Inspections : un sujet brûlant chez les praticiens équins - La Semaine Vétérinaire n° 1746 du 06/01/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1746 du 06/01/2018

CONGRÈS DE L’AVEF

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : MARINE NEVEUX 

Les journées annuelles de l’Avef, qui ont eu lieu les 13 et 14 décembre derniers, ont été riches d’enseignements techniques, scientifiques et propices aux échanges sur des sujets d’actualité qui impliquent le praticien équin, comme le médicament et le bien-être animal.

On doit s’investir dans les commissions et auprès des juniors, et aussi valoriser nos savoir-faire », a insisté Thomas Launois, responsable des commissions de l’Association vétérinaire équine française (Avef), lors des journées annuelles de l’association qui se sont déroulées les 12 et 13 décembre à Paris. Notre confrère a affirmé, au cours de l’assemblée générale, l’importance de maintenir les commissions, qui élaborent notamment des fiches d’information et apportent un appui technique aux praticiens équins sur le terrain du bien-être animal, de la lutte contre le dopage, et plus largement concernant la législation et les pratiques médicales.

La communication auprès du grand public est aussi un axe que l’Avef souhaite développer, en témoigne notamment la présence de la profession au Salon du cheval 2017, avec en point d’orgue les équirencontres.

« Rejoignez-nous »

Richard Corde, président de la Ligue française pour la protection du cheval (LFPC), a mis en exergue l’expertise des praticiens en matière de bien-être animal. « Nous sommes un petit groupe de vétérinaires sentinelles, n’hésitez pas à nous rejoindre, a-t-il lancé à l’assemblée. Venez vous associer ou prendre contact avec les associations de protection animale ».

Le Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe) est également essentiel pour l’activité, fort de ses 647 vétérinaires sanitaires, comme l’a exposé Charles-François Louf, président de l’Avef.

Ces journées ont aussi été l’occasion de revenir sur les avancées de ces derniers mois, dans plusieurs dossiers. « Aujourd’hui, les ostéopathes animaliers doivent passer un certificat d’aptitude », a rappelé Jean-Yves Gauchot, vice-président de l’association. Concernant les techniciens dentaires équins, des sessions de validation des acquis de l’expérience ont commencé. « Nous avons intérêt à créer une commission où l’on peut encadrer les techniciens et rédiger les conventions. »

Enfin, notre consœur Catherine Roy a présenté les évolutions dans le domaine de la radioprotection pour les praticiens équins et souligné le travail de longue haleine mené par la profession pour adapter et diminuer les contraintes réglementaires qui pèsent sur ces praticiens.

Opération “coup de poing”

La problématique des inspections sur la pharmacie et de l’inadéquation avec les réalités de terrain a été mise en avant. Le sujet du médicament est un sujet brûlant ; plusieurs confrères équins ont, en effet, rencontré des difficultés importantes, après une opération “coup de poing” de l’Administration. Hameline Virevialle, praticienne en équine, est venue témoigner de son expérience, faisant salle comble au congrès, tant le sujet suscite la colère chez les praticiens. Les inspections effectuées par la direction départementale de la protection des populations (DDPP) des Bouches-du-Rhône avaient conduit une vingtaine de confrères inspectés à passer en chambre de discipline… La conférence a ainsi été l’occasion de partager les expériences et les avis : même avec la meilleure volonté du monde, certaines applications sur le terrain restent délicates, constatent plusieurs confrères. Un coup de pied dans la fourmilière est donné.

Hameline Virevialle a attiré l’attention sur cinq points de litige qui reviennent lors des inspections :

1 - la mise en forme des ordonnances. Plusieurs conseils sont formulés : attention aux oublis, comme bien indiquer le sexe, l’âge, l’adresse du détenteur. L’exclusion de la consommation doit être stipulée, le cas échéant. Sur les boîtes de médicaments, ne pas oublier de préciser ce que l’on veut : « Une seringue par jour pendant x jours, soit x boîtes de x seringues. » Porter deux tampons : « Administré ce jour », « Délivré ce jour ». Marquer la dénomination complète du médicament, spécifier le poids du cheval, etc.

