, mais ils sont rares et mal connus.

3 Giannelli A., Capelli G., Joachim A. et coll. Lungworms and gastrointestinal parasites of domestic cats: a European perspective. Intern. J. Parasitol. 2017;47(9):517-528.

4 Morgan E. R., Jefferies R., Krajewski M. et coll. Canine pulmonary angiostrongylosis: the influence of the climate on parasite distribution. Parasitol. Int. 2009;58(4):406-410.

Gauthière Viale-Brun Responsable technique parasitologie chez Boehringer Ingelheim. Article rédigé d’après une webconférence donnée dans le cadre de la 7 e rencontre L’Élevage félin, cette passion contagieuse, organisée par Boehringer Ingelheim, en octobre 2017.

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