Cas de PIF : la prescription de la garantie des vices cachés - La Semaine Vétérinaire n° 1746 du 06/01/2018
La Semaine Vétérinaire n° 1746 du 06/01/2018

DROIT

ÉCO GESTION

Auteur(s) : CÉLINE PECCAVY 

Un test de coronavirus positif chez un chaton n’établit pas un lien de causalité automatique de contracter une péritonite infectieuse féline (PIF), selon la cour d’appel de Nîmes. Explications.

Beaucoup de vétérinaires ont écrit sur le sujet : il faut arrêter de dire qu’un chat porteur de coronavirus est atteint d’une péritonite infectieuse féline (PIF). Scientifiquement, cela paraît une évidence. Devant les tribunaux, cela restait compliqué à faire juger. On ne peut donc que se réjouir de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Nîmes le 16 novembre 2017.

Les faits

Mme V est un particulier qui décide de faire reproduire sa chatte de race sphynx et de vendre ensuite les chatons. L’un d’eux, Eve, sera cédé à Mme A en juin 2009, pour 1 200 €. Celle-ci se fera enregistrer quelque temps plus tard comme éleveuse et décidera à son tour de se lancer dans la reproduction avec Eve. La chatte va cependant déclarer, en février 2010, lors de sa gestation, la péritonite infectieuse féline. Elle sera euthanasiée alors qu’elle est porteuse de sept fœtus.

Une action en justice relativement tardive

Persuadée de la responsabilité de Mme V, Mme A va saisir le tribunal de grande instance (TGI) de Carpentras (Vaucluse) en avril 2014. Quatre ans après les faits, il ne reste guère d’autre choix à la requérante que d’assigner sur le fondement de la faute et donc de l’article 1382 du Code civil. Pour Mme A, Mme V est fautive de n’avoir pas effectué de test sur le chaton avant sa vente, test qui aurait permis selon elle de savoir que le chaton était déjà malade. En raison de cette faute, elle doit supporter toutes les conséquences du décès d’Eve, à savoir : perte de la chatte, frais vétérinaires pour celle-ci, perte des sept fœtus, frais de dépistage des autres chats de l’élevage, mise en quarantaine des mêmes chats, achat d’une nouvelle reproductrice. Soit un total de 13 565,26 € !

Le jugement de première instance

Alors que les parties avaient débattu très logiquement sur le terrain de la faute et alors qu’en procédure écrite, comme c’est le cas devant le tribunal de grande instance, le magistrat est tenu par les conclusions des parties, le jugement rendu le 28 janvier 2016 ne peut que nous laisser pantois. En effet, le tribunal vient affirmer l’application au cas d’espèce de la garantie des vices cachés. On peut lire que « même si Eve s’était révélée porteuse saine du coronavirus PIF, il était hors de question pour M me A de voir son élevage contaminé par cette maladie ». Sur cette base, le tribunal va condamner Mme V à la somme de 11 386,26 €. Certaines demandes (frais vétérinaires et quarantaine) seront minorées et l’achat d’une autre reproductrice ne sera pas validé. Pour couronner le tout, le tribunal va même prononcer l’exécution provisoire, condamnant ainsi Mme V à payer même si elle relève appel.

Il est rare de trouver des jugements qui méconnaissent à ce point les règles de droit. Même un étudiant à la faculté aurait relevé ici la prescription de la garantie des vices cachés… Appel fut donc relevé pour qu’une bonne justice soit rendue. Direction : Nîmes.

L’arrêt d’appel

Trois magistrats ont eu à se pencher sur ce dossier en cause d’appel. Gageons que cette fois-ci, ils ont réellement étudié l’affaire.

La garantie des vices cachés ? Exit. La cour d’appel vient bien confirmer qu’une action intentée quatre ans après le diagnostic de péritonite infectieuse féline ne peut être que prescrite.

La faute ? Nullement. Et c’est là que la motivation de la cour est très intéressante : « Il sera observé, d’une part, que la quasi-totalité (de l’ordre de 84 %) des chats peuvent être considérés comme porteur du coronavirus sans pour autant contracter la PIF.

Ainsi, un test de coronavirus positif n’établit pas un lien de causalité automatique de contracter la pathologie litigieuse. Il n’est pas non plus établi que la chatte Eve était, en juin 2009, porteuse du coronavirus.

M me A ne démontre donc pas qu’au moment de la vente M me V connaissait, ni même aurait pu connaître par la réalisation d’un test de coronavirus, l’affection d’Eve. »

Résultat : débouté total de Mme A, qui sera même condamnée à un article 700.

Enfin un arrêt1 qui ne fait pas l’amalgame entre coronavirus et péritonite infectieuse féline.

1 Arrêt rendu par la cour d’appel de Nîmes le 16 novembre 2017.

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