La thérapie proactive lors de dermatite atopique canine - La Semaine Vétérinaire n° 1748 du 19/01/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1748 du 19/01/2018

SYNTHÈSE

PRATIQUE CANINE

Formation

Actuellement, l’approche thérapeutique de la dermatite atopique canine est principalement “réactive”. Depuis 1999, le concept de thérapie proactive se développe en médecine humaine et de nombreuses études montrent son intérêt dans la gestion à long terme des manifestations cliniques de la dermatite atopique. Il est parfois difficile de faire la différence entre les notions de mesures préventives et de mesures proactives. La thérapie proactive cible une peau modifiée par une inflammation permanente de faible intensité, inapparente sur le plan clinique, alors que les mesures préventives s’appliquent sur une peau saine. Ce concept se développe depuis quelques années en dermatologie vétérinaire pour la prise en charge de la dermatite atopique canine et inclut l’application raisonnée et programmée de diverses mesures thérapeutiques permettant de limiter les rechutes cliniques. Elle repose notamment sur des actions visant à contenir l’inflammation (topiques anti-inflammatoires, mesures de lutte contre les facteurs pro-inflammatoires externes, probiotiques), ainsi que sur des mesures de restauration de la barrière cutanée (par voie topique ou systémique) et de lutte contre les proliférations bactériennes et/ou fongiques (antisepsie).

Principes de la thérapie proactive

Même en l’absence de manifestation clinique, la peau d’un individu atopique est le siège d’un infiltrat inflammatoire permanent de faible intensité.

En médecine humaine, la thérapie proactive comprend un traitement intensif initial par des anti-inflammatoires jusqu’à disparition quasi complète des lésions, suivi de l’utilisation intermittente et régulière à faible dose d’anti-inflammatoires sur du long terme, appliqués sur les zones habituellement lésionnelles, associé à celle d’émollients sur les autres zones habituellement non lésionnelles.

À l’instar de l’homme, la peau d’un chien atopique est modifiée par rapport à celle d’un chien sain sur le plan structural et immunologique, favorisant une exposition augmentée aux allergènes et le déclenchement des signes cliniques de dermatite atopique.

L’objectif de la thérapie proactive est de prévenir ou de limiter les récidives, la sévérité des manifestations inflammatoires aiguës et les complications infectieuses sur une peau modifiée. Très peu de données sont disponibles en médecine vétérinaire.

Contenir l’inflammation cutanée

En agissant sur l’inflammation

Chez les sujets atopiques, l’inflammation est présente à bas bruit, mais de façon permanente. Les anti-inflammatoires topiques visent à agir sur ce facteur. L’acéponate d’hydrocortisone (Cortavance®) est un glucocorticoïde topique puissant de la famille des diesters se caractérisant par une bonne tolérance locale et systémique.

Son utilisation proactive dans le traitement de la dermatite atopique canine a fait l’objet d’une étude clinique récente1. Comparé à un placebo, le délai avant récidive est significativement plus long pour le groupe traité (durée médiane de 115 jours contre 33), à raison d’une application 2 jours consécutifs par semaine. Aucun effet secondaire n’a été noté.

Un protocole similaire2 a permis de démontrer l’efficacité d’une utilisation proactive de cette molécule dans la prévention des récidives d’otite chez des chiens atopiques à raison d’une administration de 0,2 à 0,5 ml de solution dans les conduits auditifs 2 jours consécutifs par semaine. Le taux de rechute pour les chiens traités est de 20 % contre 50 % dans le groupe placebo sur une période de 4 mois.

En agissant sur les facteurs externes pro-inflammatoires

Lors de dermatite atopique, l’emploi toute l’année d’antiparasitaires externes systémiques administrés par voie orale et au moins actifs contre les puces est recommandé.

L’action mécanique de shampooings réguliers peut permettre de réduire la charge d’allergènes portés par l’animal et ainsi limiter leur action pro-inflammatoire.

