Contamination de la lapine par Passalurus ambiguus - La Semaine Vétérinaire n° 1750 du 03/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1750 du 03/02/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : SAMUEL BOUCHER 

Il était couramment admis que les lapins de moins de 4 mois n’étaient que très rarement infestés par des oxyures. Ce postulat semble très largement remis en question actuellement. Cette parasitose est pourtant connue depuis longtemps, la première description de Passalurus ambiguus, agent de l’oxyuridose du lapin, datant de 1819. Aujourd’hui, il est très fréquemment rencontré en élevage de lapins de chair. La maladie qu’il provoque est l’oxyuridose, et non l’oxyurose comme on le dit souvent, celle-ci étant due à des parasites du genre Oxyuris. Sa diagnose n’est pas très compliquée, mais elle nécessite une grande rigueur, car il existe dans la nature de nombreux nématodes libres avec lesquels il peut être confondu. Il est admis que plus de la moitié des femelles présentées pour une autopsie sont infestées alors que deux lots de lapins en croissance pour mille le sont. Le parasite n’est pas très agressif pour son hôte. Une infestation massive se traduit le plus souvent par un peu de diarrhée, parfois de la météorisation ou de la constipation, associée à une alternance d’apathie et d’agitation. Le lapin peut aussi maigrir à la suite de l’action spoliatrice des parasites présents dans le cæcum et le gros intestin. Chez les femelles, des chutes de fertilité peuvent atteindre 5 % sur une bande. Certains auteurs ont pu décrire la présence d’ulcères sur la paroi du cæcum.

Toutes les catégories d’âge sont touchées

Afin de parfaire le plan de prophylaxie à systématiser en élevage de chair, une étude, qui a fait l’objet d’une thèse vétérinaire1, s’est penchée sur l’âge de contamination des femelles futures reproductrices. Les chercheurs ont sélectionné 42 élevages professionnels de lapins de chair, situés dans les Hauts-de-France, la Normandie, l’Auvergne et les Pays de la Loire, dans lesquels avaient été observés des oxyures au moins une fois dans l’année lors d’autopsies de routine. Ces élevages présentaient en moyenne 700 femelles en production et sevraient une moyenne de 5 900 lapereaux tous les 42 jours. Des échantillons de fèces ont été prélevés sur des lapins de 5 à 6 semaines (au sevrage), 8 semaines, 12 semaines, 18 semaines, après la première mise bas à 24 semaines et après la troisième mise bas à 36 semaines. Les prélèvements étaient effectués dans l’après-midi, le parasite excrétant plus d’œufs l’après-midi et le soir.

Une technique classique de coprologie directe en solution dense a été utilisée pour rechercher d’éventuels parasites ou œufs. Les analyses ont mis en évidence 30 élevages positifs à Passalurus ambiguus (au moins un œuf ou un nématode présent). étonnamment, la contamination concernait toutes les catégories d’âge. Les animaux de plus de 24 semaines étaient cependant les plus atteints, avec 69 % des lots de cette tranche d’âge infestés. Dans les élevages contaminés, ces lots étaient touchés à 96 %. Enfin, trois élevages présentaient une infestation dès l’âge du sevrage.

Adapter le plan de prophylaxie

Cette étude a permis de montrer que la contamination des lapins de chair par Passalurus ambiguus pouvait être précoce, en touchant des lapins autour du sevrage. De plus, une analyse de la litière du nid a permis de mettre en évidence des œufs d’oxyures sur les crottes déposées par les mères destinées aux jeunes pour ensemencer leur flore cæcale. Ainsi, la contamination passerait soit par le nid, dans les premiers jours d’âge via la mère, soit par les cages ou les mangeoires souillées lors du sevrage.

Au vu de ces résultats d’analyse, il serait intéressant de traiter les jeunes dès le sevrage à l’aide de flubendazole à la dose de 2 mg/kg/j, pendant 5 jours, ce protocole thérapeutique étant issu d’une étude de terrain non publiée, menée par Labovet entre 2009 et 2015 et portant sur 18 élevages “pilotes” du nord de la France2. Le traitement devrait ensuite être renouvelé juste avant la première mise bas, vers 24 semaines d’âge, ce vermifuge étant ovicide, larvicide et adulticide. Des rappels de vermifugation seraient ensuite répétés tous les 84 jours en élevage (ce qui correspond à deux cycles de production). Dans l’étude terrain, ce plan de prophylaxie avait permis d’éradiquer le parasite en quatre années.

1 Kehyi M. R. Contamination de la jeune femelle Oryctolagus cuniculus en élevage de lapins de chair par Passalurus ambiguus : détermination de l’âge de contamination, conséquences d’une infestation précoce sur sa carrière et proposition d’un plan de lutte en France. Thèse de doctorat vétérinaire, Oniris, 2017.

2 En 2009, le portage du parasite concernait 41 % des lapins (pour l’ensemble des lots étudiés).

Samuel Boucher et Mohamed-Reda Kehyi Vétérinaires aux Herbiers (Vendée). Article rédigé d’après une présentation faite lors des journées de la recherche cunicole au Mans (Sarthe), les 21 et 22 novembre 2017.

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