Quelles évolutions pour le réseau des laboratoires départementaux d’analyses aux côtés des praticiens ? - La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017

ACTU

Du schéma historique de laboratoires des services vétérinaires au paysage actuel, le réseau des laboratoires départementaux a subi d’importants changements depuis le transfert de ceux-ci, dans les années 1980, aux conseils généraux, dans le cadre de la première loi de décentralisation. Les volontés politiques départementales locales, l’évolution du monde agricole et le souci d’optimisation des moyens ont conduit certains laboratoires à renforcer leurs compétences, à regrouper ou à mutualiser leurs organisations, et parfois, dans quelques cas, à disparaître du paysage départemental. En effet, parallèlement à leur transfert au service des départements, les laboratoires départementaux ont acquis bien d’autres compétences que la santé animale : formations et accompagnements en sécurité sanitaire alimentaire, chimie alimentaire et recherche de contaminants chimiques, surveillance de l’eau et des milieux aquatiques, expertise dans des méthodes analytiques de pointe (biologie moléculaire, typage bactérien, etc.), tout en continuant à assurer, à moindre coût, un service public d’épidémiosurveillance pour le compte de l’État. Celui-ci est en effet maintenu opérationnel, quelle que soit la fréquence des crises sanitaires, un peu comme le maintien d’une armée en temps de paix…

Fortement implantés dans des réseaux nationaux tels que Sagir1 et Vigimyc2, le Résapath3 et la surveillance des antibiorésistances, mais aussi Sylvatub4 ou la surveillance de l’influenza aviaire, les laboratoires départementaux constituent aujourd’hui un réseau solide, mais hétérogène, de plus de 75 laboratoires rassemblant près de 4 500 techniciens de laboratoire, ingénieurs, vétérinaires. Toutefois, cette organisation essentielle dans le maillage sanitaire national vétérinaire est fragile : en associant certains laboratoires départementaux à quelques grands groupes privés, voire en reprenant leurs activités dans le cadre d’une délégation de service public, ceux-ci cherchent à récupérer les agréments ministériels en santé animale attribués aux laboratoires par la Direction générale de l’alimentation (DGAL), faisant fi de l’indépendance dont peuvent se prévaloir les laboratoires départementaux publics. Comme en biologie humaine, le risque d’une privatisation de la santé publique vétérinaire et d’un mélange des genres entre intérêt général et profit privé est grand.

La plupart des responsables de laboratoires départementaux, parmi lesquels les vétérinaires sont encore largement représentés (près de 60 vétérinaires travaillent dans les laboratoires départementaux d’analyses), restent persuadés de l’importance de préserver une activité de surveillance sanitaire en santé animale – du diagnostic individuel jusqu’aux prophylaxies – dont les résultats bénéficient à tous, notamment grâce aux échanges de données informatisées dans lesquelles les laboratoires départementaux ont beaucoup investi. Cependant, les tensions financières actuelles auxquelles sont soumis les départements pourraient entraîner ceux-ci à imaginer un laboratoire départemental sans santé animale, voire plus de laboratoire départemental du tout sur leur territoire…

Cette évolution, qui irait dans le sens d’une concentration et d’une privatisation des activités de diagnostic, constitue un risque pour les praticiens qui sont sensibles à l’indépendance des rapports qu’ils ont avec leurs laboratoires départementaux : collaboration technique neutre et impartiale, écoute de proximité, etc. Il en sera tout autre si, demain, leurs interlocuteurs, vétérinaires ou pas, ont des comptes à rendre à des groupes financiers ou à des actionnaires.

Respecter le travail de chacun et ses prérogatives, accompagner par une collaboration intelligente et fructueuse les évolutions techniques et managériales qu’ont effectuées les laboratoires départementaux jusqu’à aujourd’hui devraient guider la réflexion des praticiens, si l’image d’experts techniques indépendants, garants de la santé publique et de celle de leur clientèle, leur tient à cœur.

1 Réseau d’épidémiosurveillance des maladies de la faune sauvage.

2 Réseau national d’épidémiosurveillance des mycoplasmoses des ruminants.

3 Réseau d’épidémiosurveillance de l’antibiorésistance des bactéries pathogènes animales.

4 Dispositif national de surveillance de la tuberculose bovine dans la faune sauvage non captive.

PHILIPPE NICOLLET (N 89)

est président de l’Association française des directeurs et cadres de laboratoires vétérinaires publics d’analyses (Adilva).
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