De nouveaux codes pour la vaccination des veaux - La Semaine Vétérinaire n° 1748 du 19/01/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1748 du 19/01/2018

ANALYSE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : BÉATRICE BOUQUET  

D’abord retour aux lettres (anciennes !) pour comprendre pourquoi il est désormais possible de vacciner précocement… À côté des cellules B (supports de l’immunité cellulaire) et des cellules T (supports de la production d’anticorps) de nouvelles actrices ont occupé le devant de la scène au dernier forum européen de buiatrie, à Bilbao (Espagne) à l’automne : les cellules gamma-delta (gd). En effet, Dirk Werling, du Royal College of London, explique, lors de cette conférence, que « la vaccination dès les premières semaines de vie, c’est déjà une réalité. Simplement, jusqu’à maintenant, les chercheurs peinaient à l’expliquer par la seule activation de l’immunité cellulaire (à cellules B) et il paraissait exclu qu’elle repose sur les anticorps. Car non seulement il faut du temps pour les produire, mais ils entrent aussi en compétition avec l’immunité passive d’origine maternelle chez le jeune veau ».

Les cellules gd seraient donc le principal support d’une immunité en période critique (lorsque l’immunité passive transmise par le colostrum s’épuise et qu’il est encore trop tôt pour que la production d’anticorps soit efficace). Tapissant le dessous des muqueuses, elles répondent plus tôt que les cellules T classiques aux stimulations par des antigènes. Elles sont capables de prendre en charge les antigènes vaccinaux, de moduler la réaction immune et d’induire une réponse immune protectrice via les interleukines 17 (IL-17). Ainsi, ce pourrait être la véritable cible des réponses vaccinales précoces observées avec certains vaccins.

Immunité de troupeau ou persistance colostrale

Outre les vaccins qui ciblent “mieux” les gd, d’autres approches destinées à passer le cap critique de l’immunité néonatale sont en cours de développement. La première est d’optimiser la vaccination maternelle, par exemple en vaccinant toutes les mères en contact avec les nouveau-nés pour viser une immunité de troupeau. Surnommée “cocooning néonatal”, cette approche n’est pas encore très courante vis-à-vis des infections respiratoires, mais elle est préconisée au cas par cas dans certaines situations critiques par divers laboratoires qui commercialisent des vaccins (Boehringer pour Bovalto®, notamment). Selon Dirk Werling, elle est surtout adaptée aux systèmes d’élevage fermés (pas de contacts avec d’autres bovins, ni d’introductions, recours à l’autorenouvellement, avec insémination artificielle).

Autre piste encore théorique en médecine vétérinaire : tenter de prolonger l’effet de l’immunité passive colostrale au-delà des quelques semaines actuelles, pour aller jusqu’à 6 mois d’âge ! Des travaux récemment effectués en médecine humaine étudient cela.

Les immunomodulateurs en devenir

La dernière piste évoquée par Dirk Werling pour passer le cap critique de l’immunité chez le veau est le recours aux immunomodulateurs. Le plus connu en tant que tel en bovine en France est Imrestor® d’Elanco (à base de Pegbovigrastim, facteur de stimulation des colonies de granulocytes bovins). Ce produit1 ne dispose pas d’indication en néonatalogie bovine à ce jour (il vise officiellement les mammites, et des études ont été effectuées sur les métrites).

Le chercheur Londonien cite aussi d’autres produits commercialisés parfois tout près de nos frontières avec une indication d’immunostimulation non spécifique, qui pourraient aider à surmonter la période critique. Par exemple, OmniGen-AF®, distribué par Sanders. Ce complément alimentaire, qui fait partie d’une gamme de minéraux (CristalOr), est destiné aux vaches soumises au stress (il est commercialement indiqué pour un usage pendant les chaleurs, mais les essais ont porté aussi sur les mammites et les métrites).

D’autres produits, plus médicamenteux, présents sur le marché mondial de l’immunostimulation, ne sont pas encore disponibles en France. Ainsi, le Zelnate® injectable de Bayer vise particulièrement les infections respiratoires (en particulier celles à Mannheimia haemolytica) chez le jeune bovin à partir de 4 mois d’âge. Le lyophilisat contient un plasmide (ADN, produit par une bactérie), dont un liposome de transport est capable d’en stimuler non spécifiquement l’immunité innée2.

À nos frontières, Zoetis commercialise Zylexis®, préparation injectable à base de parapox, virus ovin inactivé. Ce produit vise des espèces de destination variables selon les pays (chevaux, ruminants, porcs, chiens, chats aux Pays-Bas et en Allemagne, et uniquement les chevaux au Royaume-Uni). Globalement, les herpèsviroses et les infections respiratoires sont explicitement citées dans les indications, mais l’immunostimulation est dite non spécifique (effet après quelques heures à quelques jours et pour une durée allant jusqu’à 2 semaines).

D’après Dirk Werling, ces immunomodulateurs sont des produits capables de programmer l’orientation de la réponse immune, globalement ou via une certaine lignée cellulaire. Ils pourraient être utilisés en bovine conjointement à la vaccination pour en améliorer l’efficacité dans le très jeune âge en présence d’anticorps maternels. Le chercheur range aussi nos “bons vieux” anti-inflammatoires non stéroïdiens dans cette catégorie des immunomodulateurs. Il considère en particulier que les formes pour on conviennent tout à fait à l’indication d’immunomodulation néonatale pour le veau (Finadyne® Transdermal pour on, MSD).

1 La Semaine Vétérinaire n° 1679 du 17/6/2016, page 34, n° 1685 du 2/9/2016, page 31, et n° 1719 du 12/5/2017, page 42.

2 Pour la notice de ce médicament aux États-Unis : bit.ly/2Dq5Yqw.