Prévention des infections en chirurgie - La Semaine Vétérinaire n° 1749 du 27/01/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1749 du 27/01/2018

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : JULIEN MICHAUT-CASTRILLO 

Les recommandations concernant l’utilisation des antibiotiques peropératoires, ainsi que les mesures de prévention des infections chirurgicales ont fortement évolué ces dernières années, notamment grâce au plan ÉcoAntibio 1 et aux études rétrospectives récemment publiées. La nouvelle réglementation datant de 2016 relative à l’utilisation des antibiotiques critiques a profondément modifié leurs usages en médecine vétérinaire, certains étant proscrits, d’autres utilisables seulement après isolement bactérien et antibiogramme.

Antibioprophylaxie et lutte contre les antibiorésistances

Face au développement de souches bactériennes multirésistantes, l’utilisation des antibiotiques doit être plus que jamais raisonnée.

Antibioprophylaxie

L’antibioprophylaxie repose sur le principe d’anticipation du risque infectieux, en apportant dans la circulation sanguine un antibiotique en concentration suffisante, au moment où le risque infectieux est le plus grand.

Les molécules les plus couramment utilisées en antibioprophylaxie sont l’amoxicilline et les céphalosporines de 1re génération, administrées par voie intraveineuse 30 à 60 minutes maximum avant l’incision, répétées toutes les 2 heures (ou 1 h 30 en cas de chirurgie orthopédique). Une administration passée 24 heures postopératoire ne présente pas d’intérêt.

Antibiothérapie

L’antibiothérapie est administrée par voie systémique mais n’est pas systématique ! Le choix de la molécule antibiotique dépend du germe bactérien suspecté (antibiothérapie probabiliste) ou identifié (antibiothérapie ciblée, après isolement du germe). La durée du traitement varie selon le type d’infection et sa gravité. Elle peut être couplée à une antibiothérapie locale qui consiste à la mise en place d’éponges, de compresses de collagène ou de billes de PMMA1 imprégnées de gentamicine sur le site infecté pendant au maximum 1 mois. Le but est d’atteindre une concentration en antibiotique très élevée sans avoir de toxicité systémique2.

Facteur de risque de complications infectieuses

Le risque de complications infectieuses est proportionnel à la durée de l’intervention chirurgicale et double à chaque heure de chirurgie supplémentaire. De même, il croît avec la durée d’anesthésie, augmentant de 30 % à chaque heure supplémentaire d’anesthésie. Chaque personne présente dans le bloc accroît également le risque infectieux de 30 %. Enfin, l’animal lui-même est à prendre en compte, notamment son état de santé, son score ASA (pour American Society of Anesthesiologists), une éventuelle hypothermie ou hypotension durant l’anesthésie. L’expérience du chirurgien pour une même chirurgie influence de manière importante le risque de complication septique : la chirurgie doit être la plus rapide et la plus atraumatique possible.

Les recommandations concernant l’antibioprophylaxie et l’antibiothérapie, selon la catégorie de chirurgie, sont résumées dans le tableau page 27.

Asepsie du matériel, du chirurgien et de l’animal

La lutte contre les souches bactériennes multirésistantes est un enjeu en médecine humaine et vétérinaire. Elle commence par la lutte contre la contamination du site opératoire, en respectant les règles d’asepsie chirurgicale.

Les interventions chirurgicales peuvent présenter des complications septiques parfois difficiles à gérer, en particulier les infections ostéo-articulaires. De nombreuses études en chirurgie humaine, mais aussi plus récemment en chirurgie vétérinaire ont permis de faire évoluer les pratiques et de mettre en place de nouvelles normes concernant aussi bien la stérilisation du matériel, l’asepsie du chirurgien que la préparation de l’animal.

Stérilisation du matériel

Différentes techniques de stérilisation efficaces et répondant à la réglementation sont disponibles en pratique vétérinaire. L’utilisation d’un four Poupinel reste le moyen le plus fréquemment utilisé en clinique pour la stérilisation du matériel supportant une température de 170 °C. La chaleur sèche est interdite en chirurgie humaine du fait de son inefficacité contre les prions.

La stérilisation par la chaleur humide à l’aide d’un autoclave (classe B, 20 min à 121 °C ou 5 min à 134 °C) est une référence malgré son coût élevé et le respect d’une réglementation dont la lourdeur est proportionnelle à la taille de la cuve (dispense de réglementation pour les cuves d’un volume supérieur à 25 l).

S’agissant de la stérilisation à basse température, celle utilisant l’oxyde d’éthylène est un procédé efficace et qui convient à du matériel ne supportant pas la chaleur ou l’humidité. Cependant, les précautions nécessaires à son utilisation sont importantes, car il s’agit d’un gaz toxique et inflammable. Un temps de désorption est nécessaire en fin de cycle (10 heures de cycle + 2 heures de désorption).

Une alternative récente utilise le peroxyde d’hydrogène à basse température pendant un cycle de 75 minutes. Aucun résidu toxique n’est produit (uniquement de la vapeur d’eau). Toutefois, un contact de toutes les surfaces du matériel est indispensable, ce qui empêche son emploi pour les matériaux poreux, la cellulose et les liquides. Enfin, son coût, très important du fait d’une cuve spécifique mettant le matériel sous vide durant le cycle, est le principal frein à son développement.

Pour rappel, l’utilisation des pastilles de trioxyméthylène dégageant des vapeurs de formaldéhyde, toxiques et cancérogènes, est à proscrire en dehors d’un système clos et en l’absence de mesures régulières de concentration.

Asepsie du chirurgien

Les règles d’asepsie du chirurgien ont, elles aussi, évolué ces dernières années. Aujourd’hui, sont recommandés, avant l’opération, un lavage des mains et des avant-bras au savon doux, puis une friction à l’aide de gel hydroalcoolique (norme EN 12791), jusqu’à un séchage complet. La durée totale du contact avec le produit est variable selon le produit et est indiquée par le fabricant.

À cela s’ajoute l’utilisation de gants stériles. Les gants non poudrés sont à préférer, car il existe un risque d’infection et d’inflammation postopératoires liées à la poudre présente sur les gants, en particulier lors des chirurgies abdominales. Un doublage des gants est par ailleurs recommandé pour diminuer le risque de perforation qui est important notamment lors des chirurgies orthopédiques. Le changement de la paire de gants superficielle est à réaliser chaque heure durant le temps opératoire.

Préparation de l’animal

La tonte doit être réalisée moins de 4 heures avant l’intervention pour ne pas favoriser le risque d’infection, idéalement au moment de l’induction de l’anesthésie. Elle s’effectue avec des tondeuses dont les lames sont désinfectées régulièrement. Il est recommandé d’identifier une tondeuse comme “propre” et de la réserver pour la tonte des animaux ayant une chirurgie orthopédique.

La désinfection à l’aide d’un savon antiseptique, puis d’une solution antiseptique de type chlorhexidine est à préférer à l’utilisation de povidone iodée.

1 Polyméthacrylate de méthyle.

2 Voir aussi les fiches de recommandations pour un bon usage des antibiotiques de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) téléchargeables sur bit.ly/2GryaHm.

Olivier Gauthier Professeur de chirurgie au CHUV oniris. Sophie Palierne Maître de conférences en chirurgie à l’ENVT. Article rédigé d’après des présentations faites au congrès de l’Afvac (Nantes), du 23 au 25 novembre 2017.

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