BoviWell : un nouvel outil pour évaluer les bonnes pratiques en élevage - La Semaine Vétérinaire n° 1750 du 03/02/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1750 du 03/02/2018

BIEN-ÊTRE ANIMAL

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR CLOTHILDE BARDE  

BoviWell est déployé actuellement dans 1 600 structures bovines. Cet outil a vocation à mesurer le bien-être des bovins allaitants en élevage. Genèse du projet et application : les explications de Joop Lensink, directeur de l’ISA.

Dans un contexte de préoccupation croissante de la société pour le bien-être en élevage, 16 organisations agricoles1 appartenant à la Coopération agricole en France (réunion de 2 600 entreprises-coopératives agricoles et agroalimentaires de France) et l’industriel Moy Park Beef Orléans ont annoncé, le 24 janvier 2018, le déploiement sur le terrain d’un nouvel outil d’évaluation du bien-être des bovins en élevage : BoviWell. Joop Lensink, directeur des études à l’Institut supérieur d’agriculture (ISA) de Lille (Nord), a contribué à son développement.

Dans quel contexte BoviWell a-t-il été développé ?

Joop Lensink : Dès 2004, un programme de recherche européen, intitulé Welfare Quality ®, regroupant 14 pays, a été mis en place pour fournir un outil d’évaluation commun du bien-être animal en élevage (hors-sol et extensif). En effet, il n’existait pas alors de définition commune du bien-être animal et ses critères d’évaluation variaient beaucoup selon les personnes. Ce programme, qui a été développé par des experts et des scientifiques d’horizons variés (éthologues [dont Joop Lensink, NDLR] , vétérinaires, sociologues, etc.), a abouti, en 2010, à un outil qui repose sur l’évaluation de quatre grands critères en élevage : l’alimentation, le logement, la santé et un comportement approprié. Chaque critère est ensuite divisé de nouveau en sous-classes et, selon le type d’élevage, les catégories et leurs échelles d’évaluation varient. De plus, suivant l’importance d’une mesure par rapport à une autre dans l’estimation du bien-être d’un animal, le coefficient qui lui est appliqué est différent : c’est la notion d’agrégation. L’objectif final est d’établir un score de bien-être pour chaque exploitation, notée sur 100.

Welfare Quality ® a-t-il répondu aux attentes des professionnels sur le terrain ?

J. L. : Cet outil répond en partie aux attentes des différents acteurs présents en élevage, car il repose enfin sur des mesures compréhensibles. Cependant, Welfare Quality ® est si complet qu’il est difficilement utilisable dans sa version finale sur le terrain. En effet, si les techniciens des coopératives veulent suivre tous les critères d’évaluation lors des audits de bien-être en élevage, ils doivent y consacrer une journée entière. En pratique, ils opèrent souvent une sélection dans les critères qu’ils évaluent, ce qui simplifie et raccourcit la durée des audits. La fiabilité des résultats obtenus peut alors être remise en question.

Qui a participé à la création de BoviWell ?

J. L. : La société Moy Park Beef Orléans, fournisseur principal de steaks hachés pour l’entreprise McDonald’s France, en s’associant avec ce dernier, a développé, depuis 2010, un outil d’évaluation du bien-être en élevage bovin simplifié. En effet, dans le cadre de sa politique de développement durable, le restaurateur souhaite garantir le bien-être des animaux produisant la viande hachée de ses produits. C’est la raison pour laquelle Mathieu Pissot, responsable de la filière bœuf de Moy Park Beef Orléans, a fait appel en 2010-2011 à des étudiants ingénieurs de l’ISA [encadrés par Joop Lensink, NDLR] pour mettre en place BoviWell, outil destiné aux élevages de jeunes bovins français allaitants (taurillons âgés de 18 à 20 mois). Pour sa première version, les ingénieurs se sont reposés sur le modèle européen préexistant, Welfare Quality ® , qu’ils ont utilisé sur le terrain en élevage, afin de définir les critères qui paraissaient les plus importants à évaluer dans ce type d’élevage. Les résultats obtenus ont ensuite été exploités par Moy Park Beef Orléans qui, avec l’aide d’experts, ont développé un nouvel outil comportant de nouveaux coefficients.

Il existe aujourd’hui deux versions de BoviWell : simplifiée et avancée.

Quelles sont son utilisation et sa perception en élevage ?

Sur le terrain, il est actuellement utilisé par les techniciens formés des coopératives qui réalisent des audits de 30 minutes à une heure et collectent les données.

Les premiers retours témoignent de 80 % de notes de bien-être en élevage satisfaisantes chez les éleveurs audités. On peut alors se demander si ce résultat est significatif. L’outil n’est peut-être pas encore assez discriminant ? D’autre part, la perception des éleveurs par rapport aux audits est globalement bonne. Cet outil est considéré comme fiable et peu contraignant. Et il n’existe pas de réelles répercussions pour les éleveurs aujourd’hui. BoviWell a pour unique rôle d’améliorer les conditions d’élevage, et, par ce biais, de parfaire les résultats techniques des éleveurs, mais aucune condition de note n’est requise pour le moment. À terme, cela pourrait changer : si l’outil est considéré comme fiable et intéressant, il pourrait donner lieu à une contractualisation avec les éleveurs, qui seraient obligés, pour fournir l’entreprise, d’obtenir une note minimale lors de l’audit.

Quels sont les objectifs de déploiement à terme ?

J. L. : Cet outil a pour le moment été développé exclusivement pour la France et il est seulement déployé chez les 1 600 éleveurs de bovins engagés en contractualisation auprès de Moy Park Beef Orléans, qui devraient tous être audités d’ici fin 2018. Cependant, à terme, il pourrait être étendu à d’autres acteurs de la filière bovine et à des exploitations non clientes de ces coopératives. BoviWell n’est pas encore parfait, des évolutions et des améliorations sont encore réalisées régulièrement afin de le rendre de plus en plus fiable, avec notamment la prise en compte d’autres critères (mesures à l’abattoir, par exemple).

1 Agrial, Bovineo, Cap Seine, ccbe, Cecab, Cevinor, Cialyn, Cloe, Cobevial, Copelveau, EMC2, Sanders, Sicagieb, Sicarev, Ter’élevage, Triskalia.

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