Prise en compte du bien-être animal et réflexion éthique dans les écoles vétérinaires - La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017

ACTU

La prise en compte du bien-être animal est une demande sociétale à laquelle les vétérinaires et les éthologues doivent répondre en prenant la place qu’ils méritent dans le débat public. En effet, les vétérinaires sont les experts des animaux, chargés de garantir leur bien-être. Bien que cette mission incombe aux vétérinaires depuis toujours, le bien-être animal et l’éthique ne sont devenus des disciplines vétérinaires à part entière que très récemment, avec la création des différents collèges de vétérinaires spécialistes de ces questions.

Les étudiants désormais formés à la notion de bien-être animal

Dans les écoles vétérinaires comme dans la société, la question du bien-être animal est une priorité. D’une part, parce que les étudiants ont changé, qu’ils sont demandeurs d’une éthique sans faille à l’égard des animaux qu’ils côtoient et qu’ils nous bousculent dans nos pratiques et, d’autre part, parce que les enseignants vétérinaires ont pris la mesure de l’importance de cette question pour la formation des étudiants. D’ailleurs, le nouveau référentiel de compétences vétérinaires fait la part belle à la formation des étudiants au bien-être animal, qui est décliné dans pas moins de cinq des huit macrocompétences qu’il comprend.

Une réflexion initiée dans le monde de la recherche fondamentale

Si, en pratique, le bien-être animal n’est pas moins pris en considération en France que dans les autres pays, nous avons été plus lents à mettre en place les structures visant à certifier l’éthique des procédures et le respect du bien-être animal. Le monde de la recherche scientifique a été le premier à être impacté par ce type de structuration, en 2013, avec l’application de la directive européenne 2010-63 sur l’expérimentation animale. Si l’arrêté du 1er février 2013 a été largement appréhendé par les chercheurs, il a finalement permis de remettre l’animal au cœur de la réflexion scientifique et de réduire de façon significative le nombre d’animaux utilisés à des fins scientifiques (- 40 % de rongeurs utilisés entre 2010 et 2014). En effet, la nécessité d’une évaluation éthique préalable à la mise en œuvre de tout projet de recherche a obligé les investigateurs à prendre plus de temps pour formuler leurs questions scientifiques et à estimer le plus précisément possible le nombre d’animaux nécessaires et suffisants pour y répondre.

Une démarche sensiblement différente en recherche clinique

En tant que vétérinaires, enseignants et chercheurs, nous avons vécu les conséquences de l’arrêté du 1er février 2013 des deux côtés de la barrière. En effet, en qualité de vétérinaires, nous avons été rapidement sollicités pour participer à l’évaluation éthique des protocoles de recherche et, en tant que chercheurs, nous avons été confrontés à l’exercice, difficile au départ, de rédaction des dossiers de saisine. S’agissant de recherche clinique et non d’expérimentation animale, les comités d’éthique dédiés à la recherche clinique vétérinaire doivent être pensés comme des comités de protection des animaux, à l’image des comités de protection des personnes en médecine humaine, et associés à la réflexion éthique des éthologues, des défenseurs de la cause animale, des juristes et des membres de la société civile qui portent un regard neuf et bienveillant sur les animaux et leurs détenteurs. Il convient aussi de se prémunir de potentiels conflits d’intérêts. Pour juger de la qualité scientifique des projets, ainsi que de leur faisabilité, ces comités doivent être pluridisciplinaires et intégrer des chercheurs, mais aussi des vétérinaires exerçant dans les différentes dominantes de notre profession.

L’éthique pousse les protocoles vers l’excellence

Si le travail réalisé par les comités d’éthique a avant tout une finalité certificative, il a également une finalité pédagogique. En effet, ces comités sont des structures d’accompagnement de la recherche clinique vétérinaire menée dans nos établissements. Ainsi, le fait de procéder à l’évaluation éthique des projets préalablement à leur mise en œuvre permet d’aider les investigateurs à mieux penser leurs protocoles, à mieux rédiger les documents d’information à destination des détenteurs d’animaux…

En recherche clinique vétérinaire, comme en expérimentation animale, les investigateurs se conforment à la règle des 3R (“réduire, remplacer, raffiner”) énoncée dès 1959 par Russel et Burch. Le terme “réduire” signifiant de restreindre au strict nécessaire le nombre d’animaux impliqués dans un protocole de recherche ; toutefois, si cette réduction est indispensable, elle n’est éthique que lorsqu’il demeure suffisamment d’animaux impliqués pour pouvoir encore répondre à la question scientifique posée. En recherche clinique vétérinaire, “remplacer” est encore difficile par manque de modèles alternatifs disponibles ; c’est même parfois un non-sens car, dans nombre de cas, se placer chez l’animal spontanément malade, et en demande d’une nouvelle option thérapeutique et/ou chirurgicale, constitue en soi un moyen d’économiser des vies animales. Enfin, “raffiner” est l’objectif le moins difficile à atteindre en recherche clinique vétérinaire si on considère que les vétérinaires qui assument ces projets de recherche sont le plus souvent des spécialistes travaillant dans des structures de type centre hospitalier vétérinaire ou universitaire vétérinaire, qui bénéficient de la complémentarité de nombreux spécialistes et d’équipements de haute qualité.

Une demande prégnante des étudiants

Outre l’évaluation éthique des protocoles de recherche clinique, le bien-être des animaux utiles pour la formation clinique des étudiants est également une priorité. Ainsi, à Oniris, par exemple, avec les cliniciens en charge de ces enseignements, nous avons mis en place une cellule de bien-être animal pour ces animaux et sollicité, en suivant l’exemple de nos collègues de VetAgro Sup, l’implication des étudiants dans cette démarche pour des actions de parrainage et de renforcement positif. S’il est encore difficile de présager du fonctionnement de cette structure naissante, l’enthousiasme des étudiants pour cette démarche est remarquable et il serait dommage de s’en priver ! D’ailleurs, avant même que nous les sollicitions, ces derniers faisaient déjà vivre des clubs autour du bien-être animal. D’un point de vue plus pédagogique, le parrainage constitue également pour eux un moyen supplémentaire d’apprendre des animaux dont ils prennent soin.

JULIE HERVÉ (N 03)

est enseignante en physiologie à Oniris et chercheur au sein du laboratoire d’immuno-endocrinologie cellulaire et moléculaire. Elle s’intéresse particulièrement aux effets du stress et de ses agonistes sur la modulation des réponses immunitaires. En 2016, elle entreprend la création du Comité d’éthique en recherche clinique et épidémiologique vétérinaire d’Oniris (Cervo), dont elle est l’actuelle secrétaire, et coordonne une cellule de bien-être animal dédiée aux animaux utiles à la formation clinique des étudiants vétérinaires.
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