Lactalis au cœur d’une crise sanitaire - La Semaine Vétérinaire n° 1747 du 13/01/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1747 du 13/01/2018

SANTÉ PUBLIQUE

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE 

Ces derniers jours, l’affaire de la contamination de poudres de lait infantile commercialisées par l’usine Lactalis fait encore grand bruit en raison de la découverte, le 9 janvier, de lots qui auraient dû être rappelés depuis décembre dans les rayons de nombreux distributeurs. Dans le même temps, l’enquête se poursuit afin de déterminer avec certitude l’origine de la contamination ainsi que les moyens à mettre en œuvre pour éviter qu’une telle épidémie survienne de nouveau.

Revenons brièvement sur les faits. Le 2 décembre dernier, le centre national de référence (CNR) signalait aux autorités la présence d’un nombre inhabituel de cas de salmonelloses, tous liés à la même souche, Salmonella Agona , chez de jeunes enfants âgés de moins de 6 mois. Les investigations menées par les inspecteurs de la direction départementale en charge de la protection des populations de la Mayenne (DDecPP 53) ont permis d’identifier et de confirmer la consommation, par les nourrissons infectés, de produits de nutrition infantile fabriqués en 2017 par une usine du groupe LNS (Lactalis Nutrition Santé) à Craon, en Mayenne. Des mesures de retrait de lots ont alors rapidement été prises par les ministres de l’Économie et de l’Agriculture (les 2, 10 et 21 décembre). Dans le même temps, le préfet de la Mayenne ordonnait la fermeture du site de Craon. Enfin, des contrôles renforcés conduits par la DDecPP 53 et par le professionnel ont mis en évidence, fin décembre, une « contamination dispersée à la suite des travaux réalisés dans le courant du 1 er semestre 2017 dans l’usine de Craon ».

Mise en cause des services d’inspection

Les accusations répétées émises par Le Canard enchaîné , portant notamment sur des manquements supposés dans les procédures mises en place lors d’une visite de contrôle des inspecteurs de la DDecPP en septembre, nous ont conduits à faire un point sur les faits et les contrôles réglementaires que doivent mettre en place les autorités et les entreprises agroalimentaires agréées (arrêté ministériel du 8 juin 2006).

Contacté par la rédaction, le service de presse du chef de service alimentation du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, Laurent Delva, nous a ainsi rappelé que « des inspections régulières doivent être réalisées par les inspecteurs de la DDecPP dans les établissements agroalimentaires agréés, afin que ces derniers conservent leurs agréments ». Cependant, celles-ci ne portent pas systématiquement sur toutes les activités de l’entreprise. Ce fut ainsi le cas lors de l’inspection du site de Craon par les services de la DDecPP de la Mayenne en septembre 2017, au cours de laquelle « seul l’atelier de mélange de céréales à sec a été inspecté ». Par ailleurs, « les résultats des autocontrôles réguliers réalisés par le professionnel ne doivent obligatoirement être communiqués aux autorités compétentes que si une non-conformité est observée dans un produit fini commercialisé ». Or « les deux seules analyses positives (obtenues lors d’autocontrôles effectués par Lactalis en août et novembre 2017) ont été révélées uniquement dans l’environnement et non dans les produits », indiquait Michel Nalet, le porte-parole de Lactalis, dans son communiqué de presse du 3 janvier 2018. Elles n’ont donc pas fait l’objet d’un signalement aux autorités, qui confirment « ne pas avoir eu connaissance des résultats des autocontrôles menés par le groupe en août et novembre 2017 ».

Il semblerait donc que les procédures réglementaires aient été respectées. Les dernières accusations du Canard enchaîné, en date du 9 janvier, portaient sur le contenu du rapport des inspecteurs vétérinaires de la visite de septembre 2017, qui aurait été « modifié ». L’enquête en cours devrait permettre d’établir la vérité à ce sujet.

Une procédure de rappel de lots à revoir ?

L’affaire s’est amplifiée le 9 janvier, avec le constat de la persistance de lots de lait qui auraient normalement dû être rappelés en décembre dernier, dans les rayons de 91 points de vente (super- et hypermarchés, pharmacies, crèches, hôpitaux, grossistes). Ces derniers ont dû rendre des comptes au gouvernement et s’excuser publiquement. C’est ensuite l’entreprise Lactalis qui a été sèchement rappelée à l’ordre, avec la convocation à Bercy, le 12 janvier, de son PDG, Emmanuel Besnier, par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire. Il déplorait alors que l’État ait dû se substituer, lors des rappels de lots en décembre, à « une entreprise défaillante, dont je rappelle qu’elle est la seule responsable de la qualité et de la sécurité des produits mis sur le marché ». Par ailleurs, « les services dédiés à la répression des fraudes vont intensifier leurs contrôles dès la semaine prochaine » et, sur le long terme, « il faudra engager une réflexion pour renforcer les procédures de retrait et les sanctions en cas de manquement de respect des procédures ». En réponse, Emmanuel Besnier s’est excusé publiquement et a assuré « tout mettre en œuvre pour résoudre la crise actuelle ».

Il ne reste plus qu’à attendre les résultats de l’enquête. « Le président de Lactalis communiquera publiquement sur les causes de la contamination dès qu’elles seront établies. Tous les investissements nécessaires seront faits [sur le site de Craon, NDLR] pour garantir la sécurité sanitaire et éviter que ne se reproduise une telle contamination », a indiqué Bruno Le Maire.

Lire aussi page 36 de ce numéro.

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