« Serons-nous un jour parfait sur les ordonnances ?, interroge notre consœur. Écrire une ordonnance, c’est un stress », elle est souvent rédigée à l’arrière de la voiture, « dans des conditions atmosphériques aléatoires, etc. Quand j’oublie l’adresse du détenteur, ce n’est pas de la mauvaise volonté… » ;

2 - la prescription hors examen clinique1 ;

3 - la cascade. Cela n’a pas été le sujet le plus repris devant le tribunal ;

4 - les démarches sanitaires du détenteur. « On nous a reproché qu’il n’y a pas de registre d’élevage dans nos écuries, même si ce n’est pas à nous de le mettre en place. » Il convient de renvoyer les propriétaires sur le site de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE). Les difficultés sont plus souvent rencontrées dans le milieu des courses. Les professionnels ont l’habitude de se renseigner auprès de France Galop ou sur le trot, mais pas auprès de l’IFCE.

« On commence à parler du permis de détention, je pense que c’est une très bonne chose, cela doit être professionnalisé », estime Hameline Virevialle ;

5 - l’exclusion de la filière bouchère est le sujet principal. « Ne pas exclure le cheval de la filière bouchère, on nous a expliqué que c’est une faute grave. » « Faites signer le propriétaire ou le détenteur avant », conseille notre consœur. En effet, des premières menaces de procès ont été formulées à Marseille (Bouches-du-Rhône), car des chevaux avaient été exclus dans l’accord du propriétaire.

Depuis le 7 septembre 2017, l’exclusion doit être déclarée sur le site internet de l’IFCE. Dès que l’arrêté d’application sortira, ce sera donc obligatoire et l’acte sera irréversible.

L’ambiguïté de deux filières

« Mélanger deux filières, c’est une vaste hypocrisie », ont estimé plusieurs praticiens présents. En outre, si certains produits sont interdits en France, ils sont parfois administrés par des vétérinaires étrangers. Les chevaux athlètes se déplacent également beaucoup : que se passent-ils quand ils vont aux Émirats arabes unis ?

L’existence de deux filières chez le cheval soulève des questions, notamment éthiques. « La solution n’est-elle pas de s’occuper uniquement des chevaux exclus ? » Enfin, « la viande que l’on mange en France est surtout de la viande importée… Cela doit faire réfléchir ! Ce que nous mangeons, ce n’est pas ce que l’on traite ici ». Autre effet pervers, lorsque les chevaux sont exclus, des filières parallèles se mettent en place en Italie et en Belgique…

Répression ou pédagogie ?

Hameline Virevialle a appelé à instaurer un dialogue entre les praticiens et les administrations et à ne pas laisser les premiers au milieu de tous ces contrôles en pensant qu’ils ne sont pas atteints psychologiquement par ces mesures répressives.

« L’opération “coup de poing” initiée par la DGAL portait sur le bien-être animal et la pharmacie, à la suite du scandale médiatique du “horsegate” et après la découverte d’un laboratoire qui utilisait des chevaux pour faire des sérums, a rappelé notre confrère Olivier Debaere (DGAL). Nous avons voulu réaliser cette opération non pas pour ostraciser une profession, mais pour avoir des effets pédagogiques ». « Le fait que cela vous fasse réagir, c’est positif », a-t-il rétorqué face à la grogne de la salle. « La méthode pédagogique est violente, a réagi un confrère équin. La bonne méthode est celle qui donne du goût. »

« En réponse, une des actions est l’ajout d’un module de formation continue en filière équine en 2018 sur le sujet de la pharmacie vétérinaire et du bien-être animal, a poursuivi Olivier Debaere. L’occasion de passer un bon moment avec les professionnels et d’améliorer le dialogue entre les praticiens et les DDPP. »

« On nous impose énormément de contraintes, se sont insurgés les congressistes. La charge administrative demande beaucoup de temps et d’énergie, ce n’est pas que l’on n’est pas conscient des évolutions, mais cela devient too much ». « Derrière, il y a de vrais scandales politiques et de fraudes, donc c’est très compliqué, a tempéré Jean-Yves Gauchot. Et il s’agit de l’application du Code de la santé publique… »

Rendez-vous est d’ores et déjà donné lors de la prochaine journée européenne de l’Avef à Roissy-en-France (Val-d’Oise), sur le thème du médicament.

1 Lire en page 14 de ce numéro.

ÉLECTIONS

C’est avec beaucoup d’émotion que Richard Corde, pilier de l’Avef, a quitté le conseil d’administration (CA) de l’association, ne s’étant pas représenté. Il a été chaleureusement remercié par tous pour sa grande implication pendant 30 ans au service de l’association.
Quatre postes étaient à pourvoir pour ce renouvellement partiel du CA. Sont réélus ou élus : Fabrice Audigié, Charles-François Louf, Isabelle Lussot-Kervern, Christel Marcillaud-Pitel.
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