Positionnons-nous en authentiques amis des bêtes - La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017
La Semaine Vétérinaire n° 1745 du 21/12/2017

ACTU

J’ai répondu avec plaisir à votre invitation car elle me donne une opportunité unique de communiquer ma perception de ce si merveilleux métier et, plus généralement, de parler de ce que doivent être notre positionnement et notre action aux côtés des bêtes, du vivant, de notre propre espèce et de cet espace bien fini, bien délicat et en souffrance qu’est notre petite planète. Je ne renie rien à l’histoire de notre profession. Je n’oublie pas que la première école vétérinaire au monde a été créée en France par Napoléon, qui voulait les meilleurs chevaux pour sa campagne de Russie. Je n’oublie pas que nous avons accompagné très efficacement ce mouvement massif d’industrialisation de l’élevage et de l’agriculture en œuvre aujourd’hui partout sur la planète. Nos aînés et les vétérinaires actuellement en exercice ont été formés comme des ingénieurs du vivant ou des médecins des pays riches, en relation étroite avec les fabricants de médicaments, d’aliments et de matériel médical. Pourtant, je ne crois pas qu’il s’agisse d’un présent, et encore moins d’un futur désirable et soutenable pour notre profession.

Les relations entre l’homme et les bêtes sont en ébullition

Notre société, le monde des sciences humaines et sociales, ainsi que celui de certaines disciplines de la biologie telles que l’éthologie ou la cognition, voire de l’élevage telle que l’animal welfare, sont en pleine ébullition, et même révolution, quant aux caractéristiques des relations qui doivent nous lier aux bêtes. Ces dernières sont sensibles, intelligentes et, toutes, et autant que chacun d’entre nous les humains, à la recherche d’une bonne vie. Nous, les vétérinaires, devons nous désolidariser des systèmes d’élevage industriel et d’abattage centralisé à l’origine d’une souffrance terrible de chacun des individus élevés et d’une pollution environnementale et sanitaire tout aussi inacceptable. Je souhaiterais que nous soyons d’authentiques amis des bêtes, de toutes les bêtes, et de l’environnement, ainsi que des ambassadeurs infatigables pour les protéger de la cruauté et expliquer à tous ceux qui ne les connaissent pas et ne les comprennent pas autant que nous ce qu’elles ressentent, ce dont elles ont besoin et comment il faut les traiter. À l’interface de la médecine, de la biologie et de l’élevage, nous sommes aussi d’excellents ambassadeurs pour comprendre et expliquer à nos clients et dans les lieux de pouvoir certains des plus graves maux de notre planète.

Prendre du recul par rapport à nos liens d’intérêts

Pour cela, nous devons développer une pensée plus critique, plus indépendante et plus scientifique et questionner la nature et le mode opératoire des liens d’intérêts qui nous lient à big pharma et à l’agrobusiness. Je fais partie de ceux qui pensent que l’avenir de l’humanité, d’une relation harmonieuse et respectueuse avec les bêtes et notre environnement passe par le retour aux champs et aux étables d’un certain nombre d’entre nous, ainsi que par une éthique individuelle de la considération des autres et notamment des plus vulnérables que nous. Ce n’est pas une utopie, mais une intuition économique et philosophique : donnons les moyens à la moitié de la population des chômeurs dans les pays riches et au climat et à la géographie favorables, ainsi qu’à une proportion significative des personnes qui souffrent au travail, de revenir dans les champs, les étables et des ateliers de transformation à taille humaine . C’est à cela que devrait servir une proportion significative des 10 milliards d’euros annuels de la PAC1. Et les vétérinaires seraient d’excellents ambassadeurs pour accompagner les mutations indispensables de l’agriculture et de l’élevage et le retour heureux à la campagne des urbains en mal-être.

1 Politique agricole commune.

THIERRY BEDOSSA (A 89)

est vétérinaire comportementaliste et président d’associations qui promeuvent le bien-être des animaux. Ses actions sont motivées par les liens qui unissent l’homme à l’animal. En témoignent les congrès Pet Revolution qu’il a coorganisés ces deux dernières années.
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