En modulant la réponse immunitaire cutanée par l’usage de probiotiques

Chez l’homme, le recours aux probiotiques et la sécurité d’emploi qu’ils procurent dans la prévention des manifestations de dermatite atopique est démontrée. Chez le chien, peu d’études sont disponibles. Quelques données issues d’études réalisées dans un cadre préventif montrent néanmoins leur intérêt dans la prévention de la dermatite atopique chez le chien. Bien qu’aucune donnée clinique de terrain ne soit disponible, leur application proactive reste une possibilité à envisager.

Renforcer la barrière cutanée

En utilisant des topiques

Les shampooings “antiprurigineux” à base de colloïdes d’avoine et d’agents émollients (phytosphingosine) peuvent contribuer à la restauration de la barrière cutanée. Ils permettent également de réduire le prurit et le score clinique de plus de 40 et 20 % respectivement, mais ils ont une durée d’action courte (24 à 48 heures)3. Cependant, du fait de leur innocuité, y recourir régulièrement en association avec d’autres formes de topiques (sprays, mousses sans rinçage) pourrait permettre sur le long terme un effet d’épargne sur l’utilisation d’autres molécules antiprurigineuses.

En supplémentant l’animal en acides gras essentiels (AGE)

- topiques. L’application d’une spécialité sous forme de spot on à base de céramides, acides gras libres et cholestérol, a permis une amélioration de la barrière cutanée chez des chiens atteints de dermatite atopique. De même, l’utilisation conjointe d’un spot on (une fois par semaine) et d’un spray (une fois par jour) contenant des acides gras poly-insaturés et des huiles essentielles pendant 8 semaines a permis une amélioration significative des scores de prurit et lésionnel sans effets secondaires. L’efficacité préventive des AGE sur la récidive de signes cliniques reste cependant à démontrer. Néanmoins, leur intégration dans un protocole de thérapie proactive peut être envisagée ;

- systémiques. La complémentation en AGE (oméga 3 et 6) peut se faire sous forme de compléments alimentaires spécifiquement conçus ou bien par l’utilisation d’aliments thérapeutiques enrichis. Les acides gras ont une action anti-inflammatoire et permettraient de restaurer la structure et de normaliser la fonction de la barrière cutanée. Le délai avant d’observer des bénéfices cliniques étant long (supérieur à 2 mois), ils peuvent apporter un intérêt sur le long terme en tant que thérapie adjuvante lors de dermatite atopique.

Éviter les complications infectieuses

Le recours à des shampooings antiseptiques en alternance avec des shampooings antiprurigineux peut permettre de prévenir les proliférations bactériennes et/ou fongiques.

1 Lourenço et coll. Efficacy of proactive long-term maintenance therapy of canine atopic dermatitis with 0,0584 % hydrocortisone aceponate spray : a double-blind placebo controlled pilot study. Vet. Dermatol. 2016;27(2):88-92e25.

2 Bensignor et coll. Reduction of relapse of recurrent otitis externa in atopic dogs with twice weekly topical application of 0,0584 % hydrocortisone aceponate in the ear canal. Vet. Dermatol. 2012;23 suppl. 1:92.

- Bergvall et coll. Can topical hydrocortisone aceponate effectively control allergic otitis externa and reduce the risk of recurrence ? A double-blinded, placebo-controlled, prospective study, 2017. Communication for the 29th SVD-ECVD congress, Lausanne, Switzerland.

3 Bourdeau et coll. Evaluation of phytosphingosin containing shampoo and microemulsion spray in the clinical control of allergic dermatoses in dogs : preliminary results of a multicentric study. Vet. Dermatol. 2007;18:177-178.

Retrouvez les références bibliographiques de cet article sur bit.ly/2F3RYip

Thomas Brément Résident ECVD à Oniris, à Nantes (Loire-Atlantique). Patrick Bourdeau Diplomate EVPC et ECVD, professeur à Oniris. Vincent Bruet Diplomate ECVD, maître de conférences à Oniris.

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