Antibiotiques : la stratégie 2016-2020 de l’EMA - La Semaine Vétérinaire n° 1747 du 13/01/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1747 du 13/01/2018

DÉCRYPTAGE

Auteur(s) : PROPOS TRADUITS PAR MICHAELLA IGOHO-MORADEL  

David Murphy, président du comité des médicaments vétérinaires (CVMP) de l’Agence européenne des médicaments (EMA), revient sur les principales orientations de l’agence concernant l’utilisation des antibiotiques en médecine vétérinaire.

En médecine vétérinaire, l’Agence européenne des médicaments (EMA) encourage un usage prudent des antibiotiques, en recueillant des données sur les pratiques au sein de l’Union européenne (UE) et en fournissant des recommandations scientifiques sur l’emploi d’antimicrobiens spécifiques chez les animaux. Le comité des médicaments vétérinaires (CVMP) de l’EMA a adopté une stratégie sur cinq ans (2016-2020)1, afin d’assurer la disponibilité d’antibiotiques vétérinaires efficaces pour le traitement d’importantes maladies infectieuses des animaux, tout en minimisant les risques, pour ces derniers ou les humains, découlant de l’utilisation de ces spécialités.

Une stratégie sur cinq ans

Au cours de cette période, le CVMP compte donner son avis sur l’autorisation d’antibiotiques vétérinaires efficaces, en veillant à ce que les mesures de gestion des risques nécessaires soient appliquées, afin que les produits puissent être utilisés de manière sûre et durable. Il examine, conseille sur les risques pour la santé publique, qui pourraient découler de l’emploi d’antibiotiques chez les animaux, et rappelle la nécessité de protéger leur santé. Le comité souhaite aussi maintenir l’efficacité des antibiotiques déjà autorisés en surveillant et en analysant leurs ventes et leur utilisation, tout en encourageant la surveillance des changements de sensibilité des pathogènes cibles et des bactéries zoonotiques. Le cas échéant, il réexamine l’autorisation des substances et/ou produits, en particulier lorsqu’il existe des preuves qu’il peut y avoir un changement connexe dans le rapport bénéfice/risque de l’autorisation. Un volet innovation est également prévu. Le CVMP encourage le développement d’antibiotiques nouveaux et d’alternatives.

La réduction globale de l’utilisation des antibiotiques

Reconnaissant que la résistance aux antibiotiques est un problème mondial, il travaille en partenariat avec la Commission européenne, les autorités compétentes des États membres, les organismes de réglementation internationaux, les organisations de santé humaine et animale, ainsi que les industries pharmaceutiques pour fournir des conseils scientifiques sur l’utilisation responsable des antibiotiques vétérinaires. La stratégie du CVMP reconnaît que l’une des mesures les plus efficaces pour limiter l’expansion de l’antibiorésistance est une réduction globale des antibiotiques. Il est suggéré de mieux prévenir les infections (amélioration de l’élevage, biosécurité, vaccination, etc.) et d’utiliser de façon plus ciblée des antimicrobiens là où ils sont nécessaires (par exemple, par un diagnostic précis, y compris des tests de sensibilité, le traitement régional fondé sur des données probantes, etc.).

La consommation d’antibiotiques surveillée

La collecte de données sur la consommation d’antibiotiques est considérée comme essentielle pour guider la politique et la recherche. Le projet de surveillance européenne de la consommation d’antibiotiques vétérinaires (European Surveillance of Veterinary Antimicrobial Consumption ou Esvac) a été lancé par l’EMA en 2009, à la suite d’une demande de la Commission européenne d’élaborer une approche harmonisée de la collecte et de la communication des données sur l’utilisation d’antibiotiques chez les animaux. Le septième rapport de l’Esvac est paru en octobre 2017. Au total, 30 pays européens ont soumis des données sur les ventes ou les prescriptions (deux pays) de médicaments vétérinaires antimicrobiens pour 2015. Parmi les ventes globales, les tétracyclines, les pénicillines et les sulfamides représentaient la part la plus grande, avec 69,6 %. Les évolutions des ventes d’antibiotiques considérés comme étant d’importance critique pour la médecine humaine chez les animaux producteurs d’aliments étaient les suivantes : - 0,2 % pour les céphalosporines de 3e et 4e générations, - 2,1 % pour les fluoroquinolones, - 6,8 % pour les polymyxines (colistine) et - 7,2 % pour les macrolides. Les schémas de prescription des différentes classes d’antibiotiques diffèrent considérablement selon les pays. Des variations notables ont été observées dans la proportion de céphalosporines de 3e et 4e générations, de fluoroquinolones et de polymyxines. Dans les 30 pays, les ventes de formes pharmaceutiques pour le traitement de groupe représentaient 91,2 % du total (prémélanges, 43,4 % ; poudres orales, 19,1 % ; solutions orales, 28,6 %). Cependant, cette proportion varie considérablement d’un pays à l’autre, de 7 à 97 %. Au total, 25 pays ont fourni des données pour toutes les années entre 2011 et 2015. Une baisse globale des ventes de 13,4 % a été observée au cours de cette période. Une diminution de plus de 5 % a été constatée dans 15 de ces pays, alors que, dans huit autres, il s’agissait d’une augmentation de plus de 5 %.

Malgré une variation des ventes

Sur la base des conclusions de ce rapport, plusieurs observations ressortent. Premièrement, la variation des ventes entre les 30 États membres. Les facteurs contribuant à cela incluent les différences dans la composition de la population animale et dans les systèmes de production ; les variations en termes de dose journalière utilisée pour les antibiotiques et les formes pharmaceutiques, la période de traitement et les prix ; et, éventuellement, des sources de données multiples. Cependant, ces facteurs ne peuvent que partiellement expliquer les différences observées, d’autres facteurs tels que la disparité des pratiques de prescription doivent également être pris en compte. Par ailleurs, la baisse substantielle des ventes d’antibiotiques pour les animaux de rente a été observée dans certains pays. Cela suggère qu’il existe également un potentiel de diminution dans d’autres pays.

Un règlement en discussion

Une proposition de nouveau règlement sur les médicaments vétérinaires est actuellement discutée par les institutions de l’UE à Bruxelles. Parmi les objectifs de haut niveau figurent les besoins d’accroître la disponibilité des médicaments vétérinaires et de faire face aux risques de santé publique liés à l’antibiorésistance. Le projet de texte contient des dispositions visant à renforcer l’évaluation du rapport bénéfice/risque des antibiotiques vétérinaires, à fournir un outil juridique pour préserver certains antibiotiques à usage humain et à restreindre l’utilisation d’antibiotiques non conforme aux termes de l’autorisation de mise sur le marché. En outre, la proposition prévoit la mise en place d’un système d’enregistrement et de notification de l’utilisation des antimicrobiens au niveau de chaque animal/élevage. Si le texte juridique est adopté tel que proposé initialement, ces changements seront majeurs pour la pratique vétérinaire.

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