La protection animale et le vilain vétérinaire - La Semaine Vétérinaire n° 1746 du 06/01/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1746 du 06/01/2018

BILLET D’HUMEUR

DITES-NOUS TOUT

Auteur(s) : SABINE ARBOUILLE (T   99) 

Depuis quelque temps fleurissent à tous les coins de rue des associations loi 1901 autoproclamées “de protection animale” prêtes à sauver le monde. Elles (ces associations ; même si leurs présidents sont souvent des présidentes, pas de parité dans le domaine) ont parfois des méthodes discutables, nous demandent souvent beaucoup, à nous, praticiens libéraux, et en premier lieu des “tarifs” !

Passons sur leur impression d’être 100 % légitimes, et d’avoir tous les droits : le droit de venir sans rendez-vous pour des urgences toutes relatives, le droit d’exiger des tarifs préférentiels, le droit de confisquer des animaux quand elles estiment qu’ils sont en danger (avec quelles connaissances ? Ça, on ne sait pas, c’est le cœur qui parle, vous voyez), et autres joyeusetés. Beaucoup de droits et pas beaucoup de devoirs… Et en premier, un devoir de respecter la législation, et de respecter les conditions de fonctionnement de nos cabinets et cliniques. Bien sûr, toutes ne sont pas véreuses, mais…

Leur omniprésence sur les réseaux sociaux leur donne une vitrine panoramique. Évidemment, c’est la cause des gens qui aiment les animaux, eux, et pas l’argent, bien sûr, qui donnent de leur temps, de leur sueur, de leur bonne volonté pour sauver Kiki, et ça, c’est beau et indiscutable, n’est-ce pas ? On ne peut que “liker” ! Sauf que pour ça, ils ont besoin de nous, zut. Cette force, le suivi en masse par des anonymes prêts à soutenir n’importe quelle affirmation ou récrimination contre des propriétaires, contre des vétérinaires non conciliants, par un clic, juste sur l’affichage racoleur d’une photo d’un Kiki à l’air battu (une preuve !), fait leur dangerosité. Soit nous disons amen à toutes leurs demandes, soit nous passons du côté obscur, sur la liste noire qui circule des vétérinaires ne pensant qu’au fric, il n’y a pas de demi-mesure ! Cela finit aussi parfois en bashing pur et simple, avec menaces de mort, publication des coordonnées du vétérinaire, qui, le salaud, a accepté d’euthanasier pour l’argent un animal en parfaite santé qu’on aurait pu replacer : c’est bien connu, c’est notre came, l’euthanasie. Et le fric. Et l’euthanasie.

Et c’est comme des Bisounours que nous acceptons certaines de leurs conditions, de faire des prix, allez, c’est pour les animaux qui souffrent, et sauver les animaux, c’est notre credo, oui mais nous ne sommes pas des dispensaires ! Il faut alors être sacrément solide et sans aucune once de culpabilité pour refuser de soigner “sans marge” quelques orphelins, pour juste dire non… ou alors avoir été déjà suffisamment abusé et non payé (ça aide). Allez, il faut être fort. La profession devra réfléchir à une réponse collective à ces demandes, qui semblent à chaque fois être un cas particulier, de personnes de nos villes qu’on connaît plus ou moins, etc., mais qui en fait sont les mêmes partout, et nous demandent de jongler entre nos impératifs économiques et notre bon cœur, sous la pression.

Le bon cœur, OK, la bonne poire, moyen.

Deux expériences récentes, mauvaises bien sûr : la première, la présentation en consultation de deux chiots faméliques de 3-4 mois à peine. Provenance : Moldavie… bon, pas Union européenne (UE), pas d’accord avec l’UE (pas d’import avant 7 mois)… Chiots vaccinés à 2 mois en Moldavie (youpi !), importés sans leur mère, passés dans les mains de trois confrères avant de tomber sur moi (vous savez, la méchante non conciliante qui n’aime pas les animaux, c’est moi !), qui tique, et qui fait son boulot, la déclaration à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP), qui gère la suite. Un chiot a quand même été revacciné à 3 mois en France sans histoire… Notre mandat sanitaire, c’est ça aussi, cette veille par rapport à la législation, à la rage, aux trafics…

L’amour ou le respect, il faut choisir, dur dilemme ?

Deuxième exemple : une association qui permet aux gens miséreux de placer leurs animaux qu’ils ne peuvent plus assumer… mais leur demande de venir les faire identifier, vacciner, acheter le collier dans la boîte en fer, acheter le vermifuge avant de leur céder l’animal pour placement ! L’association replace ensuite les chiens sur lesquels ils n’ont eu aucun frais… contre un chèque, bien sûr. Et, car le pire n’est jamais décevant, l’identification par les cédants “doit” se faire directement au nom de l’association… J’ai refusé… Y en a qui vont avoir des problèmes… oui, en espérant que ce soit eux. Je vous dirai sur quelle page de soutien venir cliquer quand cette association me diffamera sur Facebook !

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